Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 10 mars 2015 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 19 et 20 mars 2015

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre fidélité à ce rendez-vous du débat préalable au Conseil européen, qui est pour notre assemblée l’occasion de faire le point sur les questions qui seront évoquées lors de ce dernier et de mettre les choses en perspective.

Le prochain Conseil européen portera sur les trois questions suivantes : la construction d’une Union de l’énergie, les relations entre l’Union européenne et la Russie au regard de la situation en Ukraine et le semestre budgétaire européen. Sur ces sujets, je formulerai quelques observations au nom du groupe UDI-UC, avec la liberté de ton qui est de règle dans notre assemblée.

La Commission européenne et la Banque centrale européenne font preuve depuis plusieurs mois d’un véritable activisme, qui mérite d’être salué, en faveur de la reprise économique. Pour sa part, la France se retrouve, comme en 2013 et en 2014, placée face à ses contradictions, dans la mesure où elle a les plus grandes difficultés à mettre en place des réformes structurelles pourtant incontournables.

Monsieur le secrétaire d’État, dans quelles conditions la France abordera-t-elle la prochaine réunion du Conseil européen ? S’agit-il de gagner du temps, en « surfant » sur une conjoncture plus favorable, ou de prendre sa part des efforts visant à la reprise économique, à l’instar de la Commission et de la BCE ?

J’évoquerai maintenant les recommandations faites par la Commission européenne à notre pays.

La France fait face à un triple déficit, budgétaire, commercial et au regard du marché du travail. Je fais ici allusion non seulement à notre taux de chômage, tout à fait considérable à l’échelle européenne, mais aussi au nombre d’heures de travail : de nombreuses études font apparaître que la durée du travail est moindre en France qu’en Grande-Bretagne ou en Allemagne, pour ne citer que nos principaux partenaires.

Plusieurs délais successifs ont été accordés à notre pays pour respecter les objectifs européens. Il nous est aujourd’hui demandé de ramener notre déficit public à 2, 8 % du PIB en 2017. Des efforts nous sont également demandés afin de réduire de 0, 8 % en 2016 et de 0, 9 % en 2017 notre déficit structurel. Il serait d’ailleurs opportun, à mon sens, de faire preuve de pédagogie à l’égard de nos concitoyens sur la notion de déficit structurel.

Nous sommes actuellement très loin de ces objectifs, ce qui amène ma deuxième question : monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement envisage-t-il d’opérer la correction pluriannuelle qui lui est demandée ? Alors qu’il prévoyait initialement 50 milliards d’euros d’économies, la Commission européenne préconise un effort supplémentaire de 30 milliards d’euros. La situation est d’autant plus inquiétante que, sur les 50 milliards d’euros d’économies annoncées en avril 2014 au travers du pacte dit « de responsabilité », près de 30 milliards d’euros ont vocation à permettre de financer une diminution des charges sociales pour améliorer la compétitivité de notre pays. Je peine donc à concevoir comment on peut intégrer cette somme à notre effort d’économies. Comment le Gouvernement compte-t-il procéder pour respecter les objectifs fixés à l’échelon européen ?

Pour ne pas être discourtois, je ne reviendrai pas sur ce que j’appellerai la « première génération » de réformes structurelles. Je n’évoquerai donc pas la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques d’octobre 2012, ni l’accord national interprofessionnel de janvier 2013, dont on nous avait pourtant dit grand bien. Quant aux effets du CICE, les avis sont assez divergents.

Je m’attacherai davantage à la seconde génération, donc à la manière dont notre pays dégagera les 50 milliards d’euros d’économies budgétaires annoncés et mènera des réformes de structures. Nous examinerons à partir du 9 avril prochain le projet de loi dit « Macron » : nous nous interrogeons fortement sur la contribution que ce texte pourra apporter à la restauration de la compétitivité de notre pays ou à la décongestion du marché du travail.

Pour être objectif, je dois dire que je vous apporte, monsieur le secrétaire d’État, un soutien tout particulier pour ce qui concerne le décompte des dépenses militaires pour le calcul du déficit public de notre pays. Que le président de la Commission, M. Juncker, évoque la mise en place d’une défense européenne ne me choque pas, au regard des contraintes en matière d’efficacité et des logiques stratégiques, qui relèvent indiscutablement, à mes yeux, du cadre européen. En revanche, je considère comme peu convenable que la plupart des pays d’Europe se satisfassent aujourd'hui de vivre sous la protection de l’OTAN, d’une part, et de la Grande-Bretagne et de la France, d’autre part. Il ne me choquerait donc pas que, au titre des « pistes comptables » qui ont été évoquées, les dépenses liées aux opérations extérieures que nous menons ou à l’entretien de notre outil de défense soient exclues du calcul de notre déficit budgétaire, ces dépenses profitant également aux autres pays européens. Quel est votre sentiment à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ? Pensez-vous que nous pourrons tenir nos engagements européens par le biais d’une simple régulation budgétaire, ou faudra-t-il élaborer une loi de finances rectificative ?

J’avais prévu d’évoquer les distorsions, en termes de taux de croissance, entre la France et les autres pays européens. Mon propos, monsieur le secrétaire d’État, vise essentiellement à briser le cercle des faux-semblants et à demander que notre pays, comme d’autres l’ont fait, prenne des mesures fortes.

Enfin, la situation en Libye et les relations avec la Russie et l’Ukraine figurent également à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Notre groupe compte, avec M. Pozzo di Borgo, un véritable spécialiste des questions internationales et de leurs liens avec les politiques énergétiques. Lors d’un prochain débat, il aura l’occasion de faire le point sur ces sujets, en particulier sur la mise en œuvre des accords de Minsk 2.

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