Intervention de Bruno Sido

Réunion du 3 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation financière des conseils départementaux face à l'évolution de leurs charges

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

J’espère qu’il ne s’agit pas d’enterrer le problème ! Probablement M. le secrétaire d’État nous en dira-t-il davantage dans quelques instants.

Cette situation a deux conséquences très logiques : la baisse de l’investissement public, les départements devant sacrifier une part des dépenses d’avenir pour faire face à leurs obligations, et la hausse de l’endettement, dont M. Savary a fort bien parlé. Certains dispositifs ont certes été mis en place, comme le fonds de solidarité en faveur des départements, dit « fonds Ackermann », instauré par la loi de finances pour 2014 ; mais l’ensemble n’est qu’un cautère sur une jambe de bois.

En raison de la crise économique et du vieillissement de la population, les dépenses sociales augmentent chaque année ; les conseils qui s’appelleront bientôt départementaux n’ont plus les moyens de faire face à la situation. Dans ces conditions, l’État doit prendre enfin ses responsabilités : soit il maintient la générosité du système de prestations et attribue aux départements les moyens nécessaires au versement de celles-ci, soit il procède aux ajustements requis pour orienter l’essentiel des sommes disponibles vers les personnes âgées démunies et ceux qui en ont le plus besoin. Le refus de décider n’est pas responsable et entraîne nos collectivités territoriales dans le mur, au détriment, in fine, des personnes les plus en difficulté.

Cet exemple bien connu met en évidence le lien de causalité entre le désengagement de l’État, qui essaie, avec beaucoup de bonne volonté, de réaliser des économies, et l’alourdissement des dépenses des collectivités territoriales, auquel celles-ci ne peuvent faire face qu’en réduisant leurs investissements, ce qui pénalise l’activité de secteurs entiers comme celui du bâtiment et des travaux publics, ou en recourant à l’emprunt, ce qui à mon sens est pire encore, car l’opération revient à cacher le problème sous le tapis.

Par ailleurs, les conseils généraux ont été lourdement touchés par la baisse de 11 milliards d’euros des concours de l’État. Si je souscris à l’objectif d’économies auquel ils sont associés, je souhaite que nous puissions sortir enfin de l’impasse financière.

Sauf dans le secteur social, les conseils généraux sont nombreux à avoir entrepris les mutualisations nécessaires à la baisse durable des dépenses de fonctionnement. Ainsi, dans le département de la Haute-Marne, le service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, est sur le point de conclure avec le conseil général une convention qui permettra la création, dans les prochains mois, de services unifiés dans différents domaines, en particulier les finances, les bâtiments et les transmissions. De même, nous avons mis en place une plateforme d’appels commune au 15 et au 18, et, de ce fait, les habitants ne verront pas partir le centre d’appels du SAMU dans un département limitrophe.

Reste que je mesure chaque jour, monsieur le secrétaire d’État, les résistances qui se manifestent et les efforts qu’il faut consentir pour surmonter les réticences, voire la mauvaise volonté. Croyez-moi : les élus et certains préfets agissent de concert et tirent dans la même direction, mais la routine et les habitudes de l’administration sont un puissant frein au changement.

À la lumière de ce diagnostic largement partagé, permettez-moi de présenter quelques propositions, qu’il conviendrait de mettre en pratique en complément de la généralisation des mutualisations et d’un engagement de l’État à assumer enfin la responsabilité des politiques sociales qu’il nous impose.

D’abord, une étude d’impact devrait être réalisée pour distinguer les bonnes économies, celles qui sont relativement indolores, des mauvaises, celles qui produisent des dommages sur le tissu économique et social. De ce point de vue, il eût peut-être mieux valu conserver, même pour nos collectivités territoriales, le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tout en maintenant l’effort d’investissement des régions, des départements et des communes.

Ensuite, serait-il vraiment sacrilège d’engager avec les syndicats de la fonction publique une discussion visant à définir d’un commun accord les grands principes d’un complément de rémunération variable, modulé en fonction des économies réalisées dans chaque service, à compétences constantes ? La fonction publique compte d’excellents managers, capables d’organiser leurs équipes de manière encore plus efficiente, avec le souci constant de la maîtrise de la dépense et du service public. La mise en œuvre d’un tel mécanisme permettrait d’identifier les bonnes pratiques et de récompenser le mérite, au service de l’intérêt général.

Enfin, il convient de s’interroger sur le périmètre même de la sphère publique. Un service au public ne peut-il pas être rendu avec efficacité par le secteur privé, sous le contrôle, bien entendu, de l’État ou des collectivités territoriales ? Faut-il nécessairement que les tâches d’exécution soient toutes accomplies par des agents publics ? En raison du carcan administratif, le talent de nos agents reste trop souvent sous-employé, alors que des professionnels du secteur privé disposeraient, à la faveur d’un cadre plus souple, d’une plus grande liberté pour déterminer l’organisation optimale au regard des objectifs de service public. Je pourrais donner, à cet égard, des exemples très précis.

Parce que, en période de crise, il est de notre responsabilité d’innover pour réussir à faire aussi bien, voire mieux, avec des ressources moindres, je propose que le Sénat mette en place une mission d’information sur les bonnes pratiques constatées dans ce domaine en France et en Europe, sans tabou ni dogmatisme et avec pour seul objectif la réussite collective.

Je propose aussi, à l’heure où le rôle du Sénat est en débat, de favoriser un bicamérisme complémentaire qui limiterait les prérogatives parfois excessives de l’administration, grâce à une mesure simple : accorder aux commissions permanentes de la Haute Assemblée le droit de coécrire avec le Gouvernement les décrets d’application des lois, à l’instar du système en vigueur chez nos voisins allemands. En d’autres termes, mes chers collègues, nous disposerions d’un droit de contrôle de la conformité des décrets d’application à l’esprit et à la lettre des lois.

En vérité, qui d’autre que nous a vraiment à cœur de servir la simplification administrative ? Qui d’autre pourrait veiller non seulement à la parution rapide des décrets d’application et à leur fidélité à la loi, mais surtout à l’esprit d’économie ? À ceux qui, à l’Assemblée nationale, rêvent de « bundesratiser » le Sénat – pardonnez-moi cette expression –, je pense que cette évolution réserverait bien des surprises !

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