Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 10 mars 2015 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 19 et 20 mars 2015

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, après en avoir enrichi l’article 1er d’un alinéa rappelant la nécessité de contribuer à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie. Hasard du calendrier, cette préoccupation figure en tête de l’ordre du jour du prochain Conseil européen.

Comme vous le savez, mes chers collègues, les questions énergétiques ont été au fondement du projet européen, avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier puis le traité Euratom sur l’énergie. Plus d’un demi-siècle plus tard, on évoque donc plus concrètement la nécessité de bâtir une véritable Union européenne de l’énergie.

En effet, si l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne vise la politique énergétique, les déclarations et les initiatives en la matière ne se multiplient que depuis quelques années. Sans être totalement absent des débats européens, le problème de l’énergie a été jusqu’à présent traité sous l’angle de la dérégulation des marchés. Or, aujourd’hui, c’est davantage l’idée d’une convergence qui fait son chemin : c’est là, selon nous, un progrès.

Le 5 février dernier, le Président de la République a déclaré qu’il fallait construire une Europe énergétique. De même, le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est exprimé en ce sens à plusieurs reprises depuis sa prise de fonction.

Le RDSE, attaché à l’approfondissement de l’intégration européenne, se réjouit de cet intérêt renforcé pour la mise en place d’une politique énergétique commune.

Je rappelle que l’Europe consomme un cinquième de l’énergie produite dans le monde, alors qu’elle ne dispose que de peu de réserves propres. Notre dépendance aux importations en provenance des pays de l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, et de la Russie constitue une véritable faiblesse.

L’Union européenne se trouve confrontée au défi de s’organiser pour garantir son approvisionnement, de s'assurer l’accès à une énergie à un tarif compétitif pour favoriser sa croissance et d’améliorer les réseaux énergétiques.

Bien sûr, je n’oublie pas l’enjeu environnemental, mais celui-ci ne peut pas demeurer le seul ressort de notre politique énergétique. De surcroît, l’Union européenne a souscrit des engagements pour 2020 et 2030, que la France a déclinés au travers du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Les objectifs du paquet énergie-climat seront d’ailleurs rediscutés lors de la COP 21. Tout cela est très bien, mais la politique énergétique européenne ne doit pas se borner à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qu’elles émanent ou non des vaches… §Comme je le disais, l’Europe doit sécuriser son approvisionnement énergétique et, pour cela, mettre en œuvre une stratégie de construction d’un véritable marché européen de l’énergie assorti de réseaux énergétiques modernes interconnectés. La recherche technologique et l’innovation doivent être davantage encouragées.

Naturellement, une telle coordination ne va pas de soi, tous les États membres n’ayant pas les mêmes intérêts. En France, nous avons développé l’énergie d’origine nucléaire, ce qui rend notre pays moins dépendant, par exemple, que la Pologne, qui importe presque tout son pétrole de Russie. Ajoutons à cela que les sensibilités à l’égard de telle ou telle énergie varient d’un pays à l’autre. On le constate depuis longtemps pour l’énergie nucléaire et on le voit aujourd’hui pour l’exploitation du gaz de schiste, plus ou moins bien acceptée.

Si l’on ne peut que souhaiter, bien sûr, le développement des énergies renouvelables, l’Europe dispose du plus grand espace maritime au monde, et donc d’un potentiel d’exploitation sous-marine qu’il ne faudra pas non plus négliger.

La consommation en hausse des Européens – et donc notre dépendance accrue à l’égard de l’extérieur – ne nous laisse pas d’autre choix que de faire valoir nos intérêts communs pour garantir à l’Union européenne un approvisionnement stable. Les États membres qui importent de Russie une large part de leur énergie craignent à juste titre pour leur sécurité énergétique quand la situation géopolitique se dégrade…

Cela m’amène à aborder brièvement un autre point de l’ordre du jour du Conseil européen : nos relations avec la Russie dans le contexte de la crise ukrainienne.

En prenant différentes initiatives depuis février 2014, l’Union européenne a pris la mesure de l’implication de la Russie dans la crise ukrainienne, ce qui est une bonne chose. Je salue à cet égard la démarche franco-allemande ayant abouti aux accords de Minsk 2. Certes, ces accords sont fragiles, mais le cessez-le-feu se met timidement en place. Tout au long de la crise, l’Union européenne a adopté un régime de sanctions à l’encontre de la Russie. Comme l’a indiqué l’Élysée la semaine dernière, une réaction serait nécessaire « en cas de rupture majeure » dans l’application des accords de Minsk.

Je partage cette position, et je me félicite que le Conseil européen informel de Riga n’ait pas proposé de nouvelles sanctions économiques contre la Russie. On peut toutefois s’inquiéter de l’existence de divergences entre les États membres, certains d’entre eux préconisant d’armer l’Ukraine. Il faudrait absolument pouvoir parler d’une seule voix.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors du débat sur le projet de loi relatif à l’accord d’association avec la Moldavie, nous devons tout faire pour contenir les tensions avec la Russie. Dans cette optique, nous devons mener une politique de voisinage raisonnable à l’est de l’Europe, car la Russie ne cèdera pas quant à sa volonté de créer une sorte de « cordon sanitaire » la séparant de l’OTAN sur sa frontière occidentale. Il faut tenir compte de cette volonté, illustrée, hélas ! par les cas de la Transnistrie et de la Crimée.

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire au nom du RDSE.

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