Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 12 février 2015 à 15h00
Transition énergétique — Article 4

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder l’examen de l’article 4, je souhaite intervenir brièvement, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Cet article traite des performances énergétiques et environnementales des nouvelles constructions. Dans le texte initial du projet de loi, il était centré sur trois dispositifs : d’une part, la possibilité pour le règlement du plan local d’urbanisme, le PLU, d’imposer aux constructions de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées et une production minimale d’énergie renouvelable ; d’autre part, l’obligation imposée aux nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements et des collectivités locales de faire preuve d’exemplarité énergétique et d’être si possible à énergie positive ; enfin, la possibilité d’appliquer le bonus de constructibilité aux constructions satisfaisant à des critères de performance environnementale.

L’Assemblée nationale a effectué un certain nombre d’ajouts, tel celui qui prévoit que les collectivités territoriales pourront bonifier leurs aides pour les bâtiments à énergie positive ou faisant preuve d’exemplarité environnementale.

Elle a également apporté quelques précisions. C’est ainsi que la disposition du règlement du PLU susceptible d’imposer une production minimale d’énergie renouvelable pourra être mise en œuvre « le cas échéant, en fonction des caractéristiques du projet et de la consommation des sites concernés », ce qui est très imprécis du point de vue juridique.

Le texte de la commission n’apporte pas de précisions supplémentaires ; il rationalise, principalement. L’article 4 se présente ainsi aujourd’hui comme une honnête tentative d’introduire la préoccupation de la performance énergétique et environnementale dans l’acte de construire, que cela passe par le droit des sols ou par le devoir d’exemplarité, par les incitations financières ou, enfin, par la sensibilisation des utilisateurs des bâtiments nouvellement construits.

Tout cela est incontestablement utile, car la performance énergétique et environnementale du bâti est un élément essentiel du projet de loi. Cependant, on perçoit bien, au simple énoncé des dispositions de l’article 4, le degré fléchissant de normativité de ce texte.

Là, nous abordons la problématique de la complexité, car ce qui est insuffisamment normatif dans un texte législatif crée à la fois des exigences et un vide. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a reçu pour mission de se demander si ce vide ne risquait pas d’être comblé au détriment des finances, de la souplesse de gestion des collectivités ou de leur liberté d’administration.

De ce point de vue, la délégation s’est intéressée à la disposition de l’article 4 qui, d’une part, pose le principe selon lequel toute nouvelle construction réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics ou des collectivités territoriales doit faire preuve d’exemplarité énergétique et environnementale, et, d’autre part, prévoit que la même construction doit, chaque fois que cela est possible, être à énergie positive ou à haute performance environnementale.

Cette disposition est pour nous comminatoire en ce qu’elle prévoit, sur le ton du commandement, que toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage public font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale. Elle est incantatoire en ce que ce commandement n’est intégré dans aucun code : il s’agit d’une disposition pour ainsi dire « hors sol », mal intégrée à l’ordonnancement juridique.

La seconde obligation, celle qui impose aux constructions nouvelles d’être à énergie positive ou à haute performance environnementale semble tout aussi incantatoire dans la mesure où elle s’appliquera « chaque fois que possible ». Mais qui peut déterminer le sens de cette expression ? Le pouvoir réglementaire, le juge ? Nul ne le sait…

De plus, il faudra définir ce qu’est l’« exemplarité énergétique et environnementale » d’un point de vue juridique et ce que signifie « à haute performance environnementale ». En avons-nous connaissance au moment de voter la loi ? Pas véritablement.

C’est en fonction de cette analyse et de ces inquiétudes, sans remettre en cause le fond du présent projet de loi, que les rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont déposé un amendement visant à minimiser les risques financiers et juridiques.

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