Les sujets du vieillissement et de la perte d'autonomie sont pour nos concitoyens des préoccupations quotidiennes. Comme vous, Laurence Rossignol et moi avons été parlementaires. Nous avons été confrontées, dans nos permanences, à des demandes très fortes de soutien, d'accompagnement, parfois d'hébergement, pour des personnes âgées vieillissantes, dont certaines avaient perdu leur autonomie.
Notre démarche ne doit pas être purement administrative. Le vieillissement de notre population est un phénomène heureux. La société attend des réponses structurantes pour faire face à ce qu'elle perçoit comme un défi, notamment financier. Sans doute cela explique-t-il qu'au cours des dix dernières années les responsables politiques ont beaucoup parlé de ce que l'on nommait la dépendance, sans avancer de proposition nouvelle. Dès 2012, nous avons engagé l'élaboration de cette loi, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. Je tiens à rendre hommage à Michèle Delaunay, qui a oeuvré à la préparation de ce texte. Il appartient désormais à Laurence Rossignol de le défendre devant la représentation nationale.
L'examen du texte s'est déroulé dans des conditions particulièrement satisfaisantes à l'Assemblée Nationale. Les députés lui ont apporté des améliorations importantes, consolidant notamment la gouvernance locale de la politique en faveur de l'autonomie des personnes âgées. Vos débats seront, je n'en doute pas, tout aussi fructueux et constructifs. Laurence Rossignol vous présentera en détail le texte issu des travaux de l'Assemblée. Je souhaiterais pour ma part vous exposer les points essentiels qui ont guidé sa construction.
Notre premier choix est de favoriser le maintien à domicile. Ce texte ne concerne donc pas l'hébergement dans des établissements spécialisés. Non qu'il n'y ait aucune question à se poser à ce sujet, mais la première demande de nos concitoyens nous semble être de rester chez eux aussi longtemps que possible. Cette priorité est cohérente avec d'autres choix de la politique gouvernementale, en particulier de la loi de santé, qui met en place une organisation de proximité favorisant le maintien à domicile de personnes malades. Associations et élus ont porté cette demande tout au long de la concertation. Plusieurs mesures, sur lesquelles je reviendrai, traduisent cette ambition : ainsi l'aide à l'adaptation des logements ou encore le soutien aux proches aidants.
Nous voulons apporter des réponses aux inégalités face au vieillissement. Si le temps passe à la même vitesse pour tous, il ne produit pas les mêmes effets, et l'âge accentue les disparités sociales, du fait des conditions de travail ou de logement, et des possibilités inégales de prévention. Il importe donc d'anticiper et de repérer les premiers facteurs de la perte d'autonomie, afin de la prévenir tout au long de la vie. Cette loi aura des effets concrets sur le quotidien de nombreuses personnes : toutes n'ont pas, par exemple, les moyens de réaménager leur intérieur. Un plan national d'adaptation assurera la rénovation de 80 000 logements d'ici 2017. Transformer une salle de bains, faciliter l'accès d'un appartement à un fauteuil roulant semblent des objectifs modestes ; pourtant, quel soulagement pour les personnes qui bénéficieront de cette aide !
Nous avons fait le choix résolu de poursuivre le mouvement de prise en charge collective du vieillissement. Si ce principe semble acquis, vous vous rappelez que d'autres propositions ont, récemment encore, été défendues : elles tendaient à faire évoluer notre système vers une prise en charge au moins partiellement privée, reposant sur la souscription d'assurances. Nous nous inscrivons au contraire dans la perspective ouverte par le gouvernement de Lionel Jospin, lorsqu'il a créé l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). La loi d'adaptation de la société au vieillissement constitue une nouvelle étape de cette politique : l'APA sera revalorisée afin d'accroître l'accompagnement à domicile et le reste à charge financier sera réduit.
Notre choix se porte ainsi sur le financement solidaire de l'accompagnement de la perte d'autonomie : la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) financera l'ensemble des droits nouveaux. Elle est désormais intégralement affectée à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Les ressources qui ne seront pas utilisées en 2015 iront à la politique d'accompagnement de la perte d'autonomie. 300 millions d'euros seront ainsi dédiés à un plan pluriannuel d'aide à l'investissement sur la période 2015-2017.
Laurence Rossignol et moi avons décidé d'affecter une partie de la Casa à une mesure de justice sociale pour les salariés de l'aide et des soins à domicile. En décidant d'agréer l'avenant salarial signé par les partenaires sociaux en novembre dernier, nous autorisons la revalorisation de 1% des salaires, gelés depuis 2009, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2014. Cette mesure modeste a été saluée comme le début d'un déblocage longtemps attendu. Elle bénéficiera aux 230 000 professionnels du secteur - dont 97 Di% sont des femmes - qui oeuvrent au quotidien pour améliorer la prise en charge des personnes fragilisées.
Nous faisons enfin le choix stratégique de porter une politique globale. Le vieillissement n'est pas un phénomène uniforme, et nous n'entendons pas nous concentrer uniquement sur la perte d'autonomie. Nous soutenons un projet de transformation de l'ensemble de l'action publique pour tenir compte des besoins des personnes âgées, notamment en matière de transports ou de logement. Notre politique tient également compte de la place déterminante qu'occupent les personnes âgées au sein de notre société. Le projet de loi entend favoriser leur engagement associatif et leur participation citoyenne, afin que cette période de leurs vies soit un temps de transmission et d'entraide.
Le projet de loi accorde enfin une place décisive au soutien aux aidants familiaux. Ils sont plus de 4,3 millions dans notre pays à accompagner et soutenir leurs proches. Une étape a été franchie lorsque la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites a supprimé toute condition de ressources pour l'affiliation gratuite à l'allocation vieillesse des parents au foyer. La continuité dans les droits à la retraite des aidants est ainsi mieux garantie. Cette loi a également créé une nouvelle majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux d'un adulte dépendant. Le texte que nous vous présentons aujourd'hui ira plus loin, en instaurant notamment un droit au répit : 500 euros seront attribués chaque année à tout aidant afin qu'il puisse recourir à des aides extérieures et bénéficier de périodes de repos.
Ce texte s'inscrit dans la continuité de la politique menée par le Gouvernement depuis bientôt trois ans : nous renforçons notre protection sociale en l'adaptant aux nouveaux besoins et aux nouvelles aspirations de nos concitoyens. Nous faisons de la prévention un élément clef des mesures visant à prolonger la vie en bonne santé. Nous réduisons le reste à charge des familles. Nous répondons à l'aspiration d'autonomie et de dignité des personnes âgées. Son examen est un temps fort dans l'expression des ambitions sociales du Gouvernement, et nos échanges permettront de l'améliorer.