la France est l’un des pays les plus natalistes de l’Union européenne grâce, notamment, à sa politique familiale. Celle-ci est une spécificité historique, instaurée dans une perspective nataliste pour faire face aux enjeux géopolitiques de son temps.
Aujourd’hui, l’objectif nataliste répond à des enjeux économiques, ne serait-ce que pour maintenir un ratio démographique suffisant qui assure notre système intergénérationnel de retraite.
Les maternités ont la lourde tâche de répondre aux attentes toujours plus fortes de notre société, de nos territoires et de leurs habitants.
Or l’équation est difficile à résoudre : il faut garantir la qualité et la sécurité des soins sans accroître les temps d’accès et donc proposer un maillage équilibré des établissements tout en assurant leur pérennité financière et l’attractivité des professions du secteur.
Telle est la problématique à laquelle sont confrontées nos maternités. Si l’opération est délicate, nous pouvons faire beaucoup mieux.
Je tiens à saluer la commission des affaires sociales et mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe qui se sont penchés sur la situation des maternités, car l’amélioration de nos connaissances en la matière est nécessaire à la définition d’un dispositif pérenne et efficient. Je salue donc l’important travail réalisé par la Cour des comptes pour élaborer ce rapport détaillé sur l’état des maternités aujourd’hui.
La sécurité des femmes et des enfants est une des attentes majeures. Pour lutter contre la mortalité liée à la périnatalité, les décrets du 9 octobre 1998 ont rendu plus strictes les normes de sécurité relatives aux personnels et aux locaux et ont introduit de nouvelles règles d’organisation. Seize ans après, les résultats ne sont pas à la hauteur.
Avec un taux de 2, 3 ‰, la France est dix-septième au niveau européen en matière de mortalité néonatale. La sécurité de l’activité obstétrique s’est améliorée depuis 1998, mais dans des proportions moindres que dans les pays voisins. La France ne tient pas son rang !
Ces décrets ont, par ailleurs, donné lieu à une forte recomposition du secteur. Le nombre de maternités a chuté de 20 % entre 2002 et 2012. En quarante ans, près des deux tiers d’entre elles ont disparu. Les premières touchées ont été bien évidemment les plus petites.
Les maternités dont l’activité est satisfaisante occupent, désormais, une place majeure dans l’offre de soins. À l’inverse, le secteur privé lucratif s’est fortement retiré. Les maternités de niveau II et III se sont donc imposées, en raison de l’offre de soins plus pointue qu’elles proposent. Un effort de planification s’impose afin d’éviter une recomposition erratique.
Malgré ce phénomène, et la disparition des petites maternités, le rapport d’information ne signale pas de dégradation des conditions d’accès aux soins pour les femmes enceintes, puisque le temps d’accès médian aux établissements reste satisfaisant.
Je ne suis pourtant pas dupe : de nombreuses disparités existent. Le temps de trajet peut dépasser trente minutes dans certains territoires. Il y va donc de la sécurité des femmes et des enfants que le maillage territorial s’équilibre.
Il serait nécessaire – nous sommes sans doute tous d’accord sur ce point – que l’État commande une étude épidémiologique analysant plus en profondeur les questions liées à la morbidité et à la mortalité infantile, pour repérer plus précisément les fragilités de notre organisation.
L’équation de départ est rendue plus complexe par les difficultés humaines, matérielles et financières que rencontrent les maternités. Leur sécurité est fragilisée, notamment, par des problèmes de recrutement. À titre d’information, rappelons que le nombre de gynécologues a baissé de plus de 30 % entre 2013 et 2014, et que leur moyenne d’âge atteint soixante ans. La spécialité gynécologie-obstétrique est de moins en moins choisie, en raison de la pénibilité du métier, mais aussi du risque médico-légal majeur.
Qu’en est-il également de l’expérimentation des maisons de naissance ? Peuvent-elles être un maillon supplémentaire aux côtés des réseaux de santé et des centres périnatals de proximité ?
Par ailleurs, certaines infrastructures ne répondent pas aux normes actuelles. Le rapport de la Cour des comptes a relevé un déficit de contrôle, notamment dans les très petites maternités. Cependant, on le sait, la fermeture immédiate en cas de non-conformité mettrait en danger le maillage territorial.
Il est ainsi nécessaire de développer dans ce domaine un suivi plus fin des contrôles ainsi que des indicateurs. La Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant, créée en 2009, pourrait-elle apporter son concours et son expertise à cette tâche ?
Je ne peux, enfin, faire l’impasse sur la situation financière des maternités. La Cour des comptes a noté le déficit chronique dans lequel se trouvait la quasi-totalité des établissements. Or la situation actuelle nous oblige à rationaliser les actes de soin, tout en améliorant la sécurité de la femme et de l’enfant. Un nouveau modèle économique doit donc émerger.
Nous devons nous interroger sur la durée de séjour en France – plus de quatre jours en moyenne – au regard de celle que connaissent les autres pays européens – trois jours seulement –, alors qu’ils offrent des niveaux de services similaires. Le faible taux d’occupation des lits est également problématique. Une rationalisation des moyens doit être entreprise, là encore avec l’appui, comme la Cour des comptes le préconise, de la Fédération hospitalière de France.
Il est temps que nous affirmions clairement nos objectifs prioritaires. La question des maternités en est un, comme la protection maternelle et infantile, ou PMI. Si nous éprouvons des difficultés en termes de démographie médicale dans le secteur des maternités, le constat est tout aussi alarmant dans le secteur de la PMI. Nous devons réfléchir aux moyens de développer les coopérations entre ces deux secteurs. Il est sans doute temps que les acteurs se réunissent autour d’une table pour définir conjointement un dispositif pérenne et cohérent.