Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 28 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 5

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Avec cet article 5, le vent de la réforme atteint de plein fouet l'ANPE, et l'on peut se demander si ce grand souffle ne va pas aboutir à faire perdre quelque peu de cohérence à son action. C'est en effet une agence d'une autre nature qui nous est proposée, avec la possibilité de prises de participation ou la création de filiales.

S'agissant de l'ANPE, on peut se demander comment se définit la modernisation, et à quoi sert la réforme.

Pour ce qui est de la modernisation, tout d'abord, depuis la signature des contrats de progrès avec l'Etat, nul ne conteste que l'Agence a accompli de grands progrès en termes de performances et de gestion. Elle remplit aujourd'hui ses missions avec efficacité, en mettant 86 % de ses agents en contact direct avec les demandeurs d'emploi et les entreprises.

Ainsi, 779 agences locales et 184 points relais couvrent le territoire.

Les nouvelles technologies sont utilisées et largement développées, non seulement dans un but de rationalisation, mais aussi pour dynamiser les modalités de l'offre et de la demande d'emploi. La gestion des personnels a aussi été dynamisée et les agents ont été « remotivés », malgré un contexte particulièrement difficile.

Les services se sont diversifiés, avec la création, par exemple, de conseils en recrutement, ou encore de tests d'habileté ou d'aptitude pour aider les demandeurs d'emploi à définir le type de postes qu'ils pourraient occuper dans un métier autre que celui qu'ils viennent de quitter.

Tous ces exemples montrent que l'ANPE s'est profondément réformée et qu'elle est à même d'affronter la perte officielle de son monopole de placement et la concurrence.

Si la modernisation est un élément positif, la réforme que vous nous proposez, monsieur le ministre, conduit dans une direction nouvelle que nous ne saurions entériner.

Ce qui est inscrit à terme dans votre projet de loi, c'est en réalité la fin de l'Agence nationale pour l'emploi en tant que service public. Dans le grand brassage du marché que vous êtes en train de créer, marché non pas de l'emploi, mais des chômeurs, il est évident que l'on ne veut pas s'embarrasser de structures non rentables. Pourtant, il faut se résigner à gérer ou à administrer les demandeurs d'emploi de longue durée, les personnes en difficulté, les allocataires de minima sociaux.

La solution que vous mettez en place est celle du découpage. Selon une bonne vieille recette, aujourd'hui en matière d'emploi comme hier en matière de santé ou de retraite, vous socialisez les pertes et vous privatisez les profits.

L'ANPE ne pouvant être démantelée brutalement et même ouvertement, vous proposez de faire en interne ce que vous réalisez globalement avec ce que vous appelez le « service public de l'emploi ».

L'ANPE va donc être autorisée à prendre des participations dans des entreprises privées de conseil et de recrutement, pour ce que l'on appellera une « fructueuse collaboration ».

Elle va être autorisée à créer des filiales qui pourront faire payer les services, par exemple les tests techniques nécessaires dans une recherche d'emploi, tout cela sous couvert du service public de l'emploi.

Voilà donc ce que l'on appellera la « partie concurrentielle » de l'ANPE, tandis que, au mieux, demeurera une agence restreinte qui administrera, en lien avec les collectivités, les chômeurs qui ne peuvent donner lieu à profit.

Que deviendront, dans ce schéma, les agents de l'ANPE ? Nous pouvons le prévoir aisément : un arrêt des embauches, une stagnation des effectifs en place, des détachements dans les filiales et dans les maisons de l'emploi, des embauches dans toutes ces structures de jeunes en CDD pour qu'ils remplissent des missions, par exemple dans le cadre de restructurations d'entreprise, et le tour sera joué !

Cet article sonne véritablement le glas d'un vrai service public de l'emploi, celui qui doit offrir à tous des services de qualité, parce que tous les citoyens, particulièrement ceux qui connaissent des difficultés, ont droit au même respect. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.

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