Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 28 octobre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 7

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Cet article s'inscrit dans cette opération malsaine menée par le Gouvernement de stigmatisation des chômeurs aux yeux de l'opinion, alors que la conjoncture leur est défavorable.

Cette opération s'est traduite par des annonces répétées du renforcement du contrôle sur les chômeurs, sous-entendu des fraudeurs en puissance. Avec cet article est mise en doute la volonté des chômeurs de trouver un emploi.

Le Gouvernement nous propose ici d'occuper des personnes dans n'importe quel emploi, et cet article me met très mal à l'aise.

Je suis issue d'une région qui a subi de plein fouet la crise de la sidérurgie des années quatre-vingt, les affres des licenciements massifs, les départs forcés, et plus récemment les tristes épisodes Daewoo, Panasonic, Bata et autres vagues de délocalisations. J'ai connu et je connais toujours des personnes, des familles entières affectées par des pertes d'emplois, et c'est vraiment leur faire offense que de mettre en doute leur volonté de retrouver un emploi.

Le chômage touche toutes les catégories de personnes et la meilleure des volontés ne suffit malheureusement pas à retrouver un emploi. Seulement voilà : une personne au chômage a de l'expérience, des qualifications, des prétentions salariales, et cela gène le Gouvernement, alors qu'il est tout à fait légitime qu'un chômeur souhaite retrouver un emploi comparable au dernier qu'il a occupé. De plus, chaque personne est dans une situation personnelle particulière dont on ne peut s'affranchir.

On veut dorénavant faire du placement forcé, alors que tout notre système de formation et d'orientation est basé sur le principe du choix. Avant de conseiller une orientation à un jeune ou à un adulte, on lui demande d'abord ce qu'il veut faire, et où. Je ne connais pas un seul centre d'information et d'orientation qui conseillera à quelqu'un de s'orienter vers un secteur dit porteur auquel son profil personnel et psychologique ne correspond pas !

Cet article va à l'encontre de ce principe puisque le choix des demandeurs d'emploi pourra ne plus être pris en compte dans leur orientation.

Monsieur le ministre, une personne au chômage est psychologiquement affaiblie, elle a besoin de respect et de considération, alors que c'est tout l'inverse que vous nous proposez.

A travers deux exemples, j'illustrerai les aberrations qui pourront naître de cet article.

Monsieur X, cadre comptable de quarante ans, est licencié économiquement. Il recherche activement un emploi dans sa branche. Six mois plus tard, l'ANPE lui propose une formation de vendeur qui dure trois mois. A l'issue de cette formation, on lui trouve un emploi dans un magasin de prêt-à-porter, rémunéré moitié moins que ce qu'il percevait quand il était cadre comptable. Monsieur X refuse cette proposition, car ce salaire ne lui permettrait plus de rembourser les mensualités auxquelles il doit faire face. De plus, un emploi de vendeur ne lui permettrait plus de revenir vers son métier initial. Il sera alors radié des listes et perdra le revenu de remplacement qui lui aurait permis pendant plus d'un an encore de chercher un emploi dans sa branche. Toutefois, et bien que Monsieur X n'ait jamais eu envie de changer de métier, il aurait accepté l'emploi de vendeur, mais avec un salaire comparable à celui qu'il percevait avant son licenciement.

Prenons ensuite le cas de Monsieur Y, chef de chantier à Bordeaux, en recherche d'emploi depuis trois mois. L'ANPE lui propose un poste dans sa branche, rémunéré comme son dernier emploi, mais à Rennes. Or Monsieur Y est marié, et son épouse occupe un emploi qui lui plaît. Tous deux sont très investis dans la vie associative locale, ils viennent d'acheter une maison, et leurs enfants sont scolarisés. En outre, toute la famille des époux Y demeure dans leur région. Monsieur Y refuse la proposition de l'ANPE. Il est donc radié des listes alors qu'il aurait pu chercher activement un emploi pendant encore un an et demi. Toutefois, et alors que Monsieur Y se rendait à son dernier travail à pied, il était prêt à accepter un emploi situé à moins d'une heure de trajet de son domicile.

Tout cela, monsieur le ministre, pour démontrer que derrière chaque chômeur il existe une situation personnelle difficile à apprécier. Personne ne refuse un emploi par complaisance !

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