Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Amélioration du régime de la commune nouvelle — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à adopter marquera-t-il une rupture dans le processus resté jusqu’à présent embryonnaire de la fusion des communes ? Nous l’espérons, même si nous restons lucides sur l’efficacité de ce dispositif.

Depuis le vote de la loi Marcellin en 1971, la fusion des communes n’a pas été un franc succès, alors même que deux modifications législatives avaient tenté de la rendre plus attractive. De 1971 à 2009, ont été prononcées 943 fusions, mais aussi 243 « défusions », ou « démariages », soit finalement un total de 1 100 communes supprimées sur plus de 36 000. Dans la période récente, de 2000 à 2009, ce sont quinze fusions pour dix-huit « défusions » qui ont été prononcées, soit finalement cinq créations de communes nouvelles. Nous considérons d’ailleurs que, contrairement à ce qui est souvent avancé pour justifier la commune nouvelle, il est plus facile de créer une commune nouvelle en périphérie d’une ville-centre ou d’un bourg-centre que dans le cadre de communes peu peuplées situées à plusieurs kilomètres de ce bourg-centre…

L’avenir du fait communal dépend aujourd’hui de sa capacité à se rénover.

Nombreux et bien connus sont les avantages de la commune nouvelle, face à l’émiettement communal français et aux contraintes budgétaires pesant de plus en plus sur les collectivités. Faut-il rappeler ici que la baisse des dotations versées par l’État s’élèvera à 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017 ?

La création d’une commune nouvelle permettra de nombreuses économies, par la rationalisation du fonctionnement, par la baisse du nombre d’élus et des indemnités à verser, par la mutualisation des moyens financiers, humains et immobiliers. Dans certains cas, la commune nouvelle engendrera même des ressources supplémentaires, grâce au changement du seuil de population, et donc de dotations.

Sur ce point, la navette parlementaire a permis de dégager un accord sur un pacte financier très incitatif, qui maintient pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant avant le 1er janvier 2016 au sein de communes nouvelles de moins de 10 000 habitants. Les communes nouvelles seront ainsi à la fois exonérées de la participation à la contribution au redressement des finances publiques et verront les montants de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation verticale garantis.

Si ces dispositions encourageront inévitablement les fusions – ce point a été récemment confirmé par l’Association des maires de France, qui a reçu de nombreuses demandes en ce sens –, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il y a là une contradiction intellectuelle évidente : puisque la commune nouvelle correspond à un objectif de rationalisation et d’économie, il est peu cohérent d’augmenter la dotation globale des communes fusionnées, lesquelles, contrairement à ce qui s’est passé lors de la création des intercommunalités avec la loi Chevènement de 1999, ne procurent pas de nouveaux services à la population.

En réalité, il semble que les communes nouvelles s’inscrivent dans une logique bien arrêtée entre les grandes régions que nous avons créées et les très grandes intercommunalités, dont le seuil démographique fixé par le Gouvernement dans la réforme territoriale, et rétabli voilà quelques heures par les députés, se situe à 20 000 habitants.

C’est seulement dans l’hypothèse où l’intercommunalité perd sa taille humaine et sa capacité à s’adapter à des territoires aux histoires et peuplements différents que la commune nouvelle constitue une réponse pertinente. Cependant, il nous faut souligner ici que la commune nouvelle ne bénéficie pas des mêmes prérogatives que l’intercommunalité.

Une réflexion sur l’évolution de l’intercommunalité en lien avec la commune nouvelle doit être initiée. Quelle va être l’articulation avec les plus petites intercommunalités ? Dès lors que des communes nouvelles atteindront une taille de 5 000 habitants, quel sera l’intérêt d’opérer des transferts étendus de compétences telles que l’école, la voirie ou les équipements sportifs ? Ces compétences pourront parfaitement être gérées à l’échelle de la commune nouvelle. Dans le même temps, le périmètre de ces deux structures n’est pas le même, les intercommunalités disposant d’un certain nombre de compétences obligatoires avec un dispositif fiscal bonifiant la mutualisation.

En termes d’organisation, le présent texte opère, dans le processus de fusion, une meilleure prise en compte des anciennes communes, notamment par l’assouplissement des modalités de composition du conseil municipal de la commune nouvelle durant une période transitoire courant jusqu’au deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, et par l’institution d’une conférence municipale présidée par le maire et composée des maires délégués.

À ce titre, nous saluons tout particulièrement la clarification du choix du nom de la commune nouvelle par le présent texte. La dénomination est une chose éminemment affective – on peut le constater actuellement lorsqu’il s’agit de rechercher un nom pour les nouveaux cantons – et elle a pu, à l’instar du sentiment d’abandon des territoires, jouer un rôle de frein psychologique dans la fusion de communes aux identités bien affirmées. Comme le remarquait le rapporteur à l’Assemblée nationale, nommer la commune nouvelle « relève davantage du projet politique et de l’identité que les élus veulent attribuer à la commune nouvelle » que d’une pure procédure administrative – il s’agit, en d’autres termes, d’un patriotisme local parfois exacerbé !

Enfin, sur le long terme, si cette loi a les effets attendus sur la création de communes nouvelles, la question de la représentation de chacune des anciennes communes au sein du conseil municipal de la commune nouvelle va surgir avec force, du fait de la suppression du sectionnement électoral intervenu en 2013.

Sous réserve de ces quelques remarques, le groupe du RDSE apportera son soutien au texte issu de la commission mixte paritaire.

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