Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement de cohérence n° 1001.
L’amendement n° 333 rectifié bis a le mérite de mettre en lumière certaines problématiques et m’a incitée à vérifier que le dispositif était bien opérationnel. En effet, il ne faudrait pas qu’une substitution un peu brutale du chèque énergie aux tarifs sociaux aboutisse à une régression des acquis. J’ai alerté mes services sur ce point, car il importe d’éviter que la montée en puissance du chèque énergie ne pénalise les familles bénéficiant aujourd'hui des tarifs sociaux. Nous devons être extrêmement vigilants.
En tout état de cause, l’adoption de cet amendement conduirait à pérenniser la mécanique très complexe des tarifs sociaux, qui a pourtant montré ses limites.
En effet, si 4 millions de familles – c’est un chiffre minimal – sont aujourd'hui éligibles aux tarifs sociaux, 1, 5 million n’en bénéficient pas, notamment à cause de pertes d’informations très importantes lors des croisements entre les listes des bénéficiaires et les fichiers clients des fournisseurs.
En outre, le système des tarifs sociaux conduit à des niveaux d’aide très variables, allant de 100 euros à 300 euros par an selon le mode de chauffage.
De plus, le système est peu visible. Certaines familles ignorent complétement qu’elles en bénéficient ou pensent qu’il s’agit d’un geste commercial du fournisseur, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Le chèque énergie vise à corriger de tels défauts, même si, encore une fois, il faudra faire preuve de vigilance lors de sa mise en place.
D’abord, l’aide est matérialisée sous un format bien connu du grand public : le chèque. Ensuite, elle sera accessible à l’ensemble des ménages qui y ont droit. Enfin, ces derniers auront une capacité d’arbitrage sur l’utilisation de l’aide dont ils bénéficient ; c’est une sorte de droit à la citoyenneté des plus précaires.
D’ailleurs, les ménages qui le souhaiteront pourront tout à fait demander l’imputation directe du chèque énergie sur leur facture d’électricité ou de gaz. Cela répond à votre préoccupation, monsieur Montaugé.
L’amendement n° 333 rectifié bis reprend la position des fournisseurs historiques. J’ai eu un échange avec les dirigeants d’EDF pour comprendre les raisons de leur attachement à l’ancien système.
Les tarifs sociaux sont préaffectés au paiement des factures d’électricité ou de gaz. Les auteurs de l’amendement souhaitent que, sauf demande contraire expresse de ses bénéficiaires, le chèque énergie soit utilisé automatiquement pour alléger la facture d’électricité ou de gaz. Je confirme que les foyers concernés pourront faire ce choix, mais ils devront l’exprimer : il n’y aura pas d’imputation a priori sur la facture d’électricité ou de gaz, car cela contreviendrait au principe d’universalité du chèque énergie, qui pourra servir à financer l’achat des différents combustibles ou des travaux d’isolation énergétique.
Par ailleurs, le maintien du mécanisme actuel en complément du chèque énergie réintroduirait un défaut majeur des tarifs sociaux : le croisement des fichiers crée un écart sensible entre le nombre d’ayants droit et le nombre de bénéficiaires réels.
Il convient en outre de relativiser les bienfaits de l’automatisation des aides. Certes, l’automatisation de l’attribution des tarifs sociaux a permis une réelle augmentation du nombre de bénéficiaires, mais l’aide apparaît comme une réduction sur facture, alors que le chèque énergie la matérialise et rend aux ménages une capacité d’arbitrage sur son utilisation.
Encore une fois, les ménages concernés pourront, s’ils le souhaitent, demander que leur chèque soit envoyé à leur fournisseur et son montant directement déduit de leur facture.
Enfin, en ce qui concerne l’étude de la fondation Agir contre l’exclusion ayant mis en valeur l’attachement des familles au dispositif actuel, je voudrais souligner que seules les foyers bénéficiaires des tarifs sociaux ont été interrogés ; par définition, les 1, 5 million de personnes éligibles mais n’y ayant pas accès n’ont pu s’exprimer…
Notre objectif global est bien de faire sorte que l’ensemble des ayants droit puissent bénéficier effectivement de l’aide. Il ne s’agit pas seulement de transformer des tarifs sociaux en chèque : nous voulons toucher toutes les familles potentiellement concernées et élargir le système à l’ensemble des énergies.
Sous le bénéfice de ces observations, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 333 rectifié bis.