Intervention de Harlem Désir

Réunion du 10 mars 2015 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 19 et 20 mars 2015

Harlem Désir :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions.

En ce qui concerne l’Union de l’énergie, nous partageons tous, le débat l’a montré, les mêmes priorités : faire en sorte que cette nouvelle étape dans la construction européenne permette de répondre aux enjeux en matière d’indépendance énergétique et de sécurité d’approvisionnement, mais aussi de lutte contre le changement climatique, qu’elle soit un moteur pour l’innovation, l’investissement, qu’elle permette d’atteindre un certain nombre d’objectifs sociaux.

S’agissant de la protection des consommateurs, ou plus précisément de la lutte contre la précarité énergétique, angle sous lequel M. Sutour a abordé cette question, nous considérons que cet élément doit effectivement être pris en compte au titre de la politique de l’énergie : il ne relève pas seulement de la politique sociale, comme d’aucuns le pensent peut-être. Par conséquent, nous serons attentifs à garantir un accès à l’énergie à un coût abordable. Cela est d’ailleurs important aussi pour l’économie. À cet égard, M. Bizet a bien souligné la contribution qu’apporte l’énergie nucléaire à la compétitivité de notre pays. Nous veillerons donc au maintien des tarifs réglementés. Ceux-ci ne doivent pas, pour autant, entraver la mise en place d’un marché intérieur de l’énergie, laquelle, réciproquement, ne doit pas nous faire oublier que l’énergie n’est pas un bien comme les autres et que tous les citoyens doivent y avoir accès.

Plusieurs d’entre vous ont souligné la nécessité de pouvoir mobiliser le Fonds européen pour les investissements stratégiques, afin de pallier le sous-investissement actuel et de soutenir nos ambitions, en matière d’interconnexion notamment. Ce sera un facteur important de la réussite de l’Union de l’énergie.

M. Billout a également insisté sur la nécessité d’être attentifs, en termes de gouvernance et d’organisation du marché de l’énergie, à ne pas remettre en cause des mécanismes qui sont indispensables, sur le plan social ou pour des raisons de diversification du bouquet énergétique.

Concernant le semestre européen, je souligne à nouveau que la recommandation de la Commission qui a été adoptée aujourd’hui par le conseil Ecofin est convergente avec notre propre stratégie budgétaire. Nous respecterons nos engagements. Dans cette perspective, nous menons un dialogue et un travail permanents avec la Commission européenne, car nous sommes parfaitement conscients de nos responsabilités et du fait que notre situation économique a une incidence sur l’ensemble de la zone euro et sur le fonctionnement de l’Union économique et monétaire.

Cela étant, il convient de prendre en compte la situation économique dans son ensemble. C’est pourquoi la Commission elle-même a introduit dans sa doctrine, au travers d’une communication qu’elle a publiée voilà quelques semaines, la notion de flexibilité, pour que la consolidation budgétaire, c’est-à-dire la baisse des déficits et le désendettement, ne vienne pas entraver la mise en œuvre de l’objectif de soutien à la croissance. En effet, in fine, c’est aussi la meilleure contribution que chaque pays peut apporter à la bonne santé de la zone euro que de s’assurer que la croissance redémarre en son sein.

Aujourd’hui, la croissance est en train de repartir en Europe. La Commission européenne, le Fonds monétaire international ou l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, sont d’accord pour considérer que les politiques d’austérité, de restriction budgétaire trop marquées ont un effet négatif sur l’activité économique. La Commission européenne prend donc en compte cet élément dans ses prévisions de croissance, et notre dialogue avec elle porte sur les conditions à réunir pour ramener notre déficit public en dessous de 3 % en 2017 sans pour autant freiner la croissance, qui est en passe de repartir en France.

La loi de finances de 2015 a été bâtie sur une prévision de croissance de 1 %, qui coïncide avec celle de la Commission européenne, d’autres instances étant même plus optimistes. Par conséquent, cette hypothèse nous semble solide, et nous espérons pouvoir conforter encore cette tendance à la reprise, sachant que, en 2014, la croissance a été de 0, 4 %.

Nous remettrons à la Commission avant même la date butoir du 10 juin prochain le rapport exposant de quelle façon nous réaliserons un effort supplémentaire de réduction de 0, 2 % de notre déficit structurel pour l’année 2015, afin de diminuer celui-ci de 0, 5 % au total, au lieu de 0, 3 % comme initialement prévu. Le ministre des finances l’a dit, nous serons présents au rendez-vous, nous ferons cet effort supplémentaire ; je réponds par là même à la question de Mme la présidente de la commission des finances.

Nous sommes tout à fait déterminés à atteindre cet objectif, ainsi qu’à mener les réformes de structures qui permettront de moderniser le fonctionnement de notre économie, de notre administration, de nos collectivités locales, de notre marché du travail, afin de renforcer notre compétitivité.

