Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 3 mars 2015 à 14h30
Accord d'association entre l'union européenne et la moldavie — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’actualité donne forcément une dimension toute particulière à l’examen de l’accord d’association entre l’Union européenne, ses États membres et ceux de la Communauté européenne de l'énergie atomique, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part, cette dernière évoluant dans un environnement régional particulièrement instable, dont elle subit les conséquences au travers de multiples canaux : son économie, sa sécurité, sa dépendance énergétique, sa politique, pour n’en citer que quelques-uns.

En effet, les tensions géopolitiques dans la région affectent directement l’économie du pays, à l’image du tassement de la production en 2014, du fait, notamment, du marasme économique de ses partenaires importants, tels que l’Ukraine et la Russie.

De fait, la Moldavie est particulièrement sensible aux chocs extérieurs, en raison de sa dépendance aux transferts opérés par les travailleurs expatriés, qui représentent près de 24 % du PIB. La crise ukrainienne provoque également des sorties de capitaux et une réduction des recettes d’exportation.

Enfin, à ce contexte régional catastrophique s’ajoutent les sanctions russes consécutives à l’application, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014, des dispositions commerciales de l’accord : un embargo sur le vin, les fruits et les légumes, alors que près de 80 % des exportations agricoles moldaves sont destinées à la Russie, et un durcissement des conditions d’accueil des travailleurs moldaves. Ces sanctions risquent de déstabiliser fortement l’économie moldave, alors que 30 % environ de la population du pays vit sous le seuil de pauvreté.

L’Union européenne doit condamner ces méthodes !

En ce sens, dans la mesure où il s’inscrit dans l’approche à long terme retenue par le partenariat oriental, l’accord de libre-échange, compris dans le texte que nous examinons aujourd’hui, est une réponse indispensable aux pressions russes.

Toutefois, la coopération que nous proposons ne doit pas se limiter au seul volet commercial ; il est indispensable que l’Union européenne adopte une approche multidimensionnelle.

Favoriser la mise en place d’une zone de libre-échange sans avancer en matière de protection des droits de l’homme, de sécurité et d’État de droit serait une erreur de la part des Européens.

En effet, si des réformes ont été entreprises ces dernières années par la Moldavie, force est de constater que beaucoup reste à faire. Selon le Global Slavery Index, la Moldavie est, pour ce qui est des trafics humains, le sixième pays sur cent soixante-deux. Il y a aujourd’hui une augmentation de la traite des êtres humains dans la région, non pas uniquement pour l’exploitation sexuelle en Europe du Sud-Est, mais également vers l’Ouest ; on pense à la Russie, à la Turquie, à Chypre et à la mer Noire, notamment. Malgré le nombre de données accablantes, les trafics persistent.

Dans un rapport de 2014, le ministère des affaires étrangères note que « si l’Europe est la région où le plus grand nombre de condamnations est enregistré, leur valeur absolue reste faible ».

Des efforts restent donc à faire. En effet, le nombre total de condamnations pour la traite des êtres humains a diminué de 13 % entre 2008 et 2010 dans l’Union européenne, alors que le nombre de victimes officiellement identifiées reste très en deçà de la réalité.

La Moldavie doit se donner les moyens d’endiguer cette tendance destructrice et cela passe par de profondes réformes politiques, économiques, institutionnelles et sociales.

En effet, si la Transnistrie est pointée du doigt comme une plaque tournante du trafic, c’est bien l’ensemble du territoire qui est concerné. C’est ce qui a d’ailleurs poussé à l’établissement, en 2005, de la mission de contrôle de la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine.

Toutefois, et les chiffres sont là pour le prouver, cette dernière, au-delà de la seule expertise technique, ne peut pas grand-chose pour prévenir et arrêter les trafics d’êtres humains à la frontière. L’Union européenne et la Moldavie se donnent-elles suffisamment les moyens pour lutter contre ces phénomènes ?

Dans sa publication du 5 janvier 2015 où sont répertoriés les principaux risques stratégiques, l’Eurasia Group considère que la Moldavie pourrait représenter un enjeu sécuritaire important. La Transnistrie est identifiée comme une zone clé. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, parle de près de 20 000 tonnes de munitions et d’armes sur place.

Les perspectives d’évolution de la situation restent relativement faibles. Surtout, sur le plan politique, cette région représente un levier d’influence pour la Russie afin de contrer une quelconque aspiration européenne qui viendrait à s’accentuer de la part de la Moldavie.

L’Union européenne doit donc accompagner son partenaire dans le cadre d’une politique de voisinage renforcée afin que son espace frontalier soit stable, prospère et sûr.

D’autant que, sur le plan de la politique intérieure, si le pays connaît une phase de transition difficile, le nouveau premier ministre a présenté un programme semblant s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur : poursuite du parcours européen du pays, renforcement de l’État de droit, retrait des troupes russes de Transnistrie, lutte contre la corruption.

Il s’agit là de déclarations allant dans le bon sens et qui témoignent de la volonté de la population moldave d’un partenariat renforcé avec l’Union européenne.

Enfin, et j’en terminerai par là, cet accord d’association doit à tout prix s’inscrire dans une vision à long terme ambitieuse. Cela passe également par l’environnement et l’énergie.

La Moldavie pâtit d’une dette gazière de plus de 4 milliards de dollars et son opérateur national, Moldovagaz, est contrôlé par Gazprom. Par ailleurs, au début du mois de janvier, l’Ukraine a mis fin aux exportations d’électricité vers la Moldavie et la Biélorussie, en raison d’un déficit énergétique.

Nous le voyons bien, si l’accord d’association comprend EURATOM, le nucléaire ne peut être privilégié au détriment d’une coopération renforcée en matière de développement durable et d’énergies alternatives, seules solutions offrant une plus grande autonomie à la Moldavie.

Dans un contexte régional troublé, le groupe écologiste soutiendra la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie.

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