Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’en venir au projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie, permettez-moi de m’associer à l’hommage qui a été rendu tout à l'heure par M. le président du Sénat à Claude Dilain dont nous avons appris aujourd'hui avec une grande tristesse la disparition. Votre collègue, inlassable défenseur des habitants des banlieues, de l’égalité, homme généreux, dévoué aux autres et à la République, était unanimement respecté et admiré.
L’accord qui vous est soumis ce soir a été négocié entre janvier 2010 et juin 2013, paraphé le 29 novembre 2013, à Vilnius, lors du troisième sommet du Partenariat oriental de l’Union européenne, puis signé en marge du Conseil européen, le 27 juin 2014.
Cet accord d’association avec la Moldavie s’inscrit dans le cadre du Partenariat oriental de l’Union européenne, lancé en juin 2009 dans le but de renforcer le volet oriental de la politique européenne de voisinage en direction de six anciennes républiques soviétiques : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.
Comme vous le savez, des accords d’association similaires ont également été signés avec la Géorgie et l’Ukraine ; ils seront prochainement soumis à votre approbation.
L’accord que nous examinons aujourd’hui ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre l’Union européenne et la République de Moldavie. Il les inscrit dans un nouveau cadre juridique, mais surtout il fournit un puissant levier de modernisation et de réformes au service de la Moldavie.
Ce saut qualitatif majeur se traduit tout d’abord dans les objectifs correspondant aux trois volets de l’accord.
Le premier volet vise à approfondir le dialogue politique entre l’Union européenne et la Moldavie, notamment en matière de réformes intérieures et de politique étrangère et de sécurité.
Ce dialogue sera fondé sur les valeurs et les principes fondamentaux de l’Union européenne, en premier lieu le respect et la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, de l’état de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable. L’objectif est bien de consolider la démocratie en Moldavie et d’encourager la paix et la stabilité, à l’échelle tant régionale qu’internationale.
Le deuxième volet porte sur la création d’une zone de libre-échange complet et approfondi. Cet accord va au-delà d’un accord de libre-échange « classique », et cela pour trois raisons.
Premièrement, la libéralisation couvre la quasi-totalité des échanges commerciaux. L’ouverture du marché européen est une opportunité majeure pour la Moldavie : l’Union européenne représentait, en 2013, 54 % de ses exportations et 45 % de ses importations. Le calendrier de diminution des droits de douane est asymétrique. Cette baisse des droits sera plus rapide pour les exportations moldaves vers l’Union européenne que pour les exportations européennes vers la Moldavie, afin de tenir compte des différences de développement économique.
Deuxièmement, la libéralisation est assortie de la reprise progressive par la Moldavie d’une large part de l’acquis communautaire en matière de réglementations, de normes et de standards. C’est le cœur du dispositif : pour chaque domaine, l’accord décrit le périmètre et le calendrier de l’acquis à reprendre, véritable feuille de route pour les réformes. Sont concernées, de manière non exhaustive, les normes en matière sanitaire et phytosanitaire, en matière de droit du travail et d’égalité entre les femmes et les hommes, de propriété intellectuelle, et particulièrement de protection des indications géographiques.
Troisièmement, le libre-échange est « complet et approfondi », ce qui signifie deux choses.
D’une part, l’objectif de libre-échange prend en compte des considérations telles que les droits de l’homme et l’environnement ; c’est le sens de l’adjectif « complet ». Il s’agit donc bien d’un accord qui va au-delà d’une simple dimension commerciale.
D’autre part, sur le plan commercial, l’accord est tarifaire – il vise à réduire les droits de douane –, mais aussi non tarifaire. Il a pour but de lever l’ensemble des obstacles qui entravent le développement des échanges économiques entre l’Union européenne et la Moldavie ; c’est le sens de l’adjectif « approfondi ».
Enfin, le troisième volet de l’accord prévoit des coopérations économiques et sectorielles dans vingt-huit domaines, destinées notamment à faciliter la reprise de l’acquis de l’Union.
La ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie recouvre donc un triple enjeu.
Le premier enjeu est d’apporter notre soutien à la démocratie, au développement économique et social et à la stabilité d’un voisin immédiat de l’Union européenne. Je sais que vous êtes nombreux, dans cette assemblée, à partager cette préoccupation. Je peux témoigner de l’attachement qu’ont les citoyens et les autorités moldaves à l’engagement de Josette Durrieu et de nombre des membres de votre assemblée.
Je me suis moi-même rendu à Chisinau le 1er septembre dernier pour coprésider avec la Roumanie une réunion du « Groupe des Amis de la Moldavie » ; ce jour marquait également le début de l’application provisoire de l’accord d’association, qui porte en particulier sur le volet commercial. J’ai pu, à cette occasion, mesurer les attentes des autorités et des citoyens moldaves pour qui l’Europe est avant tout synonyme d’état de droit, notamment au regard de la lutte contre la corruption, mais aussi de nouvelles perspectives économiques.
Les élections législatives du 30 novembre dernier n’ont pas remis en cause cette volonté de rapprochement européen.
La Moldavie bénéficie d’une assistance technique et financière européenne très substantielle : 561 millions d'euros pour la période 2007-2013, 131 millions d'euros en 2014, plus de 600 millions d'euros programmés pour la période 2014-2020.
Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, il s’agit du deuxième pays le plus aidé par habitant. L’objectif de ce soutien est d’accompagner la Moldavie dans ses efforts de réforme et de modernisation. Les progrès déjà réalisés sont importants, et cet accord d’association doit également servir à marquer notre soutien continu et à amplifier cette dynamique pour répondre aux défis qui doivent encore être surmontés.
L’accord doit par ailleurs renforcer l’attractivité de la Moldavie vis-à-vis de la région séparatiste de Transnistrie, pour faciliter une solution politique, pacifique et négociée, à ce conflit, qui soit respectueuse de l’intégrité territoriale de la Moldavie. Il doit donc affermir la souveraineté de la Moldavie face aux pressions externes dont elle fait l’objet.
Le deuxième enjeu est de souligner l’implication de la France dans la dimension orientale de la politique européenne de voisinage, dans un contexte marqué par la crise ukrainienne et à quelques mois du sommet du Partenariat oriental, qui se tiendra à Riga les 21 et 22 mai prochain, rassemblant l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et les chefs d’État et de gouvernement des pays associés au travers du Partenariat oriental.
Enfin, troisième enjeu : consolider nos relations bilatérales avec l’un des pays les plus francophones d’Europe orientale. Les entreprises françaises, qui comptent parmi les principaux investisseurs dans le pays et emploient près de 4 000 personnes, croient au potentiel de la Moldavie. Elles profiteront de l’amélioration attendue de l’état de droit, du climat des affaires, de conditions d’investissement facilitées, ainsi que des avancées permises par l’accord, par exemple en matière de protection des indications géographiques. La France y a accordé une attention particulière au cours de la négociation.
Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux objectifs de cet accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie faisant l’objet du projet de loi qui est aujourd’hui proposé à votre approbation.
En apportant votre soutien à cet accord d’association, vous témoignerez de l’amitié profonde qui lie la France à la Moldavie et ouvrirez une nouvelle perspective pour ce pays qui nous est cher. Vous contribuerez aussi à renforcer la démocratie, la stabilité et la paix aux frontières de l’Union européenne.