Les trois premiers chapitres du volet adaptation portent sur la participation des aînés à la vie de la cité ainsi que sur les politiques du logement, de l'urbanisme et des transports. S'agissant de ces dispositions, nous aurons aussi à examiner les avis de la commission des affaires économiques et de la commission des lois.
De plus en plus nombreux, les aînés représentent une force vive pour notre société car leur engagement associatif contribue au lien social et intergénérationnel. Cet engagement doit être encouragé et valorisé. Les articles 9 et 10 s'y efforcent en assurant, d'une part, la reconnaissance des personnes qui assurent le tutorat de jeunes en service civique et en créant, d'autre part, un volontariat civique senior destiné à encadrer le bénévolat des aînés.
Si nous partageons ces objectifs, leur mise en oeuvre risque de se révéler contre-productive : l'article 9 limite aux seules personnes âgées de soixante ans et plus la délivrance d'une attestation de tutorat pour un jeune en service civique. Or celle-ci serait aussi voire plus utile à une personne en recherche d'emploi pour valoriser son engagement citoyen auprès d'un employeur potentiel. Nous proposons par conséquent de supprimer cette condition d'âge et de rendre l'attestation facultative. En effet, l'agence du service civique dispose de moyens humains trop limités pour fournir de façon systématique des attestations à tous les tuteurs.
L'ensemble des associations que nous avons auditionnées nous ont fait part de leurs réticences concernant le volontariat civique senior proposé à l'article 10. Sa dénomination n'est pas heureuse, puisqu'il n'a pas de lien avec le service civique des jeunes. En outre, beaucoup craignent une hiérarchisation entre les « bons » bénévoles, qui recevront un certificat de volontaire civique senior, et les autres qui ne l'auront pas. Les enjeux relatifs à l'engagement associatif des seniors nous semblent aller bien au-delà : il faut mieux les informer et les encourager, dès la préparation du passage à la retraite et davantage valoriser leur engagement collectif au travers des projets entrepris. Nous vous proposerons en conséquence de supprimer l'article 10 mais d'introduire dans le rapport annexé des pistes dans ce sens, laissant la main au monde associatif et proposant d'utiliser la journée internationale des volontaires du 5 décembre pour récompenser l'engagement des bénévoles seniors.
Le chapitre II du volet adaptation traite de l'habitat collectif des personnes âgées, promouvant une offre intermédiaire entre le maintien au domicile et l'entrée en établissement. Les âges de la vie tracent bien souvent un cheminement du maintien à domicile au séjour en résidence, puis à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui est, selon les mots de Gérard Roche, un hôpital de fin de vie.
Les articles 11 à 14 clarifient le cadre juridique applicable aux logements-foyers pour personnes âgées, rebaptisés résidences autonomie, de manière à les promouvoir en les rendant plus visibles. Un socle minimal de prestations doit ainsi être défini et un forfait autonomie, distribué par les conférences des financeurs, financera leurs actions de prévention. Pour des raisons historiques, 13 % des logements-foyers perçoivent un forfait soins correspondant à la rémunération de personnels médicaux en leur sein, que le projet exclut du bénéfice du forfait autonomie. Nous vous proposerons au contraire de ne pas restreindre a priori ce champ, laissant la décision à chaque conférence des financeurs.
L'article 15 rénove le cadre juridique applicable aux résidences-services, qui relèvent du droit de la copropriété. Il répond à un certain nombre de failles identifiées dans le droit applicable et qui ont pu conduire à des abus préjudiciables aux résidents. Un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a d'ailleurs montré les grandes différences entre les résidences de premier type, fondées sur la copropriété, dans lesquelles les personnes retraitées ont investi, et les résidences de deuxième type où les résidents sont locataires. L'article précise la répartition des charges et les modalités d'externalisation des services proposés. En outre, un conseil des résidents est créé, afin de permettre un dialogue entre les résidents et les copropriétaires. Nous vous soumettrons des ajustements pour que l'entrée en vigueur de ce nouveau régime juridique ne déstabilise pas les résidences qui fonctionnent de manière satisfaisante.
Un nouveau type de résidences, généralement portées par un seul investisseur, comme les Senioriales, se développe en marge du droit. Nous vous proposons donc d'insérer un article additionnel qui définisse un encadrement juridique au sein du code de la construction et de l'habitation.
