Intervention de Jean-Pierre Bosino

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Amélioration du régime de la commune nouvelle — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre BosinoJean-Pierre Bosino :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, nous avons à nous prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle. Nous arrivons donc au terme d’un débat qui, pour nous, n’a pas vraiment eu lieu.

Nous regrettons encore une fois la volonté de faire croire à un consensus généralisé sur cette question. Les interventions des uns et des autres montrent qu’il existe un certain consensus, mais nous ne nous y associons pas. Non, il n’existe pas de consensus, surtout parmi nos concitoyens, sur la nécessité de réduire le nombre de communes dans notre pays ! Non, il n’existe pas de consensus sur l’idée que le nombre d’élus locaux et de municipalités serait un obstacle aux évolutions contemporaines ! Non, enfin, il n’existe pas de consensus sur ce texte, qui n’est qu’une réédition de tentatives infructueuses engagées par la loi Marcellin ou, plus récemment, par M. Sarkozy !

Le rapport de la commission mixte paritaire et le texte qui en est issu attestent, il est vrai, d’une convergence entre la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale. Rappelons d’ailleurs que le texte est le résultat de deux propositions de loi, l’une de Jacques Pélissard et l’autre du groupe socialiste, républicain et citoyen. En somme, cette dernière étape n’aura été que l’occasion de finaliser les points de détails d’un texte sur lequel la droite et les élus socialistes n’ont aucun désaccord de fond. Comme le soulignent les rapporteurs de la commission mixte paritaire, Christine Pires Beaune pour l’Assemblée nationale et Michel Mercier pour le Sénat, « il n’existe pas de difficultés particulières entre les deux chambres sur ce texte ».

Permettez-moi cependant de soulever quelques « difficultés » et de montrer que nous avons affaire à un sujet éminemment politique, qui n’a rien d’un enjeu purement « pratique et pragmatique » – ces deux adjectifs viennent encore d’être employés –, contrairement à ce qu’on aimerait nous faire croire.

La première remarque, c’est que ce texte qui prétend défendre l’intérêt des communes est pourtant en total décalage avec leurs attentes réelles. Je rappelle à mon tour que la loi Marcellin n’a abouti qu’à une diminution de 5 % du nombre de communes ; certaines communes ont même « défusionné » depuis. Aujourd’hui, cinq ans après la réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy, qui entendait approfondir cette logique, seules treize communes nouvelles ont vu le jour. Le constat est là : les communes de notre pays ne manifestent aucune volonté de se dissoudre dans des fusions. Cela ne signifie pas qu’elles rejettent les logiques de coopération, au contraire : pour coopérer, il faut exister.

Ce que souhaitent nos collectivités locales, et ce dont elles ont réellement besoin, c’est de travailler ensemble au service des populations, et non de disparaître dans des entités de plus en plus déconnectées de la proximité avec nos concitoyens. Ce que l’on entend dans les congrès de l’Association des maires de France – ce n’est sûrement pas son président, François Baroin, qui me contredira –, c’est l’attachement de nos concitoyens à leurs communes.

Les difficultés existent, c’est vrai. Je pense évidemment à la baisse de la dotation globale de fonctionnement, sur laquelle il faut revenir pour resituer notre débat. Après une ponction de 1, 5 milliard d’euros en 2014, un prélèvement supplémentaire de 3, 7 milliards d’euros sera opéré en 2015. Vous savez ce que de telles coupes impliquent. Je me permets de citer le président de l’AMF : « En l’état, cette baisse implique une accentuation de l’effet de ciseaux qui a d’ores et déjà des impacts sur le financement de l’investissement public et sur les services de proximité. Elle risque de contraindre les collectivités territoriales à faire des arbitrages douloureux quant à leurs investissements futurs et les services publics offerts à leurs administrés […]. »

Voilà le vrai fléau auquel il faut s’attaquer ! Si le détour par la question budgétaire est inévitable, c’est parce qu’il s’agit de l’argument phare pour justifier le regroupement des communes. « En fusionnant », promet-on, « vous éviterez pendant trois ans la baisse de votre DGF ». Comment peut-on parler d’une mesure « incitative » ? Il s’agit en réalité d’un chantage pur et simple pour des élus locaux pris à la gorge par les politiques d’austérité. Et qu’en sera-t-il une fois expiré le délai des trois années ? Par ailleurs, l’enveloppe globale étant fermée, la DGF diminuera forcément ailleurs.

Enfin, je ne peux conclure sans dire un mot du récent rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires, qui prône purement et simplement la disparition des communes, en proposant de transférer la clause de compétence générale des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale et en situant à la fois les politiques publiques et les outils de financement et de péréquation, comme la DGF, à ce niveau. Ce n’est ni plus ni moins que la mort des communes.

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