Intervention de Luc Frémiot

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 janvier 2015 : 1ère réunion
Violences conjugales — Audition de M. Luc Frémiot avocat général à la cour d'appel de douai

Luc Frémiot, avocat général à la cour d'appel de Douai :

Je n'ai pas abordé le sujet de l'alcool parce que je veux sortir de l'image qui consiste à penser que tous les auteurs de violence sont forcément alcooliques. S'agissant des problèmes de divorce que vous évoquiez, on note que, de plus en plus, des pères se mobilisent par l'intermédiaire d'associations car ils s'estiment pénalisés par rapport aux mères lors des divorces. Il est aujourd'hui facile de manipuler l'opinion par le biais des réseaux sociaux mais je pense que les magistrats doivent rester « droits dans leurs bottes ».

Un pédopsychiatre m'a demandé un jour : « De quoi, selon vous, un enfant a-t-il le plus besoin ? ». Contrairement à ce que je pensais, la réponse n'était pas l'amour, mais la protection. Le droit de garde doit être confié en fonction de ce critère principal, ce qui pourrait peut-être rendre de plus en plus difficiles les gardes alternées à l'avenir. Le nouveau statut revendiqué aujourd'hui par les pères n'est parfois qu'une fiction : je ne suis pas persuadé que les choses aient véritablement changé dans le fond. Certes, les pères bénéficient d'un ensemble de jours de congés, en particulier au moment de la naissance de l'enfant, mais cela n'est pas suffisant pour que la structure familiale en soit profondément modifiée.

La prudence est de mise en matière de garde. À cet égard, ce même pédopsychiatre m'avait alerté sur le fait que des IRM pratiquées sur des nourrissons exposés à des violences familiales montrent les effets de la sécrétion, en cas d'angoisse, d'une hormone qui s'appelle le cortisol. Ces dégâts sont très importants sur le plan psychologique et physiologique.

Dans un ouvrage intitulé « Voulons-nous des enfants barbares ? Prévenir et traiter la violence extrême », le professeur Maurice Berger remet en cause divers poncifs auxquels tient pourtant l'institution judiciaire :

- le premier grand principe relève de la croyance selon laquelle un mari violent peut être aussi un bon père : c'est un non-sens ;

- le deuxième grand principe consiste à affirmer que le maintien du lien serait indispensable entre les enfants et les parents, quel que soit le contexte. Même si les enfants ont fait l'objet de violences terribles, les juridictions refusent encore de prononcer la déchéance de l'autorité parentale.

Il faut donc à mon avis remettre en cause ces certitudes.

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