Y sont évoquées les conditions de la perpétuation de l’identité bretonne dans l’ensemble français.
Remplaçons le mot « Bretagne » par le mot « France » :
Si je perds cette conscience [d’être Français],
La France cesse d’être en moi.
Si tous les Français la perdent,
Elle cesse absolument d’être…
La France n’a pas de papiers,
Elle n’existe que si à chaque génération
Des hommes se reconnaissent français…
À cette heure, des enfants naissent en France…
Seront-ils français ? Nul ne le sait…
À chacun, l’âge venu, la découverte… ou l’ignorance… »
La découverte ou l’ignorance. Rien d’évident, donc. Sur ce chemin de crête escarpé du vivre ensemble, il ne faut parfois pas grand-chose pour qu’un destin bascule d’un côté ou de l’autre.
Tout l’enjeu est donc de faire que les générations montantes aient conscience d’appartenir à une même communauté de destin par-delà les parcours individuels, les milieux ou les confessions.
Il nous faut par conséquent répondre à deux questions : quels liens nouer entre la République et la jeunesse ? Quels outils ou quels vecteurs mettre en place pour la transmission des valeurs républicaines ?
La réalité, aujourd’hui, c’est que de trop nombreux jeunes de cette France périphérique – je suis d’accord avec vous sur ce point, madame Assassi, elle ne se réduit pas aux quartiers sensibles et va beaucoup plus loin – sont désespérés, tout comme leurs parents.
Il y a peu, chaque génération pouvait envisager que la suivante grandisse dans de meilleures conditions que celles qu’elle avait connues. Ce n’est désormais plus systématiquement vrai. La peur du déclassement rôde. Trop de jeunes se résignent à un avenir qu’ils envisagent comme confiné à leur milieu d’origine.
Le service national était précisément un moyen de « s’extraire » de son milieu pendant un temps suffisamment long pour permettre une évolution, une maturation personnelle. Cela permettait en quelque sorte de toucher du doigt l’universalité, à travers la diversité sociale et culturelle.
Au contraire, aujourd’hui, la diversité est plutôt vécue comme un élément de différenciation, voire de sécession, et non pas comme une source d’enrichissement réciproque.
Des cultures se sont construites non pas comme des apports à la culture française et à l’universalisme qu’elle vise, mais comme des contre-cultures, avec des codes et des pratiques qui sont parfois en opposition avec les valeurs de la République.
Nous souhaitons une diversité « ouverte » ; or, désormais, nous sommes parfois confrontés à une diversité « fermée ».
D’ailleurs, n’est-ce pas le cumul de nos petites lâchetés, des accommodements dits « raisonnables » qui, depuis trois décennies, ont alimenté cette fracture ? La question est posée.
Face à cette situation, tous les acteurs, et à tous les niveaux de la société, doivent participer tant à la transmission qu’au développement des valeurs de la République. La tâche n’incombe pas seulement à l’éducation nationale : les parents ont bien sûr une responsabilité primordiale et constante.
Nous sommes tous d’accord sur l’importance de recréer les conditions d’un creuset républicain pour la jeunesse de notre pays.
Je remercie le groupe CRC d’avoir ouvert ce débat, mais, avant même de répondre à la question : « volontaire ou obligatoire ? », j’estime que la première question à se poser est : « quel service ? ». Civil ? Civique ? Citoyen ? National ? On a vu les adjectifs fleurir ! Le plus important est de favoriser la mixité sur tous les plans ; en particulier, il faut trouver une formule qui permette de dépasser le repli de nature communautariste, parfois, qui gangrène le sentiment d’appartenance à la République.
Bref, il faut une formule qui inculque aux jeunes les valeurs fondamentales qui font la France et avec lesquelles il est impossible de transiger, une formule qui sacralise à nouveau la belle idée de Nation et qui restaure le respect envers ceux qui l’incarnent par leur profession, une formule qui offre l’occasion d’une adhésion pleine et entière à la défense du pays.
Comme l’ont rappelé les orateurs précédents, le service civique sur la base du volontariat a montré ses faiblesses. Le nombre de participants n’a pas été celui qui était attendu – seulement 19 000 volontaires en 2013 – et le projet n’a pas été véritablement porteur de mixité : les publics en difficulté sont notoirement sous-représentés, moins de 18 % étant bénéficiaires de la politique de la ville et moins de 8 % étant attributaires d’une bourse sur critères sociaux. Comme cela a été souligné, c’est donc un public plutôt averti qui s’engage dans ce dispositif.
Il faut par conséquent prévoir un temps obligatoire qui aille au-delà de la seule obligation « minimaliste » que constitue la journée défense et citoyenneté, la JDC.
Il faut savoir que 33 000 jeunes – ce n’est pas rien – ne participent pas à cette journée, s’interdisant ainsi un plein accès à la citoyenneté puisqu’ils ne peuvent alors pas se présenter aux concours et examens d’État.
À l’occasion de l’examen du budget pour 2015, j’ai défendu, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation », l’idée d’une refonte de la journée défense et citoyenneté.
Aujourd’hui, cette journée est présentée dans les documents du ministère de la défense comme confirmant « sa place dans la détection de jeunes en difficulté de lecture et renforç[ant] le rôle dans le repérage de jeunes en situation de décrochage scolaire ». Mais est-ce là son but originel ?
Le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale de 2013 présentait sa vocation première comme une sensibilisation à l’esprit de défense.
Je pense donc que, à l’avenir, un schéma inclusif doit comprendre un temps obligatoire de type militaire de un mois, éventuellement complété et prolongé, sur la base du volontariat cette fois-ci, soit par un service civil, soit par un engagement de réserviste, soit par un service militaire adapté dont l’extension en métropole a été annoncée par le Président de la République.
Un mois de temps pour le module obligatoire de type militaire, c’est plus que ce que l’on appelait « les préparations militaires ». Et, vers la fin du service national tel que je l’ai vécu, c’était la phase de formation des élèves officiers de réserve.
Alors oui, ce sont des moyens humains et financiers à déployer ! À ce jour, l’armée est déjà en surtension et ne peut pas assumer cette mission sans moyens supplémentaires. Mais l’enjeu est de taille.
Je peux en attester, une telle expérience est formatrice, non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement. Cela participe de la construction personnelle de chacun. L’on y forge, me semble-t-il, un « mental » précieux pour toutes les étapes de la vie.
Je laisserai d’ailleurs le mot de la fin à Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, qui, dans son slam Mental de résistant, indiquait le chemin :
« S’il y a bien une idée qui rassemble, une pensée qu’est pas toute neuve
« C’est que quel que soit ton parcours, tu rencontres de belles épreuves
« Y’a des rires, y’a des pleurs, y’a des bas, y’a des hauts
« Y’a des soleils et des orages et je te parle pas que de météo
« On vit dans un labyrinthe et y a des pièges à chaque virage
« À nous de les esquiver et de pas calculer les mirages
« Mais le destin est un farceur, on peut tomber à chaque instant
« Pour l’affronter, faut du cœur et un mental de résistant. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « du cœur et un mental de résistant », voilà ce que chaque jeune de France doit avoir à l’issue de ce service revisité que j’appelle de mes vœux !
Il y va de la réussite individuelle des femmes et des hommes qui font la France, comme de la réussite collective du pays !