Effectivement, les tribunaux ont prononcé quelques condamnations. Mais ce qui est, avant tout, très important, c'est la consécration d'un délit de violences et de harcèlement psychologiques. J'avais d'ailleurs été amené à défendre cette idée devant l'Assemblée nationale, alors même que la Chancellerie, comme la plupart des magistrats de la chambre criminelle et des syndicats de magistrats, alléguaient la trop grande complexité de l'application de ce délit. Or le délit de harcèlement psychologique existait déjà dans le cadre de l'entreprise. Dès lors qu'il était possible d'engager des poursuites dans ce cadre - poursuites que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de diligenter en tant que procureur - pourquoi faire obstacle à leur mise en oeuvre dans la sphère privée ? En effet, l'entreprise se caractérise par des rapports hiérarchiques : des pressions peuvent être exercées sur les témoins. Malgré ces grandes difficultés, nul ne se hasarde aujourd'hui à remettre en cause le principe de harcèlement psychologique.
Pourquoi cette opposition à la transposition de ce principe dans la sphère privée ? Les violences psychologiques, certes, sont plus difficiles à établir que des violences physiques. Toutefois, les témoignages périphériques (les amis et les voisins par exemple) peuvent toujours être recueillis. De même, les messages d'insultes échangés entre les parties ainsi que les certificats réalisés par des psychologues ou des psychiatres peuvent permettre d'établir le délit. S'il reste difficile à mettre en oeuvre, un tel instrument est néanmoins indispensable. Tout d'abord, symboliquement, parce qu'il rappelle que les violences psychologiques sont autant des violences que les violences physiques. Ensuite, concrètement, parce que les violences psychologiques mènent souvent à des violences physiques.