Lors de la présentation de l'agenda des réformes, en décembre dernier, le Premier ministre s'est engagé à ce que ce projet de loi, très attendu par les professionnels, les élus, et surtout par nos concitoyens, soit définitivement adopté et ses décrets d'application publiés avant la fin de 2015, pour une entrée en vigueur pleine et entière au 1er janvier 2016.
Ce texte répond à des attentes fortes, auxquelles vous avez certainement été confrontés en tant qu'élus. En dissociant vieillesse et déclin, il promeut un changement de regard sur les personnes âgées. Il mobilisera la société toute entière autour du défi du vieillissement, dans sa double dimension du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables.
Cela suppose de se donner les moyens de repérer et de combattre les facteurs de risque. C'est pourquoi ce projet de loi prévoit de développer des actions de prévention définies par le nouveau plan national de prévention de la perte d'autonomie, articulé autour de la préservation de l'autonomie, de l'adaptation de l'environnement, et du repérage des fragilités. Il contient des actions déjà amorcées, comme la lutte contre l'isolement par le dispositif Monalisa, que vous connaissez sans doute dans vos départements, ou encore l'expérimentation Paerpa (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie), qui accompagne par exemple les sorties d'hospitalisation. D'autres actions sont encore à développer : promotion d'une alimentation saine et de l'activité physique, prévention de la dépression, actions en faveur d'un bon usage des médicaments. Le texte prévoit également de faciliter l'accès aux aides techniques modernes, non substituables, mais bien complémentaires des aides humaines.
La prévention de la perte d'autonomie ne pourrait être réalisée sans la mobilisation de l'ensemble des politiques publiques. Le second axe de ce projet de loi, le plus interministériel de tous, adapte les politiques publiques au vieillissement. Celles du logement, de l'urbanisme et des transports sont particulièrement sollicitées.
Un plan national d'adaptation de 80 000 logements privés d'ici à 2017, associant la Caisse nationale d'assurance vieillesse et l'Agence nationale de l'habitat, est programmé. Dès cette année, la Casa contribuera au financement de l'Anah à hauteur de 20 millions d'euros pour la rénovation de 15 000 logements.
La vie à domicile devient parfois difficile sans pour autant que la vie en établissement paraisse souhaitable. C'est pourquoi nous tenons à développer et moderniser les formes d'habitat collectif pour personnes âgées. Les missions des logements foyers, renommés « résidences autonomie », seront redéfinies en vue d'un renforcement des actions de prévention, grâce à une aide financière, le forfait autonomie, versée à ces résidences sur la base de conventions. Le régime juridique des résidences services sera quant à lui sécurisé. Le paiement des services rendus dans ces structures ne sera dû que lorsqu'ils seront réellement utilisés.
Anticiper la perte d'autonomie ne signifie pas nier son existence. Comme l'a souligné Marisol Touraine, l'accompagnement à domicile constitue un axe fort de ce projet de loi. Le second acte de l'APA est une réforme importante, qui donne accès à davantage de prestations et réduit la participation financière des usagers. Il s'agit également d'une illustration concrète de la politique de justice sociale menée par le Gouvernement puisque, dès 2016, le reste à charge sera réduit pour les 60 % de bénéficiaires de l'APA qui vivent à domicile, soit 730 000 personnes. En outre, celles dont les plans d'aide sont les plus lourds, et qui ont atteint le maximum de prise en charge, pourront bénéficier d'une heure d'APA supplémentaire par jour.
Accompagner les personnes âgées à domicile, c'est aussi donner aux proches qui les aident les moyens de prendre du repos. Ils sont soutenus par cette loi, qui reconnait leur rôle dans l'accompagnement et leur droit au répit, en finançant l'accueil ou l'hébergement temporaire de la personne aidée dans une structure adaptée.
Continuer de vivre à son domicile n'est cependant pas toujours la meilleure solution. Nous tenons à ce que le choix d'entrer dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) soit parfaitement éclairé sur le plan financier, par la publication des tarifs sur la base d'un socle de prestations identiques dans toutes les structures. Le groupe de travail sur la simplification et la modernisation de la tarification des Ehpad lancé le 9 décembre dernier, étudie actuellement les moyens d'améliorer l'efficience des établissements et d'en responsabiliser les gestionnaires. Il doit rendre ses travaux d'ici la fin du mois de juin.
Les droits et libertés des personnes âgées sont réaffirmés afin de garantir qu'elles soient traitées dignement. Des mesures sont prévues pour lutter contre les abus de faiblesse. Le contrat de séjour en établissement pourra intégrer, si nécessaire, une annexe contenant les mesures prises pour assurer le respect de l'intégrité physique de la personne et sa sécurité.
