La catastrophe de Fukushima a brutalement réinscrit la question de la sûreté nucléaire au cœur des préoccupations politiques, sociales, environnementales des États producteurs d’énergie nucléaire. Le renforcement de la sûreté nucléaire, objet du présent titre VI et de l’article 33 du projet de loi, constitue un enjeu majeur de la transition énergétique.
Cet enjeu est d’abord démocratique, dès lors que tous les citoyens ont le droit de constater, en particulier par l’intermédiaire de leurs représentants au Parlement, l’effectivité et l’efficacité du dispositif de sûreté nucléaire.
Il est ensuite financier, dans la mesure où les autorités chargées du contrôle de la sûreté nucléaire doivent disposer de moyens humains et financiers adaptés au plein exercice de leur mandat.
Le domaine du nucléaire nécessite l’intervention d’autorités d’expertise et de contrôle. En France, ce rôle est assuré par l’ASN et l’IRSN. Ces deux institutions doivent aujourd'hui faire face à des défis sans précédent : le contrôle du vieillissement et du démantèlement des réacteurs électronucléaires, le contrôle des travaux consécutifs au retour d’expériences de l’accident de Fukushima, le contrôle de l’entrée en fonction de l’EPR de Flamanville, ou encore l’instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations comme le CIGEO, ITER, Astrid, ou encore – et j’arrêterai là mon énumération – le nécessaire maintien de notre recherche à un niveau mondial.
Les moyens accordés à notre système de sûreté doivent donc impérativement être à la hauteur de ces défis. Je voudrais en cet instant citer l’avis de l’ASN du 6 mai 2014 relatif au budget du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour les années 2015 à 2017. « L’ASN estime indispensable d’engager dès maintenant le renforcement des moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN, dans la perspective de disposer [en 2017], d’un renfort de quelque 190 emplois […] et d’un budget accru de 36 millions d'euros ».
En effet, compte tenu des défis et des enjeux que je viens de rappeler, la mise sous tension du dispositif de notre système de sûreté nucléaire a été reconnue par les exploitants d’installations nucléaires eux-mêmes. Ceux-ci mettent en avant un engorgement – je dis bien un engorgement ! – de l’ASN et de l’IRSN qui retarde l’examen de leurs dossiers portant sur la sûreté.
Je voudrais à cet égard mentionner que l’arrêt d’un réacteur nucléaire représente pour EDF un coût de 1, 2 million d'euros par jour. Les moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN doivent donc être renforcés et pérennisés.
Je sais que tel n’est pas l’objet de ce projet de loi, mais je voudrais rappeler que la taxe sur les installations nucléaires de base n’est pas fléchée sur le budget de l’ASN et de l’IRSN, car elle est affectée au budget général de l’État. Et je voudrais également rappeler que le montant de la contribution acquittée au profit de l’IRSN par les exploitants d’installations nucléaires est fixé chaque année par arrêté ministériel.
Nous le savons, le contexte budgétaire très contraint ne permet pas d’augmenter les dotations budgétaires finançant la sûreté nucléaire. Par conséquent, il convient de renforcer et de pérenniser les financements du contrôle de la sûreté nucléaire en dégageant de nouvelles ressources, des ressources non budgétaires, comme j’en ai fait la proposition au mois d’octobre dernier dans un rapport d’information présenté devant la commission des finances du Sénat.
La création d’une contribution de sûreté et de transparence nucléaire, perçue par l’ASN et acquittée par les exploitants d’installations nucléaires, aurait un double mérite : d’abord, pérenniser les ressources de l’ASN et renforcer son indépendance, son financement ne reposant plus à 100 % sur les dotations de l’État ; ensuite, renforcer les moyens de l’Autorité au profit des exploitants qui, de ce fait, ne seraient plus confrontés au coût résultant de l’engorgement de l’ASN parfois responsable, j’y insiste, de retards dans l’examen des dossiers portant sur la sûreté.
Madame la ministre, l’article 33 du projet de loi que nous examinons ce soir a pour objet de renforcer les pouvoirs et les missions de contrôle de l’ASN.
Il conviendra, dans le prochain projet de loi de finances pour 2016, de prévoir également le renforcement des moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN. C’est la conséquence logique, inéluctable du présent projet de loi. Pouvez-vous rassurer les membres de la Haute Assemblée sur ce point essentiel ?