Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je tiens à commencer mon intervention par des remerciements.
Je remercie tout d’abord notre gouvernement d’avoir demandé l’examen de ce projet de loi quelques mois après la signature de cet accord d’association.
Je remercie également la conférence des présidents, qui a décidé de ne pas mettre en œuvre la procédure d’examen simplifié, prévue par l’article 47 decies du règlement du Sénat, mais a souhaité que nous procédions à l’examen de ce texte en la forme normale.
Le contexte géopolitique dans lequel cet accord intervient justifie, je le pense très sincèrement, que le Parlement se saisisse pleinement de cette question et témoigne justement de l’importance que nous accordons à cette convention qui est, à mon sens, eu égard au contexte géopolitique actuel, primordiale pour la Moldavie et les Moldaves.
Je remercie, enfin, Mme la rapporteur, pour son travail fourni et éclairé, témoignant de son excellente connaissance de la Moldavie.
Le sommet de Vilnius, en novembre 2013, était annoncé comme une étape cruciale du rapprochement des pays du Partenariat oriental avec l’Union européenne. Les événements récents et actuels nous montrent que, si ce sommet a écrit un nouveau chapitre des relations entre l’Union européenne et la Géorgie, et entre l’Union européenne et la Moldavie, il a contribué à accroître les tensions entre la Russie et l’Ukraine.
Hasard de notre calendrier parlementaire, l’examen qui nous rassemble aujourd’hui a lieu dix jours après le premier anniversaire du soulèvement de Maïdan, et quatre jours après le premier anniversaire de la prise du parlement de Crimée par un commando pro-russe.
Oui, mes chers collègues, je partage les mots de notre éminent collègue Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il explique que la Russie n’a pas vu d’un bon œil, et c’est peu dire, les révolutions de couleur dans les pays qu’elle considère comme son « étranger proche », sa zone d’influence traditionnelle, en quelque sorte. Disons-le clairement, certains pays de la Communauté des États indépendants sont devenus un enjeu entre l’Union européenne et la Russie avec, en arrière-plan, l’OTAN et les États-Unis, peu désireux, admettons-le, d’atténuer les tensions.
Le refus de Kiev de signer l’accord d’association et de libre-échange que leur proposaient les Vingt-Huit, a mis en évidence l’échec de la stratégie du Partenariat oriental, lancée en 2009 pour stabiliser et arrimer à l’Europe les ex-républiques soviétiques, et faire ainsi du voisinage de l’Union européenne un espace sécurisé et prospère. Les négociations avaient pourtant été engagées depuis cinq ans entre Kiev et Bruxelles, et plusieurs milliards d’euros avaient été investis par Bruxelles en faveur de la modernisation politique et économique de ce pays.
C’est la crise de la « troisième Europe » qui a ici été mise en évidence. En effet, l’Union européenne n’a jamais proposé une perspective claire d’intégration aux ex-républiques soviétiques, contrairement à ce qu’elle a fait pour les pays de l’Est après la chute du Mur.
Beaucoup ont pensé que ce refus de Kiev briserait l’élan du Partenariat oriental pour de nombreuses années. Mais, comme l’a souligné le président du Conseil européen de l’époque, Herman Van Rompuy, c’était compter sans « la détermination, le courage et la volonté politique des dirigeants géorgiens et moldaves ».
J’en viens, par ces considérations, au territoire qui nous occupe ce soir : la Moldavie. Ce pays est bien pauvre, mais riche d’influences contrastées. Moldaves et Roumains y représentent près de 80 % de la population, les 20 % restants étant composés d’Ukrainiens, de Russes, de Gagaouzes, de Bulgares et de Roms.
Le roumain est devenu la langue officielle de Moldavie le 31 août 1989, soit deux ans avant la proclamation de l’indépendance du pays, et alors même que l’Union soviétique imposait l’alphabet cyrillique depuis 1924 à la République soviétique moldave. C’était là un premier pas, plus que symbolique, dans le sens d’un rapprochement vers l’Ouest et en faveur de liens privilégiés avec la France.
Oui, mes chers collègues, gardons à l’esprit que la Moldavie est le pays d’Europe orientale le plus francophone, devant la Roumanie. Mme la rapporteur l’a rappelé, plus de 50 % des élèves moldaves choisissent d’apprendre le français à l’école. Ces traditions linguistiques et a fortiori culturelles ont été qualifiées par l’ancien Premier ministre moldave de symboles d’une « francophonie de cœur ».
