Il me serait facile de vous montrer, chers collègues, que les programmes de ces deux partis présentent de nombreux points communs.
Mais j’en viens au sujet qui nous occupe.
Le 27 janvier dernier, le Sénat débattait de l’évolution des finances locales. À cette occasion, Mme Lebranchu et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, étiez censés répondre à nos multiples interrogations. Malheureusement, les réponses que vous nous avez fournies ne correspondaient pas à nos questions.
Ainsi, quand nous vous parlions des 50 milliards d’euros d’économies et des 11 milliards d’euros prélevés en trois ans sur les collectivités, vous nous répondiez que l’UMP proposait pour sa part « un plan de 150 milliards d’euros d’économies ». Il s’agissait évidemment d’une diversion, non d’une réponse à nos demandes de précisions !
Du reste, l’opposition a le droit de formuler des propositions – n’est-ce pas son rôle ? –, surtout si elles sont argumentées, et c’est bien le cas. Le problème, c’est que, ces propositions, vous ne les écoutez pas !
Puis-je vous rappeler que vous êtes au pouvoir depuis bientôt trois ans et que la responsabilité de la situation vous incombe totalement ? Votre rôle n’est pas de critiquer l’opposition, mais de gouverner !
L’UMP propose donc ses solutions : simplification, retour aux 39 heures, non-remplacement de certains départs à la retraite de fonctionnaires, rétablissement du jour de carence, poursuite de la réforme des retraites, modification du dispositif de la TVA pour taxer plus fortement les importations.
Mais là n’est pas la question. Je le répète : étant au pouvoir, vous devez cesser de vous défausser.
Parlons donc des départements et de votre action en la matière. Vous savez que les difficultés budgétaires qu’ils rencontrent tiennent à un seul facteur : le dérapage continu des politiques sociales, le reste à charge ne faisant qu’augmenter au fil du temps.
Dès que le nouveau Président de la République s’est installé à l’Élysée, en 2012, nous lui avons demandé de nous recevoir afin de lui présenter la problématique financière des départements. Vous étiez alors président de conseil général, monsieur le secrétaire d’État, et c’était Mme Lebranchu qui suivait ce dossier en tant que ministre de la décentralisation.
Le 22 octobre 2012, il accordait à l’Élysée une entrevue à quatorze présidents de conseil général – beaucoup d’entre eux sont présents aujourd'hui, par exemple Bruno Sido –, avec une douzaine de ministres, dont Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, qui a pris des notes.
Le Président de la République nous a expliqué que nous pouvions compter sur lui, ancien président du conseil général de Corrèze : il répondrait à nos besoins et sanctuarisait les départements. Or rien de tout cela n’est arrivé !
La dernière de ses promesses, la compensation des 4 milliards d’euros de reste à charge annuel, n’a pas non plus connu la suite attendue…
En définitive, nous n’avons obtenu, péniblement, voilà un an, que 2 milliards d’euros, dont 50 % via l’autorisation d’augmenter pour deux ans les DMTO. Ce droit vient d’être pérennisé : c’est que le seul témoignage de la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements et à nous permettre de trouver des solutions. En vérité, nous sommes face à une taxe supplémentaire pour le citoyen, prélevée par les départements en compensation des 11 milliards d’euros de ponction sur les collectivités.
Ce rapide rappel vise simplement à montrer que les engagements et promesses n’ont pas été tenus et que rien n’est réglé.
Les collectivités ne sont pas responsables des 2 000 milliards d’euros de dettes de l’État.
Ainsi que cela a été souligné, dans leur structure budgétaire, les départements ne disposent, au mieux, que de 20 % de fiscalité directe. Par ailleurs, l’État décide de l’essentiel de leurs dépenses en déterminant le montant des prestations, sans parler des multiples transferts non financés.
Pour minimiser la réalité de l’effondrement des budgets départementaux, le Gouvernement utilise une accumulation de dispositifs de péréquation devenus complexes et illisibles.
Le 27 janvier, j’avais proposé d’envisager pour les départements une péréquation fondée sur de véritables critères de bonne gestion. Je les rappelle ici : le rythme d’évolution de la masse salariale, le rythme d’évolution des charges à caractère général, mais aussi le rythme d’évolution des taux d’imposition et du taux d’épargne ; au lieu de pénaliser les plus vertueux, il faudrait les encourager ! Sur aucun de ces points, je n’ai reçu la moindre réponse de votre part.
Autre proposition demeurée sans réponse, celle tendant à faire reposer la nature et la répartition des ressources fiscales sur des principes simples et lisibles par tous. Il n’est plus possible d’affecter des impôts procycliques à des dépenses également procycliques. Comment peut-on financer le RSA, qui ne cesse d’augmenter, au moyen de DMTO, qui, eux, baissent et peuvent subir des fluctuations considérables ?
Mais vous ne répondez pas ! Nos débats sont pourtant faits pour entendre vos réponses, et non des généralités repoussant sans cesse les solutions et nous plongeant dans l’abîme des futurs déficits.
Je décrirai une nouvelle fois la situation de mon département, le Loiret. Elle tend à se rapprocher de celle de tous les départements. La réévaluation du RSA, c’est 1 % du budget ponctionné ; la baisse de la dotation globale de fonctionnement, c’est 2 % ; la perte de produit de l’écotaxe, c’est 1 % ; la péréquation de la CVAE, le fonds de solidarité, la loi Peillon, la réforme des rythmes scolaires, les mesures en matière de ressources humaines, c’est plus de 1 % ; l’accroissement du reste à charge des allocations individuelles de solidarité, les AIS, c’est 2 %. Et je n’évoquerai même pas les MIE, les mineurs étrangers isolés.
Au total, l’effet sur un budget déjà tendu est de 7 %, soit 42 millions d’euros pour la seule année 2015. Cette somme viendra en déduction de la capacité d’autofinancement. Cela réduira d’autant l’investissement, avec des conséquences négatives sur l’emploi.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous répète à un mois d’intervalle que, dans un département moyen comme le mien, les pertes financières s’élèvent à 42 millions d’euros. Sur le plan national, cela représente 4 milliards d’euros de perte pour l’ensemble des budgets départementaux. C’est le début d’une spirale infernale !
À ce rythme, comment le financement du social, dont la progression n’est pas maîtrisée, pourra-t-il être assuré dans les deux ans qui viennent ? Quelle solution préconisez-vous ? Moins de social ? Plus d’impôts ? Des contrôles renforcés ?
En ce moment, le débat sur le projet de loi NOTRe bat son plein. Le Gouvernement voulait supprimer les départements ? Il a fini par leur redonner une pérennité. Il voulait leur retirer la compétence « collèges » ? Elle leur est maintenue. Il voulait les priver de la compétence « routes » ? Il semble finalement qu’ils la conserveront.
A priori, les principales compétences des départements ne seront pas supprimées. Dans ces conditions, peut-on enfin aborder le problème du financement ?
Le fait de supprimer les départements ou de les priver de leurs compétences ne résolvait pas les difficultés de financement. Ce n’est pas en supprimant l’échelon de gestion et de financement que l’on économise sur la dépense !
Vous semblez enfin prendre la mesure de l’impasse budgétaire dans laquelle se trouvent nos départements. Reconnaissez-vous cette situation ? Allez-vous enfin écouter nos propositions et les accepter ?
Je suis certain que vous aurez à cœur d’aborder vraiment, enfin, la problématique de la grave situation budgétaire des départements et de répondre aux interrogations issues de toutes les travées.