Je ne sais pas quelle sera la réaction de la Commission européenne au rapport Reda. En février, la représentation permanente française m'a demandé de présenter mon rapport à Bruxelles et Mme Reda est intervenue, ainsi que M. Cavada. J'ai eu le sentiment que les thèses de Mme Reda n'étaient pas entendues, même si on me les a présentées comme raisonnables. Celle-ci n'en continue pas moins son travail et le Parlement européen va auditionner des personnalités allemandes hostiles au droit d'auteur. En revanche, si le président et le vice-président de la Commission européenne souhaitent cette révolution copernicienne que représentera l'abolition de la territorialité des droits, nous aurons une réforme... tonique.
Le débat n'est plus juridique : il est politique. À la ministre de convaincre d'autres États membres afin d'infléchir l'évolution qui s'annonce. Accompagner le mouvement apparaît en effet plus constructif. Il faut que la Commission comprenne qu'on ne peut régler les problèmes par des exceptions générales.
La présidence et la vice-présidence actuelles sont dans une logique du tout-consommateur. Un document illustrera bientôt cette tendance, qui manque tant de profondeur historique que de réalité technique. Bruxelles se refuse à voir que l'économie européenne est une économie de la connaissance. Pas plus qu'il n'est un frein pour celle-ci, le droit d'auteur n'entrave la circulation des idées. Je suis devenu enseignant parce que je crois au partage des connaissances ; je veux que mes concitoyens soient à égalité grâce au partage des connaissances.
Le droit d'auteur est né il y a trois siècles au Royaume-Uni afin d'inciter les hommes instruits à écrire des oeuvres utiles. La logique du copyright est d'inciter à l'enrichissement du patrimoine de l'humanité. Prétendre que le droit d'auteur est un frein à l'économie de la connaissance est un non-sens. Le droit d'auteur concerne aussi le droit du logiciel, des bases de données, de tous les outils de la société de l'information de demain. En le tuant, on supprime l'un des vecteurs de notre économie au profit d'opérateurs américains se comportant en cow-boys peu désireux de respecter nos règles. Je ne comprends pas que Bruxelles n'entende pas ce discours. Il est donc extrêmement important que vous soyez présents dans ce débat.