Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 28 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Article 12

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 12 est le premier de la section 2 intitulée « Amélioration du statut de l'apprenti ».

Or si l'on peut se féliciter de certains amendements de MM. les rapporteurs tendant à accorder un véritable statut de l'apprenti, le projet de loi oriente les enjeux de l'apprentissage au seul bénéfice des entreprises, et on ne peut que le regretter.

Ainsi, vous n'hésitez pas à recourir à des dispositions fiscales et à des revalorisations de primes pour les entreprises qui formeront des apprentis. Mais lorsqu'il s'agit d'améliorer les conditions de vie des apprentis, notamment en matière de transport ou d'hébergement, ou de mettre en oeuvre une charte, vous ouvrez simplement des possibilités, sans instaurer aucune obligation pour concrétiser cette volonté.

En outre, vous ne faites aucune proposition pour créer un lieu d'accueil et d'écoute dans les CFA. De tels lieux permettraient pourtant à nos jeunes apprentis confrontés à des difficultés, passagères ou non, d'avoir des échanges avec une équipe éducative à leur écoute.

L'apprentissage doit être une véritable voie de formation initiale. Il n'a pas vocation à devenir une politique de l'emploi en aidant les employeurs à recruter, au détriment de la formation des jeunes.

L'apprentissage a longtemps souffert d'une image négative, principalement parce que certaines entreprises voyaient là l'occasion de recourir à une force de travail à moindre coût. Sous couvert de formation professionnelle, elles ont fait faire les tâches les plus ingrates et les moins formatrices aux jeunes, tâches qui ne les préparaient pas toujours à leur examen.

Par ailleurs, certains employeurs ne prenaient pas assez en compte l'objectif principal du contrat d'apprentissage, à savoir la formation des apprentis. Ainsi, certains apprentis se retrouvaient dans des situations de travail sans bénéficier d'un véritable tutorat, auquel ils avaient pourtant droit !

L'amendement de ma collègue Josiane Mathon sur l'agrément de la personne directement responsable de la formation de l'apprenti et assumant la fonction de tuteur trouve donc tout son sens. Il vise à assurer la qualité et la réalité du tutorat.

Avec ce texte, l'apprentissage risque finalement d'être perçu comme un simple moyen d'insertion. Or pour que ce mode de transmission des savoirs soit véritablement revalorisé, il doit être identifié de manière claire comme étant une véritable formation initiale et professionnelle, ayant vocation non pas à être au service des employeurs, mais des jeunes !

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation rappelle, dans son avis, la nécessité de ne pas morceler les dispositions relatives à l'apprentissage afin d'éviter les incohérences. C'est la raison pour laquelle je trouve dommage que votre texte n'aborde l'apprentissage que de façon ponctuelle.

Enfin, si, aujourd'hui, un certain nombre de secteurs d'activité comme la mécanique, le bâtiment, l'hôtellerie ou encore la restauration connaissent de sérieuses difficultés de recrutement, ce n'est pas en imposant à nos jeunes de suivre un apprentissage dans ces filières que l'on résoudra ce problème.

Si les jeunes ne s'orientent pas vers ces filières, c'est non pas tant en raison d'une carence de l'offre de formation, mais essentiellement parce que ces secteurs d'activité sont peu attractifs en raison, d'une part, des conditions de travail souvent précaires qu'ils offrent et, d'autre part, des rémunérations peu attractives qu'ils proposent. Les jeunes préfèrent alors s'orienter vers d'autres filières, qui n'offrent pourtant pas les mêmes possibilités de débouchés.

Une réforme en profondeur de l'apprentissage nécessite donc de mener une réflexion globale sur l'ensemble des métiers concernés par ce type de formation, ainsi qu'une réhabilitation de l'ensemble de ces formations professionnelles initiales. Le projet de budget pour 2005 ne va pas dans ce sens, puisque, à la prochaine rentrée, de nouvelles sections seront fermées et des postes de professeurs de lycées professionnels supprimés.

Pour inciter les élèves sortant de troisième à s'orienter vers la formation professionnelle, pourquoi ne pas envisager un statut du lycéen professionnel, avec, là aussi, une carte ouvrant droit à certains avantages, et l'octroi d'une allocation ?

Ce texte, grâce auquel vous prétendez renforcer la cohésion sociale, ne s'adresse finalement qu'à une minorité de la jeunesse, alors que l'ensemble de nos jeunes en formation professionnelle, que ce soit en CFA ou en lycée professionnel, peut prétendre à des mesures sociales.

S'agissant des moyens destinés à mettre en oeuvre votre plan en faveur de l'apprentissage, le doute persiste. Sans les mesures financières adéquates, votre projet de loi n'est plus qu'un simple catalogue de bonnes intentions. Les 12, 75 milliards d'euros promis sur cinq ans seront-ils au rendez-vous ? Pouvez-vous nous l'assurer ?

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