Les articles 16 à 18 intègrent la problématique du vieillissement dans plusieurs documents de planification urbaine et d'aménagement du territoire élaborés par les collectivités territoriales, afin que les besoins soient mieux identifiés et qu'une réponse structurée puisse leur être apportée.
La maltraitance des personnes âgées défraie la chronique, hélas. Afin de garantir une meilleure prise en compte des vulnérabilités particulières, le chapitre IV du volet adaptation renforce les droits et la protection juridique des personnes âgées. L'article 19 réaffirme solennellement le droit à la solidarité nationale pour toutes les personnes âgées en perte d'autonomie ainsi que le droit, mis en oeuvre par les départements et la CNSA, de bénéficier d'un accompagnement et d'une information adaptés.
Dans le même esprit, l'article 22 inclut expressément parmi les droits des personnes âgées accueillies dans les établissements la liberté d'aller et venir du résident, quel que soit son degré de perte d'autonomie. En outre la personne âgée pourra désigner - nous proposerons que ce soit suffisamment en amont - une personne de confiance chargée de l'accompagner dans ses démarches et de l'aider dans les décisions relatives à sa prise en charge, consultée lorsque la personne âgée rencontre des difficultés dans la connaissance ou la compréhension de ses droits. Lors d'un entretien mené à l'occasion de la conclusion du contrat de séjour, le directeur de l'établissement s'assurera du consentement de la personne à être accueillie. L'entrée dans un établissement pour personnes âgées doit en effet relever d'une décision personnelle. Nous ne sous-estimons pas les difficultés que pourrait poser cette disposition lorsque la personne âgée présente des facultés cognitives altérées sans pour autant faire l'objet d'une mesure de protection juridique. Afin d'éviter que le directeur ne soit totalement isolé dans la recherche du consentement de la personne âgée, nous proposons d'y associer le médecin coordonnateur de l'établissement.
L'article 22 dispose que le contrat de séjour peut comporter une annexe définissant les mesures particulières prises pour assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne accueillie, susceptibles de limiter les possibilités d'aller et venir du résident, après avis du médecin coordonnateur et du médecin traitant de la personne âgée. Afin d'éviter les situations de blocage auxquelles pourrait conduire cette disposition peu claire, une évaluation collégiale et pluridisciplinaire des bénéfices et des risques des mesures envisagées serait préférable. Il faut enfin apporter plusieurs précisions sur les conditions de résiliation du contrat de séjour. Ces ajustements seront de nature à lever toute ambiguïté sur les dispositions proposées.
L'article 23 étend l'interdiction de recevoir des dons et legs aux intervenants à domicile, professionnels ou bénévoles, pendant la durée de la prise en charge ou de l'accompagnement ; il n'empêchera pas les personnes âgées de continuer à faire des cadeaux d'usage dans les conditions définies par le code civil. L'article 25 consacre quant à lui l'obligation légale pour les établissements et services et lieux de vie et d'accueil des personnes âgées de signaler aux autorités compétentes tout dysfonctionnement ou événement susceptible d'affecter la santé ou la sécurité des personnes accueillies.
L'article 25 bis étend aux associations de défense des personnes âgées le droit de se porter partie civile dans le cadre d'une procédure pénale, comme en matière de discrimination ou, sous certaines conditions, en cas de non-dénonciation de mauvais traitements commis en raison de l'âge de la victime.
L'Assemblée nationale a introduit un article 19 A qui élargit à la perte d'autonomie le champ des motifs susceptibles de fonder une discrimination. L'âge et le handicap figurant déjà parmi ces motifs, le Défenseur des droits considère qu'en l'état, cet ajout n'améliore pas le droit actuel, la perte d'autonomie étant un handicap généralement lié à l'âge. Nous vous proposerons donc de supprimer cette disposition.
Le projet de loi améliore le cadre juridique applicable à l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans ses différents modes d'exercice, en généralisant à l'article 26 le document individuel de prise en charge des majeurs (DIPM) à l'ensemble des mandataires et en créant à l'article 27 une nouvelle procédure d'agrément des mandataires individuels sur appel à candidatures. Inséré par l'Assemblée nationale, l'article 26 bis rend incompatibles l'exercice des fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre indépendant et en tant que délégué d'un service. Ce dispositif est bienvenu, le cumul pouvant mettre en danger la continuité de la prise en charge. Une rédaction alternative éviterait cependant plusieurs écueils du dispositif proposé et garantirait sa conformité aux règles constitutionnelles.