En outre, il convient de rappeler les relations économiques, qui font de la France l’un des principaux investisseurs étrangers en Moldavie.
Ces diverses raisons concourraient à la construction de l’orientation pro-européenne de la Moldavie – mais limitée aux frontières de l’OTAN, entendons-nous bien !
Comme il importe de ne pas restaurer le passé, il convient aujourd’hui de ratifier cet accord d’association, nouveau jalon de l’évolution des relations entre la Moldavie et l’Union européenne.
En négociation depuis janvier 2010, l’accord d’association a été accepté lors du sommet de Vilnius, en novembre 2013. Il a été signé le 27 juin dernier à Bruxelles, puis ratifié par la Moldavie quelques jours plus tard, le 2 juillet 2014.
Les précédents orateurs ont largement détaillé les dispositions de ce texte. En conséquence, je ne les évoquerai que brièvement.
Il s’agit d’un accord mixte, conclu entre la République de Moldavie et plusieurs entités juridiques : l’Union européenne, la Communauté européenne de l’énergie atomique et chacun des États membres de ces deux organisations.
Ce texte vise à renforcer la coopération politique entre l’Union européenne et la Moldavie, ainsi que leur coopération économique et sectorielle, en favorisant une convergence des réglementations et des normes et en libéralisant les échanges. À ce titre, il repose sur deux piliers : un accord de libre-échange et une intégration par la Moldavie des acquis de l’Union européenne dans les nombreux domaines concernés.
Par son titre VII, cet accord institue plusieurs instances de dialogue, notamment un conseil d’association composé de membres du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne ainsi que de membres du gouvernement moldave.
Ce conseil est chargé de contrôler la mise en œuvre par les parties des différents volets de l’accord d’association. Sa première réunion était prévue pour juin 2015, mais elle a été reportée dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement moldave. Celui-ci a été constitué le 18 février dernier.
Après deux mois de confusion politique, un gouvernement de coalition a été formé, dont la nature est pour le moins surprenante. Notons tout de même que Chiril Gaburici, le nouveau Premier ministre, a assuré pendant sa campagne électorale qu’il poursuivrait le processus de rapprochement avec l’Union européenne mené par son prédécesseur. Nous nous devons de conforter ces ambitions en entretenant des relations soutenues, car la ligne pro-européenne doit continuer à prévaloir.
En effet, il faut que les Moldaves perçoivent les bénéfices de ces changements, qui ne sont pas uniquement économiques : cet accord constitue également un puissant levier de modernisation politique et sociale.
Je forme le vœu que cet accord contribue à débloquer la situation en Transnistrie. Nous devons être capables d’éviter une escalade des tensions dans cette région où tant de russophones tournent des regards impatients vers Moscou.
Le temps de l’action est venu : il est temps d’intensifier la lutte contre la corruption, temps de poursuivre la lutte contre la criminalité, notamment la criminalité organisée, temps d’apaiser les tensions au sein de la société moldave.
Oui, il est grand temps que l’ensemble de la population moldave soutienne à nouveau massivement le processus d’intégration européenne. Il est nécessaire en effet que les Moldaves considèrent leur histoire à long terme et cessent d’être esclaves de la conjoncture dans laquelle les sphères d’influence voisines ont bien voulu les placer et les maintenir.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste voteront avec conviction pour la ratification de cet accord.
Pour conclure, je tiens à faire miens les mots de Mme la rapporteur, en refusant d’exclure « la perspective européenne de la Moldavie ». Bien sûr, politique de voisinage ne signifie pas élargissement. Nous mesurons le sens de cette distinction, que plusieurs avant moi ont rappelée. Reste que la Moldavie est historiquement et culturellement partie intégrante de notre continent. Elle y a toute sa place !
Cet accord est un repère important dans les tentatives de sortie de crise de la « troisième Europe ». À cet égard, l’Union européenne doit prendre ses responsabilités, toutes ses responsabilités.
Si nous ne pouvons revenir en arrière, nous devons cesser de tergiverser. Un très vieux film de propagande soviétique faisait dire à l’un de ses personnages : « Le fouet royal roumain est plus rude que le bâton de l’ancien tsar. » Ce qui fait désormais le plus mal, mes chers collègues, c’est l’immobilisme. Aussi, je vous invite à voter en faveur de la ratification de cet accord !