Intervention de Michèle André

Réunion du 10 mars 2015 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 19 et 20 mars 2015

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 19 et 20 mars sera largement consacré aux relations entre l’Europe et la Russie et à la situation en Ukraine, un mois environ après les accords de Minsk 2.

À titre personnel, je considère que la manière dont les Européens vont gérer le dossier ukrainien sera déterminante pour l’avenir de l’Europe politique et pour l’équilibre de notre continent.

En tant que présidente de la commission des finances, j’observe que l’évolution de la crise ukrainienne constitue un aléa important pour la croissance en Europe en 2015.

Dans ses prévisions économiques de cet hiver, la Commission européenne relève que l’impact économique des sanctions contre la Russie et des « contre-sanctions » pourrait être plus important que prévu, en particulier si les sanctions sont appliquées plus longtemps que ce que l’on pouvait envisager au départ.

La crise ukrainienne nous affecte négativement, car elle pèse sur la confiance des acteurs européens. Elle pèse sur les échanges en raison de cette perte de confiance, mais aussi du fait des sanctions mises en œuvre de part et d’autre. Les exportations vers la Russie et l’Ukraine sont pénalisées. Cela affecte en particulier les pays de l’Est, plus dépendants de ces marchés, mais nous sommes aussi atteints, comme le ressentent durement nos agriculteurs, alors que les soutiens annoncés par l’Union européenne n’auraient pas tous été mis en place.

La crise ukrainienne pèse aussi sur l’investissement, en particulier sur les flux d’investissements étrangers vers les pays voisins de la Russie et de l’Ukraine.

À l’heure où l’Europe souffre d’un manque d’investissements et où elle tente de les relancer en créant un fonds européen pour les investissements stratégiques dans le cadre de ce que l’on appelle le « plan Juncker », cette situation est pénalisante. On comprend donc que le débat sur le devenir des sanctions imposées à la Russie, qui arrivent à échéance en juillet, sera essentiel. Plusieurs États ont fait savoir dans quel sens ils tenteraient de peser sur la discussion. Il nous serait précieux, monsieur le secrétaire d'État, de savoir dans quel état d’esprit le Gouvernement abordera ce débat.

La situation en Ukraine a également une incidence sur l’autre grand sujet inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen : l’Union européenne de l’énergie.

Notre préoccupation immédiate est la sécurité de notre approvisionnement énergétique en gaz dans le cadre de notre partenariat stratégique avec l’Ukraine, mais la crise ukrainienne a aussi mis en évidence la nécessité d’une solidarité énergétique européenne. La France y prend toute sa part en développant ses capacités d’interconnexion avec ses voisins. Notre pays et l’Italie souhaitent que l’interconnexion électrique à travers le tunnel du Fréjus puisse être financée dans le cadre du plan Juncker. Divers projets électriques et gaziers sont également en cours avec l’Espagne et ont été évoqués à l’occasion du récent sommet trilatéral entre la France, l’Espagne et le Portugal.

Au-delà des principes, il faudra évoquer la question des financements, puisque les investissements nécessaires à la mise en œuvre des orientations présentées le 25 février par la Commission européenne sont estimés à 1 000 milliards d’euros sur cinq ans.

Cela me conduit à évoquer le dernier point inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen de mars, qui marque la fin de la première phase du semestre européen.

Après avoir pris connaissance des travaux conduits depuis novembre par la Commission, le conseil Ecofin et le Parlement européen, les chefs d’État ou de Gouvernement vont adopter des orientations de politique économique, sur la base desquelles les États devront, en avril, présenter leurs projets en matière de finances publiques, dans le cadre de leur programme de stabilité, et de réformes structurelles, au titre de leur programme national de réformes.

Avec la situation en Ukraine et les discussions en cours depuis les élections en Grèce, les États membres, ceux appartenant à la zone euro en particulier, se sont trouvés confrontés, au cours de la première phase du semestre européen, à des défis historiques qui ne pourront être relevés qu’à condition de proposer une politique économique cohérente et tournée vers la croissance.

C’est à cette fin que des recommandations spécifiques sont adressées à chacun des pays, pour faire en sorte qu’ils avancent tous dans la même direction.

S’agissant de la France, ces recommandations sont d’abord formulées dans le cadre de la procédure de correction des déficits excessifs prévue par le pacte de stabilité et de croissance.

Comme elle l’avait annoncé le 28 novembre 2014 à l’issue de la procédure d’examen des projets de plans budgétaires instituée par le Two-Pack, la Commission européenne a arrêté sa position concernant la situation budgétaire de la France le 27 février dernier.

Elle a recommandé au Conseil de reporter de deux années l’échéance pour la correction du déficit excessif de notre pays, soit jusqu’en 2017.

Cette proposition a, de toute évidence, été favorablement accueillie par nos partenaires européens. J’en veux pour preuve que, au cours du déplacement que j’ai effectué à Berlin la semaine passée avec le rapporteur général de la commission des finances et le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la totalité de nos interlocuteurs allemands nous ont indiqué que le report du délai de correction était justifié, en particulier dans la perspective d’un rétablissement de la confiance en France, qui profiterait à l’ensemble de l’Europe.

Demain, le vice-président de la Commission européenne chargé de l’euro et du dialogue social présentera, lors d’une audition ouverte à tous les sénateurs, la recommandation de la Commission au Conseil sur le budget de la France.

Des recommandations nous sont également adressées dans le cadre de la procédure, plus récente, dite de « correction des déséquilibres macroéconomiques ».

Dans ses conclusions rendues publiques le 27 février, la Commission européenne souligne l’importance que revêtira le prochain programme national de réformes de la France et indique que c’est en mai prochain qu’elle décidera ou non d’engager le volet correctif de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, qui, je le souligne, peut aboutir à des sanctions financières.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, vous serait-il possible de nous apporter des précisions quant à cette échéance du mois de mai et au déroulement de cette procédure ?

Plus que jamais, nos procédures budgétaires nationales et les procédures européennes sont imbriquées. Le Parlement français sera destinataire, dans les prochaines semaines, des projets de programme de stabilité et de programme national de réforme. Le Haut Conseil des finances publiques statuera, en vue de l’examen du projet de loi de règlement, sur le respect par la France de sa trajectoire de solde structurel et sur la nécessité ou non de déclencher le mécanisme de correction automatique. Il nous faudra ensuite examiner les orientations budgétaires pour 2016.

Parallèlement, la Commission européenne étudiera les projets de programme de stabilité, ainsi que les programmes nationaux de réforme, et adressera au Conseil une « recommandation de recommandation » à la France et aux autres États membres.

Tout cela est complexe, et si nous voulons que cette construction conserve un sens, que l’Europe reste notre amie, nous avons besoin d’y voir clair sur les étapes et les enjeux. C’est pourquoi je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses et des éclaircissements que vous pourrez nous apporter.

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