Intervention de Valérie Létard

Réunion du 12 février 2015 à 15h00
Transition énergétique — Article additionnel après l'article 4 ter

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Néanmoins, certains bailleurs ont tendance à vouloir se séparer d’un parc ancien et énergivore qu’ils revendent à ses occupants, pour la plupart des ménages aux revenus très modestes, pour lesquels l’achat représente à lui seul un effort financier très important.

Dans le contexte actuel d’absence d’inflation, et malgré des aides à l’acquisition et des taux d’intérêt bas, la charge de l’achat va peser de nombreuses années sur ces ménages, les empêchant bien souvent d’apporter à leur logement les améliorations nécessaires exigées par la loi en termes de performance énergétique.

Afin de pouvoir atteindre le niveau de performance défini par le 6° du III de l’article 1er de ce projet de loi, à savoir les normes BBC, « bâtiment basse consommation », ou assimilées, et en ayant parallèlement l’objectif de cibler les ménages à revenus modestes, nous pensons que l’on ne peut pas faire peser l’obligation de rénovation thermique sur ces acquéreurs, pour des raisons à la fois financières et techniques.

Les bailleurs disposent de toute l’ingénierie nécessaire pour poser un diagnostic énergétique et effectuer les travaux de mise à niveau thermique.

En outre, la réalisation de tels travaux préalablement à la vente est de nature à faciliter la mise en œuvre d’un programme de rénovation thermique ambitieux lorsque le logement se situe dans un immeuble collectif. Elle permet alors de prévenir l’apparition de copropriétés en difficulté du fait de la non-réalisation de travaux.

Cet amendement prévoit également – je le souligne, car c’est un aspect important – que des dérogations à cet objectif de performance pourront cependant être accordées dans certains cas par le préfet, après avis conforme du maire de la commune concernée ou du président de l’EPCI ayant la gestion déléguée des aides à la pierre – en particulier, lorsque atteindre la norme BBC relève de l’impossibilité technique ou quand cette norme ne peut être mise en œuvre que pour un coût disproportionné à la valeur du logement.

Une telle dérogation devra être motivée et comprendre la liste des travaux que l’acquéreur devrait réaliser s’il souhaite que son logement atteigne un niveau de performance BBC.

Si je tiens à en parler, c’est que je le vis régulièrement sur mon territoire. En effet, au sein de mon agglomération, nous mettons en place des plans de restructuration des cités minières en vue d’accompagner la rénovation thermique des logements. C’est un grand programme appuyé par des financements et des plans ambitieux de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et de la région.

Malheureusement, nous avons des quartiers où la situation est dégradée. Des bailleurs ont dégradé le contexte socioéconomique en vendant des bâtiments à des marchands de sommeil, sans avoir fait les rénovations, et les logements sont ensuite loués à des familles en très grande précarité.

Nous voici donc avec un acquéreur privé qui ne procédera jamais aux rénovations thermiques nécessaires et qui, aujourd’hui, a installé dans ces logements des familles à la situation économique très précaire. Or ces locataires vont subir des charges extrêmement élevée du fait de l’absence de rénovation énergétique. Sans compter que nous avons les plus grandes difficultés aujourd’hui à rétablir la mixité sociale dans ces quartiers, la dégradation du paysage étant fortement engagée.

Madame la ministre, ce n’est pas un phénomène massif.

Je peux témoigner qu’il en va de même dans le cadre de programmes ANRU. J’ai monté, au titre d’une maîtrise d’ouvrage communautaire, des programmes de rénovation urbaine qui nous ont permis de refaire entièrement, avec les bailleurs, un parc de logements individuels anciens, qui ont été rénovés thermiquement. Mais, au beau milieu, nous avons ce que l’on appelle en urbanisme des chancres. Cela signifie que des logements individuels ont été vendus à des locataires souhaitant accéder à la propriété, qui n’avaient que la capacité d’acheter le logement, mais pas un euro supplémentaire pour en assumer les travaux de rénovation thermique !

Je veux dire par là qu’il faut veiller à ne pas mettre en péril des équilibres ou des programmes de bonne qualité. C’est la raison pour laquelle je pense, madame la ministre, que, sans remettre en question la vente de patrimoine, il faut être vigilant à l’équilibre. Ce n’est, de toute façon, pas un phénomène énorme.

Enfin, je pense que la vente de patrimoine locatif pour dégager des fonds propres à destination des organismes d’HLM et reconstruire du logement locatif n’augmentera pas le nombre de logements sociaux en France. Donc, soyons prudents, que ce ne soit pas une façon de se débarrasser à bon compte des logements dégradés sur les ménages modestes !

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