En effet, bien qu’il s’agisse d’une convention internationale, ce qui justifie son examen par la commission des affaires étrangères, le contenu normatif de la convention n° 181 de l’OIT aurait gagné en consistance s’il avait été soumis à l’expertise de nos collègues de la commission des affaires sociales. Cela aurait été d’autant plus souhaitable que, concrètement, selon M. le rapporteur, ladite convention ne conduira à aucune modification de notre droit interne.
Une convention pour rien, donc ? Je ne crois pas que tel soit le cas. Il s’agit d’une actualisation bienvenue de la convention n° 97, en cours de préparation depuis plus de quinze ans. La durée déraisonnable du parcours diplomatique du combattant de cette convention explique très simplement que notre droit interne ait, pour une fois, précédé les évolutions du droit international. Ne boudons pas notre plaisir, mes chers collègues, et réjouissons-nous pour une fois de notre célérité !
Plus concrètement, cette convention a pour objet de donner un cadre juridique international à l’existence des agences d’emploi privées. La définition retenue pour ces dernières est très large : il s’agit aussi bien des agences de placement que des agences de travail temporaire ; cela va donc de Manpower aux « chasseurs de têtes », en somme ! Les stipulations de la convention sont déjà inscrites dans notre droit interne depuis 2010 au moins. Il n’y a donc pas d’enjeu normatif en soi ; nous intervenons plutôt en bout de course, au terme de la procédure de ratification.
Sur un plan purement normatif, la convention, et donc le présent projet de loi, ne font que remédier à une légère incohérence dans la hiérarchie des normes, puisque notre législation interne concernant les agences privées n’est pas totalement compatible avec les précédentes conventions de l’OIT. La ratification de la convention n° 181 permettra de dénoncer les textes ainsi rendus obsolètes.
C’est finalement là que réside le malaise. En effet, cette convention ne change rien ; elle ne répond nullement aux problèmes et aux questions qui ont été soulevés par de nombreux collègues en commission des affaires étrangères. Les choses auraient pu être différentes si l’autorisation de cette ratification était intervenue à l’occasion de l’examen d’un projet de loi portant plus largement sur les conditions de l’emploi en France. Nous aurions pu y travailler avec nos collègues de la commission des affaires sociales en vue d’aboutir, en séance publique, à l’élaboration d’un texte qui réponde directement aux besoins de nos concitoyens, et non pas à un simple impératif de technique parlementaire.
En effet, de nombreuses interrogations sur le statut des travailleurs étrangers détachés via des agences d’emploi privées ont été formulées. De fait, rien n’interdit de recruter de tels travailleurs pour casser une grève, par exemple ! Certes, l’OIT proscrit en principe cette possibilité, mais la recommandation relative aux agences privées adoptée par cette instance en même temps que la présente convention n’a pas de valeur normative : c’est une simple déclaration d’intention. La question est donc posée, monsieur le secrétaire d'État.
Une autre interrogation porte sur les travailleurs migrants. Les stipulations de la convention sont particulièrement floues. Il appartient aux États de fixer eux-mêmes leur propre encadrement normatif en la matière. Nous aurions pu le faire, puisque nous sommes justement saisis d’un texte de nature législative.
Par ailleurs, je ne peux que relever l’ironie mordante qu’il y a à adopter un texte qui ne changera rien à notre droit du travail, alors qu’il y a urgence, nous le savons bien, à le simplifier et, surtout, à lutter contre le chômage, qui gangrène notre société.
Enfin, je profite de cette occasion pour saluer la mise à jour des méthodes de travail de la commission des affaires étrangères, qui doit faire face à un stock important de conventions à examiner et inaugure, avec l’examen du présent projet de loi, le rapport simplifié. À l’avenir, on pourrait lier, dans le règlement du Sénat, le déclenchement de l’examen en procédure simplifiée en séance publique et la publication du rapport synthétique : cela garantirait la cohérence de la méthode et la célérité de l’exécution !
Mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront donc ce texte avec l’enthousiasme qu’il mérite !