Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la convention n° 181 de l’Organisation internationale du travail, relative aux agences d’emploi privées, vise d’abord à autoriser la création et les activités de celles-ci – qu’il s’agisse, au sens du droit français, des services de placement ou des entreprises de travail temporaire. Elle requiert des États signataires qu’ils assurent « les conditions propres à promouvoir la coopération entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées ».
Pourquoi faire appel à des agences d’emploi privées ? Parce que le recours à ces opérateurs, en appui aux services publics de l’emploi et dans la mesure où il est encadré, comme c’est aujourd’hui le cas en France sous l’égide de Pôle emploi, permet de renouveler les méthodes de suivi en ce domaine. Il offre la possibilité aux opérateurs publics de se concentrer sur les demandeurs d’emploi les plus en difficulté et favorise ainsi l’employabilité des travailleurs, notamment en facilitant leur accès à la formation et l’acquisition d’expérience professionnelle.
La convention n° 181 de l’OIT, dans le même temps, vise à protéger les travailleurs qui ont recours aux services d’agences d’emploi privées. De ce point de vue, il s’agit d’un texte équilibré. La convention exige en effet la détermination d’un cadre juridique et des conditions d’exercice des activités qui garantissent une protection dite « adéquate » aux travailleurs faisant appel aux services d’agences d’emploi privées.
Concrètement, la convention requiert des États l’adoption des mesures nécessaires pour garantir cette protection en matière de liberté syndicale et de négociation collective, de salaires minimaux, d’horaires, de durée de travail et d’autres conditions de travail, de prestations de sécurité sociale, d’accès à la formation, de sécurité et de santé au travail, d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, etc.
La convention garantit aussi aux travailleurs recrutés par les agences d’emploi privées le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective, une protection contre toutes les discriminations et un traitement des données personnelles dans des conditions respectant la vie privée. Une protection spécifique pour les travailleurs migrants est également demandée, ainsi que la mise en œuvre de mesures assurant que le travail des enfants ne soit ni utilisé ni fourni par des agences d’emploi privées.
Enfin, la convention impose le respect du principe de gratuité des services fournis aux travailleurs par les agences d’emploi privées.
Notez bien, mes chers collègues, que l’ensemble de ces droits et garanties sont déjà inscrits dans notre droit du travail.
Cette convention, adoptée en 1997 avec le soutien de la France, se trouve aujourd’hui ratifiée par vingt-sept pays, dont douze États membres de l’Union européenne.
Pour la France, la ratification présente peu d’enjeux véritables. En effet, notre droit est d’ores et déjà conforme aux exigences de la convention, et ce depuis 2010, grâce à l’adoption de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui a supprimé les restrictions à la création d’agences d’emploi privées.
La possibilité même de la création d’agences d’emploi privées avait été introduite dès 2005, sous conditions, au travers de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, qui a mis fin au monopole de placement jusqu’alors détenu par l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, devenue Pôle emploi à la fin de l’année 2008.
Je rappelle que l’opérateur de l’État qu’est Pôle emploi détient aujourd’hui des prérogatives exclusives, dont l’inscription des demandeurs d’emploi, la gestion de leur liste et le contrôle de la recherche d’emploi.
En outre, en pratique, les agences d’emploi privées n’interviennent sur le marché du placement que dans le cadre des appels d’offres de Pôle emploi, notamment parce que, les services de Pôle emploi étant gratuits pour les entreprises, celles-ci n’ont pas d’intérêt à recourir directement aux agences d’emploi privées, dont les services sont payants pour les employeurs.
La ratification qu’il s’agit pour nous d’autoriser n’emportera donc aucune conséquence sur notre droit interne ni, sans doute, sur la pratique observée, non plus que, je dois le dire, sur le niveau d’emploi en France… Elle permettra seulement à notre pays de mettre en cohérence ses engagements internationaux avec sa législation, en dénonçant la convention n° 96 de l’OIT, que nous avions ratifiée en 1952 et qui, dans la mesure où elle prohibe les agences d’emploi privées, ne constitue plus depuis 2005 un engagement cohérent avec notre législation. L’enjeu se limite donc en somme à assurer une bonne articulation juridique entre droit interne et normes internationales.
Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi visant à autoriser la ratification de la convention n° 181 de l’OIT relative aux agences d’emploi privées. Je vous propose, mes chers collègues, de suivre ses conclusions et de faire de même.