Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, sur lequel la commission des affaires sociales est saisie au fond. Ce rapport constitue ma première plongée dans le travail législatif, aussi solliciterai-je toute votre indulgence.
Le vieillissement représente un défi pour nos sociétés, dans lesquelles la part de la population âgée ne cesse de croître. Le 1er janvier 2015, sur 66 millions de Français, 12 millions avaient 65 ans ou plus. On les appelle les « anciens », les « seniors », les « personnes âgées » ou même les « âgés » : autant de dénominations, autant de tentatives illusoires de proposer une vision unique d'une réalité multiple ; du jeune retraité actif à la personne en perte d'autonomie jusqu'à celle privée de sa capacité, chaque situation réclame une prise en compte adaptée. C'est pourquoi l'élaboration d'une politique du vieillissement cohérente constitue une démarche ambitieuse et louable.
J'ai entendu le secrétariat d'État chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, le conseil supérieur du notariat, l'union syndicale des magistrats, le syndicat de la magistrature, l'association nationale des juges d'instance, des représentants du ministère de la justice et de l'association nationale des copropriétés avec service. Avec Georges Labazée et Gérard Roche, rapporteurs de la commission des affaires sociales, nous avons participé à une table ronde avec les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et à une autre avec les représentants des retraités et des personnes âgées. J'ai enfin assisté à l'audition des ministres Mmes Touraine et Rossignol.
Le texte comprend quatre grands volets : l'anticipation de la perte d'autonomie (titre Ier), l'adaptation de la société au vieillissement (titre II), l'accompagnement de la perte d'autonomie (titre III) et le renforcement de la gouvernance des politiques de l'autonomie (titre IV). Je vous propose de l'améliorer dans le respect de son double objectif d'anticipation de la perte d'autonomie et d'amélioration de sa prise en charge.
Les onze articles qui relèvent de notre champ de compétence sont éparpillés dans l'ensemble du projet. La plupart traitent de la protection des personnes âgées et de leur patrimoine, d'autres ayant trait au contentieux lié au vieillissement, ainsi qu'à l'acquisition de la nationalité française par déclaration des personnes étrangères âgées.
En réponse aux difficultés liées à l'importance des charges supportées par les copropriétaires de certaines résidences-services, l'article 15 réforme le statut des résidences-services de première génération et prévoit des modalités de gestion distinctes pour les services non-individualisables et individualisables. Je vous suggèrerai de le modifier substantiellement, pour ne pas déstabiliser le modèle de ces résidences-services, qui semble satisfaisant.
Il s'agira tout d'abord de restaurer la possibilité pour le syndicat des copropriétaires et le conseil syndical qui le représente de gérer directement la fourniture des services aux résidents, pour préserver la souplesse du statut juridique. Puis, il conviendra de maintenir la mutualisation des charges qui s'attachent à l'ensemble des services spécifiques, dont la suppression menacerait la viabilité de ce modèle. En compensation, nous pourrions assouplir les règles de vote applicables aux décisions de suppression de ces services, en passant de la majorité de l'article 26 à celle de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Saluant l'interdiction faite au syndic et à ses proches d'être prestataire des services fournis dans les copropriétés qu'il gère, je vous propose de l'étendre aux sociétés filiales du syndic et aux sociétés dont le syndic est lui-même une filiale.
Pour améliorer le recours aux mandats de protection future, assez peu utilisés depuis leur entrée en vigueur au 1er janvier 2009, l'article 27 bis modifie l'article 477 du code civil pour limiter leur durée de validité à cinq ans et prévoir leur enregistrement au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). L'encadrement de la durée de validité de ces mandats pourrait avoir un effet dissuasif, en raison de la lourdeur d'une telle obligation pour un mandant vieillissant et du coût des renouvellements. Je suis toutefois favorable à l'enregistrement des mandats de protection future, qu'ils soient conclus sous seing privé ou par acte notarié, à condition que le fichier ne puisse être consulté que par les notaires, les avocats et les magistrats. Mais le FCDDV n'est pas le bon fichier. En attendant un amendement du Gouvernement créant un fichier adapté, je vous propose de supprimer cette disposition.
L'article 19 A introduit la perte d'autonomie dans la liste des discriminations directes, prévue à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. La discrimination pour perte d'autonomie est déjà couverte par l'interdiction des discriminations en raison de l'âge ou du handicap, d'où mon amendement de suppression.
L'article 23 étend le champ des incapacités légales de recevoir aux personnes qui interviennent à domicile dans le cadre de leurs activités d'assistance aux personnes ou de services à la personne. Cette disposition, trop large, est attentatoire à la liberté de tout individu de disposer de ses biens. Il convient donc de la supprimer.
L'article 28 bis crée un nouveau cas d'acquisition de la nationalité française par déclaration au bénéfice de personnes étrangères âgées de 65 ans au moins, qui résident régulièrement et habituellement en France depuis au moins 25 ans, ascendantes directes de Français. Or cette question a vocation à être traitée lors de l'examen du projet de loi relatif au droit des étrangers, déposé à l'Assemblée nationale le 24 juillet 2014.
Enfin, l'article 55, qui habilite le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance l'organisation du contentieux de l'aide sociale, pose des questions de principe importantes. La réforme de l'organisation du contentieux de l'aide sociale mérite un véritable débat, qui aura toute sa place lors de l'examen du projet de loi relatif à la justice du XXIème siècle. Je vous proposerai de limiter le champ de l'habilitation à la fixation des règles de composition des commissions départementales d'aide sociale et de la commission centrale d'aide sociale, répondant ainsi aux censures du Conseil constitutionnel pour défaut de garantie d'indépendance et d'impartialité de leurs membres.
Je vous propose d'adopter sans modification ou avec des modifications de pure forme plusieurs dispositions du projet de loi, comme l'article 24, qui complète l'article 911 du code civil en sanctionnant de nullité les libéralités au profit de personnes morales frappées d'une incapacité de recevoir ou l'article 25 bis qui donne la possibilité aux les associations de défense ou d'assistance des personnes âgées de se constituer partie civile. Je suis également favorable à l'adoption de l'article 27 ter qui lève l'immunité pénale de l'auteur d'un vol commis par une personne au préjudice de son ascendant, de son descendant ou de son conjoint, dont il est le tuteur ou le curateur, ainsi qu'à celle de l'article 28, qui facilite le placement sous sauvegarde de justice d'une personne, hébergée en établissement social ou médico-social, dont les facultés mentales et corporelles se sont altérées.
J'approuve enfin l'article 42, qui étend aux établissements privés sociaux et médico-sociaux la possibilité, en cas d'impayés de prestations facturées aux résidents, de saisir le juge aux affaires familiales d'une action à l'encontre des personnes débitrices d'une obligation alimentaire à l'égard du résident.