Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 3 mars 2015 à 14h30
Accord d'association entre l'union européenne et la moldavie — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si vous me permettez une parenthèse très personnelle, ce débat me replonge dans mes souvenirs de jeunesse, quand, durant les cours d’histoire, il nous fallait étudier des cartes où apparaissaient la Moldavie, la Valachie, la Bessarabie, la Transylvanie, la Roumanie, toute une onomastique en « ie » bien nécessaire pour qui souhaite comprendre la situation dans les Balkans, la lutte entre l’Autriche-Hongrie, la Russie et l’Empire ottoman.

Mais j’en viens à l’accord d’association signé à Bruxelles le 27 juin 2014 entre l’Union européenne et la Moldavie : il s’inscrit dans un processus d’échanges entamé il y a vingt ans, soit peu de temps après la création de l’État de Moldavie, en 1991.

En effet, un premier accord de partenariat et de coopération avait été signé en juin 1994. Le nouvel accord, fruit du Partenariat oriental auquel la Moldavie participe, vient abroger le précédent et offrir un cadre de relations plus complet.

C’est bien sûr une bonne chose puisqu’il s’agit, sur le principe, de favoriser une coopération politique et économique visant in fine à encourager la stabilité de ce pays, qui se trouve être la frontière orientale de l’Europe depuis l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne.

Au sein de la politique européenne de voisinage à laquelle la Moldavie participe donc à travers l’accord d’association, il existe également un instrument financier destiné notamment à moderniser les principales institutions publiques, à mettre en œuvre l’accord de libre-échange ou encore à protéger les minorités.

Au titre de cet outil, la Moldavie a bénéficié de 131 millions d’euros en 2014. Force est de constater que le gouvernement moldave est très volontariste dans la mise en œuvre des réformes allant dans le bon sens.

Comme vous le savez, mes chers collègues, depuis le début des années deux mille, même sous la présidence du communiste Vladimir Voronine, la politique de rapprochement avec l’Union européenne n’a jamais cessé et les dernières élections législatives ont confirmé une orientation pro-européenne, bien que la coalition issue du scrutin du 30 novembre reste fragile.

L’Union européenne s’est en tout cas montrée très sensible aux efforts démocratiques engagés par les autorités de Chisinau en octroyant un soutien financier qui place la Moldavie au deuxième rang des pays le plus aidés du voisinage européen, si l’on considère l’aide par habitant.

Depuis ses débuts, la Moldavie a ainsi manifesté un penchant vers l’Ouest, ce qui nous conduit à examiner aujourd’hui cet accord d’association, qui prend un relief particulier en raison de la crise ukrainienne. J’y reviendrai.

Sur le fond, on ne peut que souscrire à ce projet de loi autorisant la ratification d’un accord dont on doit rappeler que les principales dispositions, qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne, sont entrées en application à titre provisoire dès le 1er septembre dernier.

Comme l’a excellemment souligné Mme la rapporteur, la portée de l’accord est donc, à ce stade, symbolique.

J’ajoute que, si la France entretient depuis longtemps d’excellentes relations avec la Moldavie, fortement francophone à ce jour, nos échanges économiques avec ce pays sont assez faibles. Sur le plan commercial, l’impact de l’accord à court terme sera donc très limité. Il permettra toutefois – espérons-le – une amélioration du climat des affaires qui pourrait profiter aux investisseurs français.

Dans ces conditions, si nous avons bien compris que l’accord visait à faire transposer par la Moldavie l’acquis communautaire dans de nombreux secteurs, nous savons bien aussi les enjeux géopolitiques de cet arrimage d’un pays de l’Est à l’Europe.

L’affaire de la Crimée en Ukraine nous a rappelé que la Russie ne souhaitait pas céder de son influence dans la région.

En Moldavie, Vladimir Poutine s’est déjà appuyé sur l’antagonisme régional pour conserver un contrôle. Je pense, bien sûr, à la partie orientale de la Moldavie, c’est-à-dire à la Transnistrie, ou République moldave du Dniestr : majoritairement russophone, elle a fait sécession en 1992, une situation qui n’a pas été reconnue par la communauté internationale. Depuis 2013, la Russie a imposé un embargo sur le vin moldave, embargo qui ne s’applique toutefois pas aux entreprises vinicoles de Transnistrie et de Gagaouzie, une autre enclave turcophone sur laquelle Moscou garde aussi un œil.

C’est dans ce contexte délicat que nous allons autoriser la ratification d’un accord qui ne s’appliquera pas immédiatement à la Transnistrie, laquelle représente pourtant à elle seule 40 % du PNB de la Moldavie. Cette situation est regrettable, s’agissant d’un partenariat dont le principal volet consiste à instaurer une vaste zone de libre-échange.

Quoi qu’il en soit, il convient de ne pas attiser cette sourde lutte d’influence entre l’Est et l’Ouest pour ne pas reproduire le schéma ukrainien. Il faut notamment que les relations de la Moldavie avec l’OTAN restent au stade de la coopération. La neutralité de la Moldavie est inscrite dans sa Constitution, ce qui devrait la tenir à l’écart de l’intégration.

Enfin, si la politique européenne de voisinage est distincte de la politique d’élargissement, la Moldavie a déjà exprimé son intérêt en vue d’intégrer l’Union européenne, même si elle n’en a pas fait la demande officielle.

Je pose alors la question : les pays du Partenariat oriental ont-ils vocation à rejoindre, à terme, l’Union européenne ? Bien entendu, je vous exonère, monsieur le secrétaire d’État, de la réponse, puisque je soulève ici le problème des frontières définitives de l’Union européenne, un débat très vaste qui n’est pas celui d’aujourd’hui…

En attendant, conscient des efforts fournis par les autorités moldaves pour moderniser leur pays, le groupe du RDSE apportera son soutien au projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association.

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