La réforme territoriale que nous avons engagée s’inscrit dans cette perspective. Le Parlement a adopté la nouvelle carte des régions. Aujourd’hui même, l’Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Nous avançons par ailleurs sur la simplification des normes, ainsi que sur une forme de libéralisation de certains secteurs de notre économie, avec le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Nous progressons également dans l’amélioration de certains aspects de l’organisation du marché du travail et de la vie sociale au sein des entreprises. Ainsi, la conclusion de l’accord national interprofessionnel, évoqué par M. Bonnecarrère, est largement considérée, me semble-t-il, comme un progrès en matière de négociations dans les entreprises confrontées à des restructurations. En outre, un texte relatif au dialogue social sera prochainement présenté par François Rebsamen.

Nous sommes tout autant déterminés à réduire les prélèvements obligatoires et la dépense publique, mais nous voulons y parvenir en maintenant un haut niveau de solidarité et de services publics, les Français y étant attachés. Au demeurant, il est nécessaire, y compris pour garantir l’avenir économique de notre pays, d’investir dans l’éducation, de préserver un système de santé qui demeure l’un des meilleurs du monde, mais qui peut sans doute être organisé pour fonctionner à coûts moindres : c’est tout l’enjeu des réformes en cours.

Nous pensons donc qu’il est possible de réduire la dépense publique et d’engager des réformes de structures sans casser le modèle social et républicain auquel nos compatriotes sont attachés. C’est dans cet esprit que nous dialoguons avec la Commission européenne et avec nos partenaires de l’Union.

Je rappelle que l’Europe était là, à Paris, dans la rue, le 11 janvier, aux côtés des Français, aux côtés du Président de la République, pour exprimer sa solidarité, pour dire que nous ne céderions pas, que nous ne nous laisserions pas intimider par la terreur, mais aussi que nous défendrions notre modèle de société. Or, au cœur des valeurs qui structurent ce modèle, figurent à la fois la liberté d’expression, la solidarité et la cohésion sociale.

Aujourd’hui, malgré les divergences qui se font jour, le débat sur la situation de l’Union économique et monétaire va de pair avec la conscience qu’il est tout à fait légitime, pour chacun des pays membres, de mener les réformes permettant d’améliorer sa situation économique et de préserver ce modèle de société. Ce dernier forme la base même de la construction européenne. C’est un modèle de liberté, mais c’est aussi un modèle de solidarité.

J’en viens aux questions internationales et, tout d’abord, à la défense.

Le président de la Commission européenne a employé une expression audacieuse et forte, parlant d’« armée européenne ». Pour notre part, nous considérons qu’il faut commencer par faire progresser la défense européenne et la politique de sécurité et de défense commune. Vous le savez, nous agissons en ce sens en travaillant à renforcer très concrètement les outils de l’unité européenne dans le domaine de la défense.

Nous devons, en effet, faire en sorte que les besoins de sécurité de l’Europe, ainsi que les devoirs qui sont les siens en la matière, soient exercés et assumés collectivement. Plusieurs orateurs l’ont souligné : chaque État membre doit prendre sa part. On ne peut faire reposer les efforts de défense, y compris les interventions armées qui sont parfois nécessaires, sur un ou deux pays seulement.

Parallèlement, nous nous employons à la mise en œuvre d’outils collectifs. Tel était l’objet des discussions du Conseil européen de décembre 2013, au terme duquel des orientations concrètes ont été fixées et regroupées en trois volets : l’efficacité de la politique de sécurité et de défense commune, le renforcement des capacités en matière de défense et le soutien à l’industrie de défense.

Premièrement, pour ce qui est de l’efficacité, nous avons engagé des travaux en vue de réformer le système de financement des opérations extérieures, connu sous le nom de mécanisme Athena. Ces opérations représentent un coût extrêmement important, lequel n’est, pour l’heure, supporté que par quelques États membres, en particulier la France. Nous souhaitons qu’un certain nombre de dépenses liées à ces opérations puissent être mutualisées à plus grande échelle.

Cette mutualisation ne se confond pas avec la possibilité de décompter les dépenses de défense des déficits structurels, mais elle procède malgré tout du même constat ; il est clair que, si certains États assument seuls ces charges, leurs dépenses publiques et leur déficit finiront par en être affectés. C’est pourquoi il faut augmenter la part de ces dépenses qui peut être assumée par le budget européen, donc par l’ensemble des pays membres.

Deuxièmement, au titre des capacités, nous souhaitons accélérer la mise en commun des efforts, en particulier avec l’Agence européenne de défense, l’AED, et via la programmation d’un certain nombre de grands projets nécessitant des investissements communs. Je songe au drone européen de défense ou encore à la flotte d’avions ravitailleurs.

À cet égard, nous demandons à tous les États membres de respecter l’objectif qui a été fixé : réserver 2 % de leur PIB à la défense en consacrant 20 % de cet effort aux équipements et à la recherche et développement. Les États de l’Union européenne membres de l’OTAN ont d’ailleurs pris cet engagement dans le cadre de cette organisation.

Troisièmement, s’agissant du volet industriel, nous souhaitons accroître le soutien apporté à la recherche et développement. Nous tenons en outre à faciliter l’accès aux financements pour les PME du secteur de la défense.

À propos du sommet de Riga, je tiens à confirmer l’importance de la distinction, soulignée par M. Bizet, entre la politique de voisinage et la politique d’élargissement : il ne doit pas y avoir de confusion à cet égard !

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