On peut penser que cette offre va se déployer là où il existe déjà d'autres types de liaisons par transport collectif, et dupliquer l'offre de train. La question s'est posée dans les mêmes termes dans d'autres pays disposant de réseaux ferroviaires, éventuellement à grande vitesse. Une telle offre ne s'adresse pas la même population que celle qui utilise le train, mais à une population pour qui la valeur du temps est plus faible, qui ne voyage peut-être même pas du tout étant donné l'offre actuelle.
Dans la mesure où cette offre de transport duplique certains services ferroviaires, elle répond à un besoin qui n'est pas satisfait par l'offre actuelle. Par ailleurs, un certain nombre de liaisons ne disposent pas de transport ferroviaire. Il s'agit donc là d'une création de nouvelles offres de transport par autocar.
Il faut bien entendu prendre garde à ne pas déstabiliser le transport ferroviaire, mais il ne s'agit pas du tout d'une concurrence frontale avec le train, puisque cette offre ne s'adresse pas à la population qui utilise le train ; en second lieu, pour peu que les gares routières soient correctement interconnectées avec le rail, le transport par autocar alimente le transport ferroviaire. La plupart des usagers peuvent parfaitement effectuer une partie de leur voyage par autocar et, se trouvant dans une gare routière interconnectée avec le train, poursuivre leur périple grâce à une liaison ferroviaire. Il n'y a donc pas là de contradiction entre l'offre par autocar et l'offre par train.
Je répète qu'il ne faut pas voir l'ouverture du transport par autocar comme un moyen de créer des emplois de conducteurs, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un effet secondaire. Il va bien falloir conduire ces véhicules ; en outre, les règles de sécurité interdisent à un conducteur de travailler plus d'un certain nombre d'heures de suite, des emplois vont être créés...
Il est toutefois difficile de préciser le nombre de ces emplois. Cela dépendra de l'offre que va susciter cette nouvelle mesure. On peut s'appuyer sur les expériences étrangères comparables à la nôtre en termes de densité de population, d'infrastructures routières. La densité de la nouvelle offre dépendra fondamentalement de la répartition de la population sur le territoire et de la qualité des infrastructures, qui sont plutôt bonnes en France et assez comparables à des pays dans lesquels cette réforme a déjà eu lieu, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni.
En second lieu, on peut se référer à ce qui s'est passé en France lors de l'ouverture du transport routier de marchandises, dont on sait qu'il pose d'autres problèmes. Nous ne sommes pas ici dans les mêmes circonstances : au moment de l'ouverture du transport routier de marchandises, les biens transportés avaient complètement changé de nature. Le transport ferroviaire était alors de moins en moins compétitif par rapport au transport routier. Celui-ci s'est substitué en grande partie au transport ferroviaire. Une des raisons pour lesquelles le fret ferroviaire attire aujourd'hui si peu de monde, c'est qu'il est très efficace pour transporter en grande quantité de l'acier, du blé ou des produits pondéreux extrêmement homogènes, mais pas des puces d'ordinateurs, par exemple. Le transport de pondéreux et de produits homogènes a énormément diminué, et il ne faut donc pas comparer les deux sujets. C'est pourquoi j'opère une distinction entre les deux...
Le transport par autocar ne concurrencera pas le transport par rail, comme le transport de marchandises par la route l'a fait pour le fret ferroviaire. Par ailleurs, les créations d'emplois ne peuvent pas non plus s'aligner sur ce qui s'est passé au moment de l'ouverture du transport de marchandises.
Ces points peuvent toutefois être versés au débat. Nous avons effectué des simulations, en tenant compte d'un certain nombre de facteurs de productivité du travail ou des véhicules qui ont tendance à raccourcir les temps de transport. Les péages autoroutiers sont automatisés et permettent de perdre moins de temps. Ce sont là des facteurs d'amélioration de la productivité, qui entraînent une moindre création d'emplois.
La prise en compte de tous ces facteurs, suivant l'ampleur de l'ouverture, nous a amenés à fixer une fourchette de création très large - on pourra affiner les chiffres plus tard - comprise, prima facile, entre 8 000 et 22 000 emplois.
La croissance de l'emploi du secteur du transport de marchandises, avec toutes les précautions que j'ai mentionnées auparavant, était de 1,5 % par an avant 1986, date de la libéralisation. Il était de 5 % de 1986 à 1990. C'est un véritable choc qu'a connu le transport routier de marchandises dans le domaine de l'emploi, mais il ne faut pas nécessairement attendre la même chose du transport par autocar.