En outre, le fait qu’ils retardent la prise en charge de leurs problèmes de santé provoque à terme – cela a déjà été dit – un surcoût pour l’assurance maladie, leur état de santé étant beaucoup plus dégradé que s’ils avaient été traités plus en amont.
Les franchises médicales n’ont donc absolument pas réglé le problème du déficit de l’assurance maladie.
Elles n’ont d’ailleurs pas non plus amené les Français à moins consulter, comme le démontre le rapport remis sur le sujet en 2010 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé.
De plus, comme l’ont notamment rappelé nos collègues du groupe CRC, elles ont créé une injustice, contraire au principe fondateur de la sécurité sociale qui voudrait que l’on cotise à la sécurité sociale selon ses moyens pour être aidé ensuite selon ses besoins.
Les personnes qui ont le plus besoin de l’assurance maladie, celles qui sont les plus malades sont aussi celles qui paient chaque année le plus de franchises médicales. J’en veux pour preuve le fait que 42 % des recettes provenant de ces franchises sont supportées par des patients en affection de longue durée.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe écologiste du Sénat ne s’opposeront pas à cette proposition de loi.
Nous soutenons le principe d’un retour en arrière, s’agissant d’une mesure que nous avons combattue en 2007 et en 2008. Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence qu’il y a à agir en ce sens aujourd’hui, unilatéralement, étant donné le coût que la suppression des franchises et des participations forfaitaires représenterait pour les finances sociales.
Surtout, depuis 2008, les crises économiques, environnementales et sociales se sont considérablement amplifiées, et d’autres phénomènes très graves ont surgi.
Ainsi, de un à deux millions de personnes – ce sont là des données récentes publiées au titre de l’étude du fonds CMU à la fin de 2013– ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits à la CMU complémentaire, alors qu’elles sont a priori éligibles à ce dispositif. Ces dernières ne se posent donc même pas la question des franchises : elles se posent la question d’aller chez le médecin ! §Nous retrouvons ici le problème du renoncement aux soins.
De même, pour l’aide à la complémentaire santé, environ deux millions de personnes seraient victimes de cette difficulté. De surcroît, l’on ne connaît pas le nombre, à coup sûr très élevé, des bénéficiaires potentiels de l’aide médicale d’État, l’AME, qui, eux non plus, ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits.
Sans accès aux droits, il n’y a pas d’accès aux soins : nous le répétons depuis un certain nombre de mois. Il y a là, nous semble-t-il, un problème ultra prioritaire à résoudre.
S’y ajoute une autre question, sur laquelle nous insisterons beaucoup au cours des débats sur le projet de loi relatif à la santé : celle du nombre très élevé de personnes victimes d’affections liées à l’environnement. La réduction des causes de ces maux n’est encore que très peu prise en compte par notre système de santé, au regard des dégâts provoqués. C’est pourtant un enjeu de recherche essentiel.
Comprenez-nous bien : nous ne disons pas que le problème des franchises médicales n’est pas important. Nous considérons simplement que, au regard des marges de manœuvre très restreintes dont dispose aujourd’hui la France, nous aurions peut-être intérêt à doser nos efforts, à les concentrer et à mobiliser notre pays, à le mettre en mouvement sur l’essentiel.
À l’heure actuelle, les questions à notre avis ultra prioritaires en matière de santé, celles auxquelles il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir, sont les suivantes : l’explosion des inégalités, l’accès insuffisant aux droits en général et la faiblesse de nos politiques de prévention et de santé environnementale. À nos yeux, c’est à ces domaines qu’il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir. J’espère que la discussion du projet de loi relatif à la santé permettra d’aboutir positivement.
J’ai d’ailleurs déposé un amendement de repli visant, dans un premier temps, à exonérer des franchises et des participations forfaitaires les seules personnes souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD. Cette disposition serait moins ambitieuse que la proposition de loi, mais elle permettrait peut-être de se concentrer sur l’injustice la plus flagrante et de faciliter le consensus. Toutefois, Mme la rapporteur m’ayant demandé de retirer mon amendement, j’accéderai à sa demande, après avoir exposé ma proposition.
Quant à notre position définitive, nous la ferons connaître à l’issue de ce débat.