C’est au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation que je m’exprime. Dans notre rôle d’aiguillons et de vigies de la simplification, nous avons déposé, Philippe Mouiller et moi-même, plusieurs amendements dont les dispositions vont dans le même sens.
Je tenais à intervenir sur le titre VIII du présent texte, et plus particulièrement sur l’article 48, qui institue un plafond national des émissions de gaz à effet de serre, dénommé « budget carbone », ainsi qu’une stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas-carbone ».
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en tant que telle, n’a pas nécessairement d’avis sur ce nouvel outil, conçu pour améliorer la gouvernance de la politique climatique nationale. Le plan climat devrait disparaître et le plan national d’adaptation au changement climatique être complété par la stratégie nationale. Dont acte !
En tant que co-auteur d’un rapport rédigé au nom de la délégation, je suis néanmoins tenté de relever, parmi les précisions et compléments apportés à cet article par l’Assemblée nationale, une disposition sur laquelle revient le rapport de la commission des affaires économiques. Je ne résiste pas au plaisir de vous en lire un extrait, mes chers collègues ; nous verrons si vous y comprenez quelque chose :
« L’Assemblée nationale a adopté deux amendements, l’un pour prévoir que la stratégie bas-carbone veille [...] à ne pas substituer à l’effort national d’atténuation une augmentation du contenu carbone des importations, l’autre pour indiquer que cette stratégie intègre des orientations sur le contenu en émissions de gaz à effet de serre des importations, des exportations et de leur solde dans tous les secteurs d’activité, sans que l’on sache toutefois quelle forme ces orientations pourraient prendre et quel degré de contrainte elles pourraient mettre en œuvre ». Quelle belle formulation technocratique !
On retrouve, de fait, dans ces deux apports de l’Assemblée nationale, la coïncidence de l’extrême précision dans l’intention et de l’incertitude dans la portée juridique, si caractéristique de la complexité normative.
Même si nous n’avons pas toujours été suivis par M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis sur nos amendements de simplification, je tenais à saluer la vigilance de la commission des affaires économiques sur ce texte, ainsi que la justesse d’appréciation dont elle a fait preuve en excluant les émissions de méthane entérique résultant de l’élevage des ruminants du champ d’application de la stratégie bas-carbone et en prévoyant que la répartition du budget carbone devra tenir compte de la spécificité du secteur agricole.
Toutefois, l’essentiel de mon propos est ailleurs.
En nous souvenant des plaintes réitérées des élus locaux contre les excès normatifs de la réglementation d’application des lois, nous nous sommes demandé ce qui justifie que l’alinéa 11 de l’article 48 prévoie que « les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre, selon des modalités fixées par voie réglementaire ».
C’est ce qui nous hérisse particulièrement ; ce texte réglementaire ne pourra en effet que situer l’opposabilité de la stratégie nationale aux documents locaux de la planification et de programmation à un niveau supérieur à ce que suppose la notion juridique de « prise en compte ».
Je rappelle que, selon le Conseil d’État, la notion de « prise en compte » impose de « ne pas s’écarter des orientations fondamentales sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l’intérêt [de l’opération] et dans la mesure où cet intérêt le justifie ».
Il ne nous semble pas de bonne législation d’aller plus loin, en prévoyant l’intervention d’un texte réglementaire, qui ne pourrait que réduire à leur minimum les vertus de l’intelligence territoriale. Il faut, mes chers collègues, faire confiance aux élus !
J’ajoute que la composition du comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité, créé par l’article 50, est renvoyée à un décret. En tout état de cause, la présence d’au moins un représentant des collectivités territoriales me paraît indispensable.