Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 16 février 2015 à 21h30
Transition énergétique — Article 19 quater

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 19 quater, qui résulte d’un amendement parlementaire adopté au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, vise à consolider le cadre juridique de trois catégories de déchets : les véhicules hors d’usage ; les déchets d’équipements électriques et électroniques et les déchets faisant l’objet de transferts transfrontaliers.

L’examen du projet de loi en commission n’a pas apporté de modifications substantielles à cet article. Deux amendements rédactionnels ont été adoptés sur l’initiative du rapporteur pour avis.

En définitive, l’article 19 quater dont nous débattons comporte des dispositions utiles quoique hétérogènes, qui tendent à conférer à l’État, aux collectivités territoriales et aux opérateurs de gestion de déchets des moyens d’action renforcés dans la collecte et la valorisation des certains types de déchets.

À n’en pas douter, cet article concourt à la promotion de l’économie circulaire, dont le recyclage constitue le principal levier.

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné, au titre de la mission qui lui a été confiée, les dispositions de l’article 19 quater relatives aux véhicules hors d’usage. Je précise d’emblée que la délégation n’a ni pour compétence ni pour souhait de porter un jugement sur le fond de ces dispositions. Qui pourrait douter de l’intérêt de permettre aux maires, notamment dans les départements d’outre-mer, de mobiliser de nouveaux outils pour enlever et traiter les épaves, propices à la nidification des moustiques porteurs du chikungunya ?

Non, l’unique dessein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation est tout autre : il est d’éclairer – pour ne pas dire alerter – le législateur sur le risque d’une loi rigide et dispendieuse, que les collectivités territoriales ne pourraient pas convenablement mettre en œuvre.

C’est dans cet état d’esprit que nous lançons une alerte sur certaines des dispositions de cet article, alerte qui, il faut le souligner, est pleinement partagée par l’Association des maires de France, que nous avons auditionnée. Et pour cause : cet article confie aux maires de nouvelles responsabilités en matière de récupération des véhicules abandonnés, qu’ils n’auront en tout état de cause pas les moyens d’exercer.

Après un constat et une mise en demeure, le maire procédera à la prise en charge, d’une part, des véhicules abandonnés sur la voie ou le domaine publics, avec le recours à un expert automobile et, selon le cas, la mise en fourrière ou le transfert du véhicule vers un centre pour véhicules hors d’usage, et, d’autre part, des véhicules abandonnés sur les propriétés privées, avec le transfert obligatoire des voitures et des camionnettes vers un centre pour véhicules hors d’usage. Imaginez la situation, notamment pour les plus petites communes !

Ces dispositions illustrent la tendance qui consiste à attribuer aux collectivités territoriales de nouvelles compétences, dont les conditions de mise en œuvre ne sont pourtant pas réunies au regard des moyens techniques, juridiques ou financiers disponibles.

Car, ne nous y trompons pas, ces dispositions auront une portée plus contraignante qu’il n’y paraît pour les communes, dans la mesure où l’article 19 quater dispose, au mode indicatif, que la commune « met » en demeure le propriétaire du véhicule ou du terrain. Elles seront en outre coûteuses, puisque l’expert automobile devrait être rémunéré par la commune.

S’agissant des autres coûts, qui pourrait sérieusement penser qu’un propriétaire assez indélicat pour laisser un véhicule à l’abandon s’acquittera des frais que la loi met à sa charge ? La commune paiera de sa poche !

De plus, ces dispositions risquent d’être très difficiles à appliquer.

S’agissant des véhicules abandonnés sur la voie et le domaine publics, le maire sera censé identifier puis mettre en demeure le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule. Comment pourra-t-il le faire si le véhicule abandonné n’a plus de plaque d’immatriculation ? Voilà une procédure qui ne résistera guère à l’épreuve du réel !

En ce qui concerne les véhicules abandonnés sur des terrains privés, les nouvelles responsabilités confiées au maire supposent qu’il pourra aisément accéder à la propriété privée. Nos édiles devront-ils faire fi du droit de propriété ?

Ces dispositions seront également difficilement applicables, car leur rédaction est ambiguë. Le constat que le véhicule abandonné – je cite l’article 19 quater - « semble privé des éléments indispensables à son utilisation normale et semble insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols » sera une source de quiproquos et de contestations possibles. Ce sera alors au pouvoir réglementaire ou au juge d’en déterminer le sens.

C’est pour ces raisons que la délégation aux collectivités territoriales a souhaité attirer l’attention du Sénat sur ces dispositions. Je me félicite que le signal d’alarme ait été pour partie entendu, puisque le rapporteur pour avis Louis Nègre a proposé un amendement visant à mettre les frais de recours à un expert automobile à la charge du propriétaire du véhicule et à supprimer certaines dispositions relatives aux véhicules abandonnés sur les propriétés privées.

Cependant, il faut aller plus loin et modifier la rédaction de cet article qui pourrait poser des difficultés, notamment en précisant que ses dispositions ont une portée facultative et non pas obligatoire. Une telle modification, simple et claire, serait de nature à rassurer les élus locaux.

C’est le sens de l’amendement que nous présenterons, en donnant un caractère facultatif à ce qui semble relever du bon sens, mais qui ne doit pas être obligatoire pour les plus petites collectivités.

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