Intervention de François Autain

Réunion du 28 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Article 8, amendements 515 516

Photo de François AutainFrançois Autain :

Monsieur le président, par souci de cohérence, je présenterai également les amendements n°s 515 et 516.

Il s'agit d'amendements de repli au regard de la position de fond que je viens d'exprimer lors de la défense de l'amendement précédent. Nous refusons, en effet, la culpabilisation des chômeurs au travers d'une ponction plus ou moins significative sur leur droit à allocation.

Dans notre esprit, il s'agit de donner aux personnes qui seront frappées par la mise en oeuvre des dispositions de l'article le minimum de garanties juridiques qu'elles sont en droit d'attendre d'une loi équilibrée tendant à conforter -comme vous le souhaitez, j'imagine - la cohésion sociale.

L'amendement n° 514 porte donc sur la possibilité pour les chômeurs d'être assistés par la personne de leur choix lors de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue par le nouvel article L. 351-18 du code du travail.

Il s'agit de l'une des règles fondamentales du droit dans notre pays, qu'il convient de respecter : toute partie mise en cause a le droit d'être conseillée et assistée dans une procédure contradictoire.

Une telle proposition devrait rencontrer un certain écho sur ces travées, puisqu'elle a fait l'objet d'un amendement dont nous avons déjà débattu.

L'amendement n° 515 tend à s'opposer à la création d'une faculté de saisie partielle ou totale, à titre conservatoire, du revenu de remplacement.

Une telle mesure est une véritable atteinte au droit des chômeurs. Si elle était adoptée en l'état, elle rendrait possible la suppression de l'allocation d'une personne privée d'emploi. Ce serait le plus sûr moyen de conduire cette dernière à accepter n'importe quelle activité, y compris une activité non déclarée, pour faire face à ses besoins et à ceux de sa famille. Il s'agirait, en quelque sorte, d'une prime au travail au noir.

Quid, en effet, du reste à vivre ?

Quel recul du droit et de la dignité si le décret concocté en application de l'article 8 venait à mettre en question la faculté, pour les privés d'emploi, de disposer de ressources leur permettant de faire face aux nécessités quotidiennes ! C'est pourtant, il faut l'avouer, ce qui serait rendu possible avec ce texte !

Enfin, notre amendement n° 516 prévoit expressément que le décret doit faire état des possibilités de recours offertes aux chômeurs contre toute décision qu'ils estimeraient injustifiée. Vous comprendrez aisément que c'est, là encore, une garantie minimale que l'on doit offrir aux personnes concernées.

Avec cet article 8, on se situe dans une perspective qui est pour le moins discutable : il s'agit, comme nous l'avons souligné pour l'article 7, de contraindre les personnes privées d'emploi à accepter, bon gré mal gré, de déménager pour retrouver une nouvelle activité professionnelle ou d'effectuer une formation, quand bien même celle-ci n'aurait qu'un rapport lointain avec leur expérience professionnelle passée.

Ce qui fonde pourtant les relations sociales dans ce pays, c'est a priori le libre arbitre et la liberté des parties.

Dans le cas présent, on passe à une logique de contrainte qui n'est pas saine, quant au fond, pour la bonne appréhension de la cohésion sociale. A moins que cette idée ne recouvre une volonté d'imposer et d'affirmer plus que de répondre aux besoins sociaux.

Il est une autre raison qui nous interpelle dans ce processus.

Les allocations chômage constituent, à l'origine, un prélèvement effectué sur la rémunération de chacun, y compris d'ailleurs des personnes privées d'emploi lorsqu'elles exerçaient une activité professionnelle.

Du reste, je remarque que l'on parle encore d' « indemnisation » du chômage, ce qui signifie - sauf si je me trompe dans l'analyse sémantique - que l'on prend en compte un dommage causé à l'individu en apportant réparation à celui qui en est victime.

En multipliant les possibilités de priver les sans-emploi du versement des indemnités de chômage, on rompt le lien collectif naturel, la mutualisation, qui participe du financement de notre système d'assurance chômage. On individualise, on divise, on isole, au détriment de la solidarité.

Les personnes privées d'emploi sont déjà suffisamment isolées pour ne pas ajouter en inutilement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons que vous inviter à adopter ces amendements de repli.

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