Le projet de loi engage une réflexion commune sur la délicate question du consentement et de l'expression de la volonté des personnes âgées, lorsqu'elles rencontrent des difficultés dans la connaissance et la compréhension de leurs droits. Elles auront désormais la possibilité de désigner une personne de confiance qui les accompagne dans leurs démarches. Nous sommes toutefois soucieux de ne pas restreindre à l'excès la parole de ceux de nos concitoyens que l'âge a rendu particulièrement vulnérables.
Ce projet de loi comporte également un volet transversal relatif à la gouvernance. Les députés ont en effet voté, sur proposition du Gouvernement, la réintégration des articles relatifs à la gouvernance locale, après un travail de mise en cohérence avec l'attribution des compétences sociales aux départements. La représentation des personnes âgées est unifiée et trouve pleinement sa place au sein de cette gouvernance, au travers notamment des conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA). Elle favorisera la coordination institutionnelle et la participation des principaux intéressés à l'élaboration des politiques publiques de l'autonomie.
Le Haut Conseil de la famille et des âges de la vie (HCFAV) aura pour mission d'apporter aux pouvoirs publics une expertise prospective et transversale sur les questions liées aux familles et à l'enfance, à l'avancée en âge et à l'adaptation de la société au vieillissement.
Quant au financement des mesures nouvelles, le Gouvernement n'a pas la prétention de répondre à l'ensemble des besoins avec l'enveloppe dédiée, qui était connue dès l'ouverture de la concertation. Dans la situation actuelle de tensions sans précédent sur les finances publiques, les 650 millions d'euros de la Casa en 2015, qui évolueront à la hausse, représentent un effort important rendu possible grâce à la solidarité nationale et à l'engagement présidentiel. Avec 78 millions d'euros pour le nouveau droit au répit des aidants et 375 millions d'euros pour la réforme de l'APA à domicile et l'amélioration des conditions de travail des intervenants, l'Etat mobilisera 453 millions d'euros par an, soit une revalorisation de 13 % du budget de l'APA à domicile. Ces dépenses supplémentaires changeront le quotidien des familles dès l'entrée en vigueur de la loi. 5 millions d'euros viendront par ailleurs alimenter le fonds de compensation du handicap.
Le volet anticipation est lui aussi doté d'un budget conséquent : 185 millions d'euros par an. Enfin, pendant la phase de montée en charge des mesures financières pérennes de la loi, une enveloppe de 84 millions d'euros financera des actions d'adaptation des logements et de modernisation des résidences autonomie. Des mesures ont déjà été arrêtées avant l'adoption définitive du texte : 20 millions d'euros sont consacrés au plan national d'adaptation des logements privés à la perte d'autonomie porté par l'Anah ; nous avons décidé de la revalorisation des salaires de la branche de l'aide et des soins à domicile avec une compensation du coût auprès des départements pour un montant de 25 millions d'euros. La Casa non consommée en 2015 sera en partie utilisée pour le financement d'un plan pluriannuel d'aide à l'investissement, qui doit être doté de 300 millions d'euros pour la période 2015-2017, dont 100 millions d'euros en 2015. Le reste sera bien affecté aux réserves de la CNSA, comme cela apparaît dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Plusieurs actions ont déjà été engagées en amont afin d'enrichir ce texte et de préparer au mieux son entrée en vigueur. Les départements seront ainsi appelés à candidater afin de participer à la préfiguration de la conférence des financeurs. Les conclusions du groupe de travail sur les Ehpad viendront progressivement alimenter le projet de loi. Quant à la question des résidences services, le texte pourra être enrichi des dispositions proposées par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Je voudrais enfin aborder la situation des services d'aide à domicile. Le rapport sénatorial de juin 2014 de Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin sur l'aide à domicile auprès des publics fragiles nourrira probablement vos débats. Je sais que les rapporteurs sont attentifs au problème de la dualité des régimes juridiques d'agrément ou d'autorisation des service d'aide à domicile, qui est 1'héritage de la loi Borloo de 2005. Le projet du Gouvernement porte déjà aux articles 31 et 33 la promotion de la contractualisation (Cpom), préconisée par les députées Martine Pinville et Bérengère Poletti, pour une convergence vers un régime unifié. Sur ce sujet complexe, je suis à l'écoute du Parlement. L'évolution devra préserver les services existants, quel que soit leur statut - privé, lucratif, associatif ou public -, qui emploient 450 000 personnes. 56 % des Saad associatifs et publics sont uniquement agréés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Mon objectif est de structurer une offre d'accompagnement à domicile de qualité, solide, innovante et économiquement viable. Une réforme organisationnelle et culturelle est indispensable pour cela, et les acteurs de terrain y sont favorables. Je l'ai engagée par la promotion des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) qui décloisonnent les interventions afin de rompre l'isolement des professionnels par un travail en équipe valorisant et des perspectives d'évolution de carrière. J'ai fixé un cap à cinq ans pour conduire cette transformation.