Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, le groupe pharmaceutique Sanofi est venu récemment rappeler comment peut parfois fonctionner le capitalisme.
Le conseil d’administration du groupe a offert à son nouveau directeur général, Olivier Brandicourt, dont il ne s’agit pas ici de nier les compétences, une indemnité brute de 2 millions d’euros à son arrivée. Il s’est aussi engagé à lui verser la même somme en janvier 2016, s’il est toujours en poste.
Monsieur le ministre, vous avez soutenu, à l’Assemblée nationale, un amendement visant à lier les retraites chapeaux des dirigeants d’entreprise à la performance de celle-ci. Quid des indemnités d’arrivée ? Quelle performance a accomplie M. Brandicourt pour toucher 2 millions d’euros de prime de signature, sinon celle de venir ? Quelle performance aura-t-il accomplie en janvier 2016, quand il touchera 2 millions d’euros supplémentaires, sinon celle d’être resté ? Ajoutons que 6 millions d’euros en actions gratuites lui sont déjà promis s’il atteint certains objectifs sur trois ans.
Non, ce bonus ne relève décidément pas d’une prime au mérite ; son attribution procède seulement d’une tendance regrettable à favoriser, avant toute autre chose, l’appât du gain.
Cette tendance ne fait que se renforcer chez Sanofi, puisque la société, qui a réalisé 6 milliards d’euros de bénéfices en 2013, en a reversé la moitié à ses actionnaires.
Dans le même temps, le groupe n’a pas été aussi généreux avec ses salariés. Depuis 2009, Sanofi a supprimé près de 4 000 postes, notamment dans le secteur de la recherche, et un projet de suppression de 1 800 postes supplémentaires a été révélé mardi soir dans un magazine d’enquête diffusé par France 2.
Aujourd’hui, les syndicats s’interrogent sur la stratégie du groupe au regard de l’avenir de ce secteur, où l’innovation joue pourtant un rôle moteur. Ils n’ont pas tort, tant il est manifeste que les bénéfices servent davantage à rassurer les actionnaires à court terme qu’à financer les investissements du groupe à long terme.
Or Sanofi a touché 136 millions d’euros d’aides publiques de l’État, notamment pour la recherche, et même si le groupe ne réalise que 8 % de son chiffre d’affaires en France, les bénéfices en question sont financés par la sécurité sociale.
Certes, monsieur le ministre, Sanofi est un groupe mondialisé, sur lequel l’État n’a que peu d’emprise ; certes, les exportations de ce groupe s’élèvent à 5, 8 milliards d’euros, ce qui profite à la balance commerciale. Toutefois, à l’heure où l’État réduit ses dotations aux collectivités territoriales, où le Gouvernement ne cesse de demander des efforts à nos concitoyens, où la crise prévaut partout, que doit-on dire aux 27 500 salariés de Sanofi ? Qu’il leur faut accepter l’attribution de ce bonus, parce qu’elle relève au fond du capitalisme ordinaire et que, sinon, Sanofi ira implanter son siège ailleurs ? Comment s’y résoudre ?