Le débat que nous avons eu à l'Opecst est, je pense, une première en France. Il nous permet de prendre conscience que la vaccination n'est pas seulement un fait scientifique mais qu'elle est également un fait social. Si l'on néglige cela et si l'on ne rétablit pas la confiance dans la vaccination aucune action ne permettra d'augmenter la couverture vaccinale. Ce débat a également lieu en Allemagne suite à l'épidémie de rougeole à Berlin. Les débats sur les pistes pour l'avenir ont donné lieu à des échanges également divergents, qu'il s'agisse de la pertinence d'un moratoire ou de la recherche d'alternatives aux adjuvants.
La profondeur de ces divergences plaide fortement en faveur du développement des recherches, sur lequel, comme on le verra, un consensus s'est dégagé.
Sur le premier point concernant la pertinence de l'instauration du moratoire, il m'apparaît nécessaire de procéder à une analyse sans concession des bénéfices et des risques et non de justifier simplement le refus d'un tel moratoire, en invoquant les risques considérables qui pourraient résulter d'un arrêt de la vaccination, de l'absence de preuves suffisantes pour arrêter tel ou tel vaccin ou encore de la résurgence éventuelle de maladies à court terme.
Quoi qu'il en soit, j'estime que l'exemple des autorités japonaises, cité lors de l'audition publique par le Pr Yehuda Shoenfeld, mérite d'être pris en considération. En effet, sans, semble-t-il, avoir remis en question le rapport bénéfice-risque du vaccin contre le papillomavirus, les autorités japonaises ont décidé, en 2013, de suspendre cette vaccination par précaution, en raison de près de 2 000 cas d'effets indésirables sur plus de trois millions de jeunes filles vaccinées. La question de l'âge recommandé pour la pratique de cette vaccination est en effet soumise à une étude supplémentaire.
Quant aux alternatives aux adjuvants, il importe, là aussi, d'adopter une position volontariste.
En effet, il existe des vaccins ne comportant pas d'adjuvants, comme le vaccin contre la dengue ou, dans le passé, le DTP. S'agissant du DTP, Sanofi a toutefois cessé la commercialisation du vaccin non adjuvé, en accord avec l'Afssaps, du fait d'effets secondaires, à savoir des réactions allergiques dont la survenue n'a pu être expliquée, selon la déclaration du Dr Alain Sabouraud, représentant de Sanofi-Pasteur. Or, comme des représentants d'associations de malades, on est fondé à déplorer une telle déclaration, parce qu'elle met de nouveau l'accent sur l'insuffisance de la recherche.
Pour ce qui est du phosphate de calcium, il a servi de substitut aux sels d'aluminium dans les années 60. Selon Sanofi, il a cessé d'être utilisé parce que les résultats en ont été variables et même contradictoires.
En revanche, pour M. Didier Lambert, président de l'association Entraide aux malades de la myofasciite à macrophages (E3M), c'est lors de l'achat des vaccins Pasteur par Mérieux que ce dernier a décidé de recourir très rapidement aux sels d'aluminium pour des raisons de rentabilité financière.
Un autre argument de nature économique a également été soulevé par le Pr Yehuda Shoenfeld. Ainsi a-t-il reproché aux laboratoires de ne pas investir suffisamment dans la recherche de nouveaux adjuvants par rapport aux recettes qu'ils tirent des vaccins.
A cet égard, l'invocation de la très longue durée des études nécessaires pour remplacer les adjuvants chimiques ne doit-elle pas céder devant l'impératif justement évoqué par le Pr Shoenfeld de trouver des pistes additionnelles pour empêcher les infections ?
De telles observations ne devraient pas être écartées, à l'heure où nous avons assisté à la propagation du virus Ebola.
Malgré cet ensemble de divergences, un consensus a pu s'établir sur les recommandations suivantes.
Tout d'abord, intensifier les recherches.
Plusieurs raisons justifient un tel objectif. Comme l'a indiqué le Pr Hervé Bazin, professeur émérite à l'Université de Louvain, nos connaissances sur la vaccination sont insuffisantes. On ne connaît pas parfaitement les mécanismes d'action des adjuvants, c'est pourquoi il importe de procéder à des études épidémiologiques fondées sur des cohortes. Enfin, la myofasciite à macrophages est vraisemblablement sous-diagnostiquée.
Deuxième point de consensus, financer la recherche, qui doit reposer sur une expertise indépendante.
Au cours de l'audition publique, les industriels ont fait valoir que la recherche sur les adjuvants était très active. Pour autant, de nombreux intervenants - certains professeurs et des représentants d'associations de malades - ont souhaité que cette recherche soit indépendante, c'est-à-dire, comme l'a rappelé Jean-Yves Le Déaut, qu'elle soit financée sur fonds publics. C'est d'ailleurs le cas de la recherche sur la myofasciite à macrophages, puisque le Pr Romain Gherardi s'est vu attribuer un crédit de 150 000 euros par l'Agence de sécurité du médicament.
Enfin, il est nécessaire d'améliorer l'efficacité du système d'alerte, notamment en encourageant les patients - au besoin à l'aide d'une campagne nationale d'information - à déclarer les effets indésirables qu'ils ressentent, sur le site de l'ANSM, la proportion de déclarations étant encore insuffisante.