Intervention de François Bergère

Commission d'enquête sur la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de M. François Bergère directeur de la mission d'appui aux partenariats public-privé ministère de l'économie et des finances et de M. Antoine Tardivo directeur de projets

François Bergère :

Vous avez bien résumé l'analyse que nous avons menée sur ce dossier et sur sa complexité. Je précise d'ailleurs que la notion de complexité a un autre avantage, à nos yeux, c'est de permettre de recourir au dialogue compétitif. Cette procédure permet une attribution intelligente : on ne fixe pas ex ante toutes les spécifications du système car, tout simplement, on ne les connaît pas. On arrête les besoins et on laisse à chacun des candidats le soin de développer une solution technico-économique optimisée au fur et à mesure des itérations et des échanges qui permettent d'affiner le concept avec chacun des candidats en « tunnel séparé ».

Si c'était à refaire ? J'ai tendance à penser que nous repartirions sur les mêmes bases. Certes, ce dossier a connu des retards. Ils sont, à mon avis, pour une part imputable au partenaire privé mais peut-être pas pour la totalité. Il y a eu quelques changements. Par exemple, la taxe qui devait d'abord être testée en Alsace a finalement été « réenglobée » dans le dispositif national.

Il y a quelques autres aménagements plus ou moins inévitables dans des projets de cette ampleur avec une dimension technique aussi complexe. J'ai tout de même tendance à penser qu'une cause essentielle du retard ou des difficultés constatées aujourd'hui, est, pour une bonne part, étrangère à la volonté ou la capacité du prestataire privé. Il y a une question plus globale, depuis octobre dernier, sur l'acceptabilité du dispositif.

Peut-être que si l'on ne s'était pas trouvé, sans refaire d'histoire-fiction, devant cette situation, on aurait procédé aujourd'hui à la recette du dispositif débouchant sur la mise à disposition contractuelle.

Que la responsabilité de la personne privée soit engagée, c'est possible et probable - même si, je le rappelle, nous n'avons pas été associés aux dernières étapes. Je ne veux donc pas me prononcer de manière définitive sur ce point. Néanmoins, compte tenu de l'ampleur du projet, on peut considérer que déboucher, à quelques mois près, sur un dispositif opérationnel, même s'il reste quelques points à régler, c'est une performance qui me paraît tout à fait honorable. La difficulté de l'exercice, c'est de savoir ce qu'aurait donné le schéma alternatif pour pouvoir dire si cela aurait été mieux ou moins bien, ce qui est impossible à moins de lancer deux dispositifs en parallèle... C'est une comparaison ex post que l'on ne peut pas faire.

Mon sentiment, c'est que le partenariat public-privé n'a globalement pas démérité au regard de ce qui a déjà été mis en oeuvre, dans des délais ou des considérations de coûts, d'enveloppes ou de performances qui me paraissent très proches de ce qui était initialement envisagé.

En ce qui concerne la rémunération des fonds propres, un taux de 15 % est effectivement élevé. Ce sont des taux que l'on retrouve plutôt dans des montages en concession, en délégation de service public, qui impliquent un risque pour le partenaire privé de trafic, de volume ou de fréquentation commerciale. Ce n'est pas le cas en l'espèce. On n'est pas - et on ne pouvait pas - partir sur un schéma de délégation de service public. J'ai parfois entendu certains commentaires qui comparaient le PPP à la ferme générale. Cela aurait pu être pertinent si l'on était parti dans une concession où le partenaire privé se rémunère directement sur le produit de la taxe. En tout état de cause, il aurait été difficile de confier le recouvrement d'un impôt dans le cadre d'une délégation de service public.

Pour un contrat en partenariat, où le risque est d'abord technique, de conception, de réalisation, de performance, de disponibilité, 15 %, c'est élevé. C'est le résultat d'un dialogue compétitif concurrentiel. Il y avait cinq candidats au départ, trois à l'arrivée. À ma connaissance, même si le coût global n'est qu'un critère d'attribution - et pas le plus pondéré - l'attributaire retenu in fine était le moins cher par rapport aux autres candidats. Ce taux reflète aussi les risques et les engagements de performance et de qualité, qui sont très exigeants, transférés au partenaire privé. Le risque de performance en ce qui concerne l'objectif de détection - suivi, facturation, liquidation, recouvrement - de tous les usagers qui empruntent le réseau assujetti à l'écotaxe, soit 800 000 poids lourds français ou étrangers, y compris des petits camions de 3,5 tonnes, à détecter et à identifier en permanence sur 12 000 kilomètres de routes, dont un certain nombre de routes départementales. Ce sont des configurations qui ne sont pas faciles !

Au total, le cahier des charges est probablement plus exigeant que ce l'on a pu connaître dans d'autres pays européens. A l'inverse, on a exigé un taux d'erreur pratiquement nul, je crois, de l'ordre de 1 pour 1 million en ce qui concerne les fausses détections, comme de taxer un camion suivant un itinéraire parallèle très proche de l'itinéraire assujetti à la taxe.

On a demandé, à juste titre, me semble-t-il - mais c'est la responsabilité du ministère de l'écologie - que le taux d'erreur soit pratiquement nul. D'où des exigences techniques et économiques qui se répercutent sur le niveau de risque et sur la rémunération des fonds propres. C'est un élément parmi d'autres. Il n'en demeure pas moins un taux de rémunération élevé. Dans les autres PPP, de type bâtimentaires ou d'infrastructures, les taux de rentabilité interne « fonds propres » sont plutôt de l'ordre de 10 % à 12 %.

Pourquoi ne sommes-nous pas associés aux dernières étapes ? Il faudrait poser cette question au ministère de l'écologie. Ce n'est pas par mauvaise volonté de notre part, même si nous ne sommes plus trop nombreux à la mission d'appui. Vous avez en face de vous, en gros, le tiers des effectifs de la mission. Il y a moins de nouveaux grands projets de PPP à gérer mais, par définition, il reste un stock initial. Je ne peux pas vous apporter une réponse très détaillée sur ce point. Il y a peut-être eu des considérations sur le caractère confidentiel de certaines données de nature financière ou liées au secret commercial qui ont pu limiter les échanges dans la dernière étape. Aujourd'hui, nous restons évidemment à la disposition de tous les ministères concernés pour pouvoir contribuer à la recherche d'une solution au regard des discussions en cours.

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