Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 12 février 2015 à 15h00
Transition énergétique — Article 5

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

L’article 5 du projet de loi, qui traite des performances énergétiques des constructions existantes, fait pendant à l’article 4, qui traite de celles des constructions neuves. Nous abordons donc les obligations imposées aux constructions existantes. L’analyse qu’en fait la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne diffère pas beaucoup de son analyse de l’article 4 : même complexité, même indifférence aux coûts !

Le texte initial du projet de loi comportait deux catégories de dispositions, la première relative aux performances énergétiques exigées lors de travaux de rénovation importants, et la seconde relative aux modalités d’adoption des décisions de copropriété en ce qui concerne les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique à l’occasion de travaux affectant les parties communes des immeubles.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale est caractéristique de la méthode de l’empilement normatif, puisque, aux dispositions « relativement » sobres du texte initial ont été ajoutées diverses précisions. On peut citer, à titre d’illustration, la disposition précisant que tous les travaux de rénovation énergétique doivent permettre d’atteindre en une ou plusieurs fois un niveau de performance compatible avec les objectifs de la politique énergétique nationale et se rapprochant le plus possible des exigences applicables aux bâtiments neufs, ou la disposition précisant que l’étude de faisabilité technique et économique devant précéder les travaux de rénovation importants pour certaines catégories de bâtiments évaluera également les solutions permettant à l’utilisateur de maîtriser ses consommations d’énergie…

Dans la mesure où, à côté de l’empilement normatif, l’une des causes majeures de la complexité est la remise en cause récurrente des délais d’entrée en vigueur de dispositions législatives contraignantes, il faudrait aussi se pencher sur la disposition avançant à 2018, au lieu de 2020, l’année à compter de laquelle s’appliquera la nouvelle réglementation thermique.

Je passe cependant sur ce point, car la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne s’est pas intéressée uniquement à la disposition de l’article 5 susceptible d’atteindre les collectivités locales en tant que propriétaires de très nombreux bâtiments tombant sous le coup de l’obligation d’isoler les murs extérieurs et les toitures à l’occasion de travaux de rénovation importants.

Rien n’est apparemment prévu en effet pour exonérer les innombrables bâtiments municipaux dénués d’un intérêt architectural particulier de l’obligation, coûteuse, d’isoler murs et toitures dès qu’un ravalement ou une réfection de la toiture est engagé.

L’étude d’impact du projet de loi indique que les nouvelles normes découlant du projet de loi pourraient conduire à des surinvestissements de l’ordre de 30 % à 60 % pour les façades et de 5 % à 100 % pour les toitures.

On atteindra donc rarement un équilibre raisonnable entre les coûts et les avantages, surtout dans le Sud, où les rigueurs du climat ne sont généralement pas telles que les économies de chauffage puissent compenser à un terme prévisible un surcoût aussi massif.

Ce bilan coûts-avantages probablement plus que mitigé, spécialement en période de disette financière, est le premier angle d’appréciation de la qualité normative de l’article 5. Il y en a bien sûr d’autres, qui seront évoqués par Philippe Mouiller, lorsqu’il présentera l’amendement que nous avons déposé sur cet article.

Enfin, l’article 5 a le mérite, si l’on peut dire, de mettre en évidence un facteur de complexité très irritant pour les élus de terrain : l’uniformité de la norme sur l’ensemble du territoire. Le simple bon sens suggère que les obligations d’isolation ne sauraient s’appliquer de manière uniforme sur le territoire sans tenir compte des conditions climatiques. À cet égard, l’étude d’impact souligne avec justesse que les travaux d’isolation de la façade des bâtiments implantés sur le pourtour méditerranéen apparaissent dans leur grande majorité comme non rentables. Or rien n’annonce la possibilité d’une différenciation territoriale des obligations d’isolation.

Voilà, en quelques mots, ce que nous pensons de l’article 5. Tout au long de son examen, nous jouerons un rôle d’aiguillon pour aider à la simplification.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion