Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 9h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie hier, mercredi 11 mars 2015, a établi l’ordre du jour des séances du Sénat jusqu’au 6 mai.

L’ordre du jour de la présente semaine sénatoriale et de la semaine gouvernementale du 16 mars est inchangé, sous réserve d’un ajout, le 17 mars, l’après-midi, pour la désignation d’un secrétaire du Sénat en remplacement de notre très regretté collègue Claude Dilain.

L’ordre du jour des prochaines séances du Sénat est donc établi comme suit :

SEMAINE SÉNATORIALE (Suite)

Jeudi 12 mars 2015

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

1°) Proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues (262, 2014-2015)

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

2°) Débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap »

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe CRC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)

De 15 heures à 15 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur les services à la personne (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

De 16 heures à 20 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :

4°) Suite de la proposition de loi, renvoyée en commission, tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l’échange en matière de voies rurales, présentée par M. Henri Tandonnet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 318, 2014-2015)

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

5°) Débat sur l’avenir de l’industrie agroalimentaire

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe UDI-UC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 16 mars 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 21 heures :

- Projet de loi autorisant la ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 308, 2014-2015)

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 13 mars, à 17 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mardi 17 mars 2015

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Désignation d’un secrétaire du Sénat, en remplacement de Claude Dilain

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (texte de la commission, n° 323, 2014-2015)

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 16 mars, à 17 heures ;

- au jeudi 12 mars, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance les mardi 17 et mercredi 18 mars matin.)

Mercredi 18 mars 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

Jeudi 19 mars 2015

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 15 portant amendement à la convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (texte de la commission, n° 335, 2014-2015)

2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour les migrations portant sur l’exonération fiscale des agents de cette organisation qui résident en France (texte de la commission, n° 310, 2014-2015)

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe peut demander, au plus tard le mardi 17 mars, à 17 heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

3°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat ou nouvelle lecture

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 18 mars, à 17 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

4°) Suite du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

À 15 heures :

5°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À 16 heures 15 et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

6°) Suite de l’ordre du jour du matin

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

Mardi 24 mars 2015

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 998 de Mme Françoise Gatel transmise à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Lutte contre le phénomène d’invasion des frelons asiatiques

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 999 de Mme Brigitte Micouleau à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

Engorgement des tribunaux administratifs en matière de contentieux de l’urbanisme

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1008 de M. Patrick Abate à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Avenir de l’usine PSA de Trémery

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1012 de M. Antoine Lefèvre à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Schéma régional de cohérence écologique de Picardie

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1017 de M. Jean-Yves Roux à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Avenir du service d’aide médicale urgente des Alpes-de-Haute-Provence

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1021 de M. Alain Bertrand transmise à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Avenir de l’aérodrome de Mende-Brenoux

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1022 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Application de la loi ALUR en milieu rural

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1024 de M. Michel Billout à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Situation de la société Mitrychem

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1026 de Mme Dominique Gillot à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Prélèvement sur les fonds de roulement des universités

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1029 de Mme Laurence Cohen à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Inquiétudes sur les nouvelles trousses de prévention pour les usagers de drogue

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1031 de M. Mathieu Darnaud à Mme la ministre de la culture et de la communication

Nouvelles dispositions fiscales concernant les correspondants locaux de presse

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1033 de M. Jean-Pierre Bosino à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation du groupe hospitalier public du sud de l’Oise

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1040 de Mme Catherine Deroche à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Taxe foncière des commerces inoccupés

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1042 de M. Philippe Madrelle à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Enfouissement des voies ferrées à Sainte-Eulalie

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1043 de Mme Catherine Morin-Desailly à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Habitat adapté aux personnes adultes en situation de handicap psychique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1045 de M. Yannick Vaugrenard à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Restructuration de la raffinerie de Donges

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1048 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Lutte contre les mutilations sexuelles féminines

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1049 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de l’intérieur

Mise en œuvre des devis-modèles en matière funéraire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1054 de M. Jacques-Bernard Magner à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Comité professionnel de distribution de carburants

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

2°) Débat sur le thème : « Internet et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » (demande du groupe du RDSE)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe RDSE ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 23 mars, à 17 heures.)

À 16 heures :

3°) Débat sur l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence (demande du groupe CRC)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe CRC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 23 mars, à 17 heures.)

À 17 heures 30 :

4°) Question orale avec débat n° 10 de M. Joël Labbé à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur les risques inhérents à l’exploitation de l’huître triploïde (demande du groupe écologiste)

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 23 mars, à 17 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie de leur temps de parole pour répondre au Gouvernement.)

Mercredi 25 mars 2015

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 16 heures 15 :

- Débat sur l’influence de la France à l’étranger (demande du groupe UMP)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe UMP ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 24 mars, à 17 heures.)

SEMAINE SÉNATORIALE

Lundi 30 mars 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :

À 16 heures et le soir :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (texte de la commission, n° 698, 2013-2014)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 27 mars, à 17 heures ;

- au lundi 23 mars, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission spéciale se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 25 mars, en début d’après-midi.)

Mardi 31 mars 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Mercredi 1er avril 2015

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste et apparentés :

1°) Proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés (556, 2012-2013)

§(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 24 mars matin ; délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 mars, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 31 mars, à 17 heures ;

- au lundi 30 mars, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 1 er avril, le matin.)

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant ou d’un conjoint (127, 2011-2012)

§(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 25 mars matin ; délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 mars, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 31 mars, à 17 heures ;

- au lundi 30 mars, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 1 er avril, le matin.)

À 18 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Sous réserve de son dépôt, proposition de résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement (demande de la commission des lois et de la commission des affaires européennes)

§(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 25 mars matin ; délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 mars, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 31 mars, à 17 heures ;

- au lundi 30 mars, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 1 er avril, le matin.)

Jeudi 2 avril 2015

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe écologiste :

1°) Suite de la proposition de loi autorisant l’usage contrôlé du cannabis, présentée par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues (317, 2013-2014)

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques (269, 2014-2015)

§(La commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 25 mars matin ; délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 mars, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 1er avril, à 17 heures ;

- au lundi 30 mars, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 1 er avril, le matin.)

3°) Proposition de résolution pour un guide de pilotage statistique pour l’emploi présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste (325, 2014-2015)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 1er avril, à 17 heures.

Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.)

À 15 heures :

4°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 16 heures 15 :

5°) Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire (demande du groupe UMP)

La conférence des présidents a :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe UMP ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 1er avril, à 17 heures.)

À 17 heures 45 :

6°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (297, 2014-2015) (demande du Gouvernement)

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 1er avril, à 17 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 7 avril 2015

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 990 de Mme Dominique Estrosi Sassone à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Conséquences des procédures de rétablissement personnel de certains locataires pour les offices du parc social

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 997 de Mme Catherine Procaccia à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Dégroupage téléphonique abusif

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1005 de M. Daniel Chasseing à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Déchets verts en zone rurale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1011 de M. Antoine Lefèvre à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Pénurie de médecins généralistes

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1014 de M. Didier Marie à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Situation des lignes intercités Paris-Rouen-Le Havre

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1018 de Mme Hélène Conway-Mouret à Mme la ministre des outre-mer

Développement de la consommation touristique locale en Polynésie française

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1020 de M. Michel Billout à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Situation des auxiliaires de vie scolaire et accompagnants des élèves en situation de handicap en Seine-et-Marne

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1023 de M. Hervé Maurey à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique

Point d’étape sur le plan France Très haut débit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1027 de M. Gilbert Roger à M. le ministre de l’intérieur

Lieux de sépulture des « enfants sans vie »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1028 de M. Daniel Laurent à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Autoroute A 831 Fontenay-le-Comte - Rochefort

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1030 de M. Michel Raison à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Plan de relance autoroutier

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1032 de M. Jacques Genest à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Recrudescence des attaques de loups

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1034 de Mme Dominique Gillot à M. le Premier ministre

Fonds social européen et réinsertion par l’activité économique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1035 de Mme Françoise Gatel à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation du secteur adapté et de l’emploi des personnes handicapées

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1036 de M. Vincent Delahaye à M. le ministre de l’intérieur

Police municipale et procès-verbaux par timbre-amende

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1037 de Mme Nicole Bricq à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Établissement public d’insertion de la défense de Montry, Seine-et-Marne

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1039 de M. Thierry Foucaud à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Avenir de l’industrie papetière

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1046 de M. Michel Savin à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Vacataires de l’enseignement supérieur

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

- n° 1050 de Mme Élisabeth Doineau à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À 15 heures :

Réception solennelle, dans la salle des séances, de Son Excellence M. Béji Caïd Essebsi, Président de la République tunisienne

À 16 heures, le soir et la nuit :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (300, 2014-2015)

§(La commission spéciale se réunira pour le rapport les mardi 17 mars après-midi et soir, mercredi 18 mars matin, après-midi et soir, jeudi 19 mars matin, mardi 24 mars après-midi – éventuellement - et soir, mercredi 25 mars matin, après-midi et soir et jeudi 26 mars matin ; délais limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 12 mars, à 11 heures, et jeudi 19 mars, à 11 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 3 avril, à 17 heures ;

- au jeudi 2 avril, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission spéciale se réunira une première fois pour examiner les amendements de séance le mardi 7 avril, le matin.)

Mercredi 8 avril 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Jeudi 9 avril 2015

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin

Vendredi 10 avril 2015

À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Éventuellement, samedi 11 avril 2015

À 9 heures 30 et à 14 heures 30

Lundi 13 avril 2015

À 16 heures, le soir et la nuit

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Mardi 14 avril 2015

À 14 heures 30, le soir et la nuit :

1°) Éloge funèbre de Claude Dilain

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Mercredi 15 avril 2015

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Jeudi 16 avril 2015

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À 16 heures 15 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin

Vendredi 17 avril 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (A.N., n° 1961)

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d’Albanie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République d’Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (A.N., n° 1586)

3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme (48, 2014-2015)

4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (Procédure accélérée) (A.N. n° 1888)

Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mercredi 15 avril, à 17 heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

5°) Suite et fin de la discussion des articles du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Éventuellement, samedi 18 avril 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :

- Suite de l’ordre du jour de la veille

SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :

du lundi 20 avril au dimanche 3 mai 2015

Mercredi 6 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 :

1°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 5 mai, à 17 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

De 15 heures 30 à 16 heures :

2°) Vote par scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’Instruction générale du Bureau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À 16 heures :

3°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui qui résulte des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, en remplacement de Claude Dilain, décédé.

Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues (proposition n° 262, résultat des travaux de la commission n° 321, rapport n° 320).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie David, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui vise à supprimer les franchises médicales ainsi que les participations forfaitaires, reprend une proposition de loi plus ancienne, que mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen avions déposée dès 2012, à la suite de l’instauration des participations forfaitaires en 2005 par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la santé, et de la création des franchises médicales, en 2008, par Roselyne Bachelot-Narquin, à l’époque titulaire du même portefeuille. Voici cette proposition enfin mise en débat.

Pour la clarté de nos débats, quelques explications préalables sont nécessaires.

Les participations forfaitaires, qui portent sur les consultations médicales et sur les actes de biologie, s’élèvent à un euro par acte, avec un plafond annuel de cinquante euros et un plafond journalier de quatre euros par personne ; elles concernent l’ensemble des assurés sociaux, hormis les mineurs et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-c, de l’aide médicale de l’État, l’AME, et de l’assurance maternité, ainsi que les pensionnés militaires d’invalidité pour les seuls actes liés à leur invalidité. Au total, 29 % des assurés sociaux sont exonérés des participations forfaitaires, auxquels s’ajouteront, à partir du 1er juillet 2015, les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.

Les franchises médicales, quant à elles, portent sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux, notamment des infirmières et des masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que les transports sanitaires. Elles concernent la même population d’assurés sociaux que les participations forfaitaires.

Les franchises ont clairement été instaurées pour « responsabiliser » les malades – j’insiste sur les guillemets. Il s’agit de leur dire que tout a un coût, même la santé, de sorte qu’ils doivent payer, bien que, salariés pour une grande partie d’entre eux, ils aient déjà contribué au financement de notre protection sociale par leurs cotisations salariales.

Déjà sénatrice lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, dont l’article 52 instaurait les franchises médicales, je me souviens des débats que nous avions menés dans cet hémicycle. Il faut se rappeler que Nicolas Sarkozy venait d’être élu président de la République, que Roselyne Bachelot-Narquin était ministre de la santé et que la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires n’avait pas encore été votée, même si l’on sentait déjà les prémices de ce que serait sa logique.

Je voudrais vous donner lecture des propos tenus à l’époque par mon ami et regretté collègue Guy Fischer : « Avec les franchises médicales de cinquante centimes d’euros par acte pour un plafond maximum annuel envisagé de cinquante euros, le président Sarkozy entend mettre une nouvelle fois à contribution les malades. Qui ne peut pas payer quatre euros par mois ?, demandait récemment Mme Roselyne Bachelot, traduisant bien l’arrogance de ce gouvernement. [...] Les franchises, c’est punir les gens qui sont malades. » Guy Fischer ajoutait : « Vous inventez une nouvelle théorie, très éloignée de celle du pollueur-payeur : la théorie de l’empoisonné-payeur ! »

Je crois que ces quelques phrases résument assez bien le problème. Malheureusement, près de huit années plus tard, les faits nous ont donné raison. Notre opposition à l’idée même de franchises médicales et de participations forfaitaires reste totale ; pour nous, il s’agit de taxes sur la santé, ni plus ni moins !

Je tiens également à rappeler que, à l’époque et jusqu’à récemment, l’ensemble de la gauche faisait front commun contre ces mesures. Ainsi, lorsqu’un collectif regroupant cinquante organisations avait lancé un vaste appel national contre les franchises médicales, avançant des arguments qui rejoignaient les nôtres et dénonçant une injustice et une aberration dans la philosophie même de ce dispositif, le parti socialiste lui avait apporté son soutien ; il avait même appelé à la mobilisation contre les franchises médicales, qualifiées de « rupture inacceptable avec les principes de justice sociale et de solidarité nationale ».

Plus récemment, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nos collègues sénatrices et sénateurs du groupe socialiste, en particulier Yves Daudigny, à l’époque rapporteur général de la commission des affaires sociales, avaient déposé un amendement visant à supprimer les franchises médicales. Au cours du débat, très dense, que cet amendement devait susciter dans l’hémicycle, M. Daudigny avait envisagé la tenue d’un débat sur une « réforme globale des participations et franchises », « lors de la campagne présidentielle ».

Je vous propose précisément de lancer ce débat.

Pourquoi souhaitons-nous, en tant que sénatrices et sénateurs communistes, supprimer les franchises médicales et les participations forfaitaires ?

Premièrement, parce que nous ne partageons pas l’idée qu’il faudrait « responsabiliser » les patients. Cela supposerait – certains le pensent sans doute - que les patients, les malades, abuseraient des médicaments et des consultations. Personnellement, je ne pense pas que l’on consulte par plaisir… Bien sûr, il y a sans doute quelques abus ; mais il convient de s’y attaquer, sans pour autant pénaliser l’ensemble de la population. Surtout, les patients ne contrôlent pas leur consommation de soins ni de médicaments : elle leur est dictée d’abord par leur état de santé, et ensuite par les prescriptions de leur médecin.

Ainsi, on demande aux patients d’agir sur un paramètre qu’ils ne contrôlent pas et on remet en cause le professionnalisme des praticiennes et praticiens prescripteurs. Au demeurant, cette remise en cause des professionnels de santé n’est pas sans effet sur notre système de protection sociale, notamment sur le respect par le patient des prescriptions médicales.

Quel est le coût économique et social d’une situation dans laquelle les patients sont mal soignés et les professionnels de santé continuellement suspectés de « sur-prescrire » ?

Deuxièmement, certaines patientes, certains patients vont jusqu’à renoncer purement et simplement à se soigner, ou reportent les soins dont ils ont besoin, pour des raisons financières. Bien entendu, il est difficile d’établir de façon claire et distincte la part des renoncements aux soins directement liée aux franchises médicales, le phénomène étant multifactoriel. Toujours est-il que les faits sont là, constatés par tous les professionnels : le renoncement aux soins pour raisons financières n’a fait qu’augmenter.

Songez que, en 2012, 27 % de la population a renoncé à au moins un soin pour des raisons financières et que, en 2010, selon l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, l’IRDES, 12 % de la population a modifié ses achats de médicaments du fait de l’instauration des franchises médicales. Ce taux, d’autant plus élevé que les revenus sont modestes, monte à 14 % pour les personnes ayant un revenu inférieur à 1 166 euros par mois ; il est également plus élevé pour les malades que pour les bien portants, alors même que les premiers sont a priori moins concernés par la consommation de médicaments dits « de confort ».

Ces renoncements peuvent-ils être considérés comme un progrès social et sanitaire ? Est-ce là la « responsabilisation » recherchée ? Sans parler des conséquences de ces mesures en matière de prévention !

Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel s’est prononcé par deux fois sur le sujet.

Saisi de la loi relative à l’assurance maladie, il a affirmé, dans sa décision du 12 août 2004, que « le montant de la majoration de la participation de l’assuré » devrait « être fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 », aux termes duquel la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Le Conseil a confirmé cette position dans sa décision du 13 décembre 2007 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 instaurant les franchises médicales.

Le dispositif existant, parce qu’il ne tient pas compte des revenus des ménages, est profondément injuste : toute personne atteinte d’une maladie grave ou chronique, riche ou pauvre, devra s’acquitter de la même somme. Il s’agit d’une rupture claire et nette avec les fondements de notre système de sécurité sociale, qui repose sur le principe suivant : chacun paie selon ses moyens – ce sont les cotisations sociales – et reçoit selon ses besoins, la maladie frappant indifféremment les riches et les pauvres. Cela rompt également avec le principe de solidarité entre malades et bien portants.

À ce sujet, comment ignorer plus longtemps la situation des malades en affection longue durée qui, entre franchises, participations forfaitaires, déremboursements et dépassements d’honoraires, voient leurs restes à charge considérablement augmenter ? L’assurance maladie va jusqu’à prélever franchises et participations sur les indemnités journalières et les rentes d’invalidité, qui sont des éléments de subsistance. Cela me semble particulièrement choquant.

Je pense notamment aux victimes de maladies professionnelles, telles qu’en provoque l’amiante, ou bien aux porteurs du VIH, qui ont un besoin continu de soins. Je reprendrai l’exemple donné par l’association AIDES lors des auditions menées par ma collègue Laurence Cohen. Cette association a expliqué que le reste à charge pour une personne atteinte par le VIH était de l’ordre de 700 euros par an. Quand on sait que les personnes séropositives sont très souvent aux minima sociaux, on imagine aisément les dégâts !

Et je ne parle pas des personnes en situation de handicap, dont le forfait hospitalier, multiplié par six entre 1983 et 2010, peut être si élevé qu’il draine l’essentiel de leur allocation adulte handicapé, ne leur laissant rien pour subvenir à leurs besoins.

On le voit, le principe même de ces franchises est parfaitement mal conçu, puisqu’il n’y a aucune distinction entre un simple rhume et des pathologies lourdes et accidentelles, et aucune prise en compte des revenus des malades.

Au vu de leurs objectifs affichés, à savoir responsabiliser les patients et réaliser des économies pour notre système de santé, ces mesures se révèlent particulièrement inefficaces.

D’abord parce que les patients sont peu informés et souvent déboussolés par la complexité du dispositif. Ainsi, en 2010, l’étude de l’IRDES montrait que seuls deux tiers des personnes interrogées avaient entendu parler des franchises et que cette part diminuait avec le temps. Comment compter sur un dispositif que le patient ne connaît pas pour le « responsabiliser » ? Encore une fois, il n’a d’effet que sur les personnes les plus malades et celles dont les revenus sont modestes, pour lesquelles ces sommes font une différence.

Ensuite, même si j’adopte le point de vue du Gouvernement pour les besoins de la démonstration, je constate que ces franchises et ces participations sont inefficaces : elles n’ont pas permis de diminuer les dépenses de santé, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, ayant augmenté de 10 % entre 2011 et 2015. La raison en est que, en France, la structure des dépenses de santé est très concentrée : 10 % de la population sont à l’origine de deux tiers des dépenses. Or ces dépenses concernent des maladies graves et chroniques, que l’on ne peut pas réduire.

Enfin, ces mesures sont inefficaces parce que les renoncements aux soins créent un surcoût : les personnes se soignent plus tard, à un stade plus avancé de la maladie. Le coût économique et social est ainsi plus élevé.

Comment ne pas dénoncer, par ailleurs, le leurre communicationnel du président de la République de l’époque, qui avait annoncé que les recettes seraient affectées à un plan Alzheimer, à la lutte contre le cancer ? Non seulement cela n’a pas été le cas, mais, une fois encore, le principe de ces mesures est tout simplement inacceptable puisque des malades paient pour d’autres malades.

Tout aussi inacceptable est le constat que, parallèlement à la hausse du reste à charge pour les patients, la part du financement par les cotisations patronales a diminué de cinq points en vingt ans. C’est en ce sens que nous proposons sans relâche de mettre fin aux exonérations de cotisations patronales. En effet, comment passer à côté de 30 milliards d’euros par an ?

Comparé à cette somme, le coût de la suppression des franchises médicales et des participations forfaitaires pourrait sembler dérisoire : 1, 5 milliard d’euros par an, soit 870 millions d’euros pour les franchises et 600 millions d’euros pour les participations forfaitaires. Notez d’ailleurs, pour les franchises, que 40 % du montant est collecté sur le dos des patients atteints de maladies graves et chroniques.

Bien entendu, 1, 5 milliard d’euros, ce n’est pas non plus une petite somme et, afin de ne pas tomber sous le couperet de l’article 40 de la Constitution, nous avons gagé notre proposition de loi par un relèvement de la contribution additionnelle à la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Nous avons bien conscience d’être à contre-courant de l’idéologie dominante, puisque la volonté du Gouvernement est de supprimer la C3S. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer cette suppression, envisagée au nom du pacte de responsabilité. Là encore, comment accepter de se passer de 7, 2 milliards d’euros sur trois ans ? Nous savons qu’une nouvelle mesure prendra le relais, mais nous ne savons pas sur quoi elle reposera. En attendant, nous considérons que le relèvement de cette C3S serait largement à même de compenser la perte de recettes issue de la suppression des franchises médicales et des participations forfaitaires.

Bien que nous soyons souvent taxés de manque de réalisme, nous avons de nombreuses propositions susceptibles de dégager des recettes nouvelles pour l’assurance maladie. Ainsi, nous aurions pu vous proposer de mettre un terme aux inégalités salariales entre femmes et hommes : cela rapporterait 52 milliards d’euros de recettes à la sécurité sociale.

Par ailleurs, notez que le système créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale faisait en sorte que les recettes de la sécurité sociale soient dynamiques, puisqu’assises sur la richesse produite par l’entreprise. En effet, les cotisations sociales sont calculées à partir de la masse salariale. Modifiez la répartition des richesses dans l’entreprise au profit du travail, et vous dégagerez des recettes nouvelles pour combler le déficit de la sécurité sociale !

Pour cela, une solution intermédiaire consisterait à introduire une contribution additionnelle sur les revenus financiers des entreprises. À court terme, cela créerait des recettes supplémentaires. À moyen et long terme, cela conduirait sans aucun doute les entreprises à réorienter le partage de la valeur ajoutée des actionnaires vers les salariés.

Je voudrais conclure en soulignant deux points importants.

Premièrement, nous saluons l’exonération des franchises médicales et participations forfaitaires décidée pour les bénéficiaires de l'assurance complémentaire santé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Cette décision a été rendue plus ou moins inévitable du fait de l’application du tiers payant dès le 1er juillet 2015 à ces mêmes bénéficiaires de l’ACS. Comment, en effet, récolter ces franchises quand le tiers payant est appliqué ?

Pour nous, c’est un premier pas vers la reconnaissance du fait que ce mécanisme de franchises et de participations contribue au renchérissement de l’accès aux soins, et comporte donc un risque potentiel de renoncement aux soins.

Deuxièmement, dans la logique de la généralisation du tiers payant prévue par le projet de loi de santé – nous en débattrons ici même dans quelques mois, madame la secrétaire d'État, ce que nous saluons également –, il sera très difficile, et coûteux, de continuer à prélever les franchises médicales et les participations forfaitaires.

Cela nous donne un argument supplémentaire pour que la Haute Assemblée décide dès à présent de supprimer ces dispositifs et donne toute sa cohérence à la future généralisation du tiers payant.

Enfin, mon propos ne serait pas complet si je ne précisais pas que cette proposition de loi ne constitue pour nous qu’une étape, dans la mesure où nous ne nous attaquons pas ici au ticket modérateur ou encore aux dépassements d’honoraires, à savoir à l’ensemble des restes à charge.

Notre ambition s’inscrit dans une optique plus large, celle d’une reconquête du remboursement par l’assurance maladie à 100 % pour toutes et tous. Mon collègue Dominique Watrin reviendra sur ce point.

Pour terminer tout à fait, j’aimerais insister sur le rôle de cette proposition de loi dans le contexte actuel, alors que la généralisation du tiers payant est en voie d’être mise en œuvre.

Comme je l’ai dit, il s’agit ainsi d’une première étape pour créer un système plus juste, mais aussi plus efficace en réduisant les coûts de gestion liés au recouvrement des franchises. Madame la secrétaire d'État, notre proposition de loi ne doit pas être perçue autrement que comme un point d’appui avant la généralisation du tiers payant.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales n’a malheureusement pas adopté ce texte, mais j’espère que nos échanges de ce matin feront bouger les lignes, et cela d’autant plus que, comme nos débats en commission ont permis de le montrer, personne ne croit que les forfaits et les franchises médicales « responsabilisent » les patients.

Aucun d’entre nous, je pense, ne trouve non plus normal que les personnes en affection de longue durée, y compris celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, soient particulièrement nombreuses à atteindre le plafond de 100 euros laissés à leur charge sous prétexte de dégager des fonds pour financer la lutte contre la maladie dont ils souffrent.

Je rappelle que, dans son rapport public annuel de 2013, la Cour des comptes a inséré une analyse de la politique de lutte contre la maladie d’Alzheimer. Elle a estimé que « le lien ainsi fait entre la mise en place des franchises et leur affectation à des actions de santé publique apparaît artificiel. »

Comment peut-on imaginer responsabiliser les patients alors qu’ils ne sont pas prescripteurs ? À titre d’exemple, notez qu’un cadre dépense 16 % de plus qu’un ouvrier en soins de ville, tandis qu’un ouvrier dépense 13 % de plus qu’un cadre en soins hospitaliers. Que faut-il en conclure ? Que les ouvriers ne sont pas assez responsables ni éduqués en termes de santé, ce qui les conduirait à se soigner au dernier moment à l’hôpital ? Ou plutôt que le coût des soins de ville, avec un remboursement de l’ordre de 50 % seulement, est dissuasif pour les plus modestes ?

Comme le souligne l’IRDES dans son rapport de 2010, il existe une plus forte propension des franchises à affecter les personnes disposant de faibles ressources et celles qui sont en mauvaise santé, ce qui a pour conséquence « une perte d’accès aux médicaments ». D’ailleurs, comme elles sont forfaitaires, ces participations et franchises impactent davantage, par définition, les personnes aux plus bas revenus.

Cela questionne la logique sous-jacente de dispositifs qui font porter davantage, et très clairement, leur effet de responsabilisation, ou de culpabilisation, sur les malades les plus modestes…

Madame la secrétaire d'État, je sais que Mme Touraine – comme vous-même, certainement – est particulièrement sensible à cet argument. Le 10 novembre 2014, elle déclarait en effet : « Dans le contexte financier contraint que nous connaissons, nous refusons tout transfert de charges vers les patients : ni déremboursement, ni forfait, ni franchise ».

C’est sans doute ce qui vous a conduits à exempter, à compter du 1er juillet 2015, les bénéficiaires de l’ACS, c’est-à-dire 1, 2 million de personnes ayant un revenu de 975 euros mensuels. Pour mon groupe, il s’agissait, comme l’a dit Annie David, d’une première étape, et nous avons soutenu cette mesure.

La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui devrait permettre, madame la secrétaire d'État, d’en franchir une seconde en supprimant, pour toutes et tous, franchises et forfaits, qui sont, en réalité, des déremboursements purs et simples.

Quel est l’obstacle qui nous en empêche ? Pour revenir aux débats en commission, j’ai surtout noté une certaine résignation financière de la part de la majorité de mes collègues. En somme, se disent-ils, comme 1, 65 milliard d’euros manquerait à la sécurité sociale si l’on supprimait les franchises et les forfaits, que ceux qui les payent continuent à le faire, en attendant des jours meilleurs…

C’est là, me semble-t-il, un raisonnement largement partagé parmi celles et ceux qui s’opposent à cette proposition de loi.

Il y a donc au mieux une politique des petits pas, au pire un refus de corriger une iniquité caractérisée. En effet, ces dispositifs, qui ne s’appliquent qu’à une part de la population, contreviennent à un principe fondateur de notre système d’assurance maladie : la solidarité entre bien portants et malades. Ils entravent l’accès aux soins et font espérer des économies de court terme en négligeant le risque de coûts supérieurs dus au non-recours aux soins.

À cet égard, le professeur Didier Tabuteau, de Sciences Po, m’a fait part de ses vives inquiétudes sur l’accès aux soins et la prévention, ainsi que sur l’observance. En effet, une proportion significative des patients n’achète qu’une partie des médicaments qui leur sont prescrits du fait des franchises – plus précisément, plus des deux tiers des 12 % des personnes ayant modifié leur consommation de médicaments à la suite de la mise en place des franchises. On ne peut que s’interroger sur les effets de ces évolutions sur la santé et sur la prévention. Le professeur Tabuteau rejoint ainsi l’analyse de l’ensemble des associations de patients et des syndicats que j’ai pu auditionner.

À mes yeux, il est donc urgent de mettre fin à ces dispositifs.

Certes, il n’est pas question de priver la sécurité sociale de 1, 65 milliard d’euros. Ainsi, la proposition de loi comporte un financement alternatif pour venir compenser l’augmentation des charges liées à la disparition du forfait et des franchises. Mais que ce soit la contribution additionnelle à la C3S ou une autre des ressources que propose le groupe CRC à l’occasion de la discussion de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous conviendrez que nous sommes très constants – notre collègue Annie David vient de le rappeler.

La question fondamentale est celle des moyens que nous sommes prêts à consacrer aux besoins de santé des Français.

Faut-il donc sacrifier l’un des principes fondateurs de la sécurité sociale et faire reposer sur les personnes malades, surtout sur celles qui le sont le plus, le financement des soins parce que l’on refuse de mobiliser les ressources nécessaires à notre système d’assurance maladie ? Je ne le crois pas.

Certes, le Gouvernement n’a pas été inactif – il a exempté les bénéficiaires de l’ACS, je l’ai déjà souligné -, mais il n’est pas juste de s’arrêter au milieu du gué.

Un argument supplémentaire plaide en faveur de cette proposition de loi, madame la secrétaire d’État. Il concerne la généralisation du tiers payant, incompatible, de mon point de vue comme de celui des personnes auditionnées, avec le maintien des franchises et forfaits. Pour continuer à récupérer ces sommes, l’Inspection générale des affaires sociales a d’ailleurs dû imaginer des mécanismes complexes, notamment le prélèvement sur le compte en banque des assurés. Outre le caractère quelque peu choquant d’un tel dispositif, sa mise en œuvre me paraît complexe et, qui plus est, coûteuse.

J’ai d’ailleurs été particulièrement choquée que le directeur de la sécurité sociale ne puisse me fournir, lorsque je l’ai rencontré, aucun élément chiffré sur le coût lié à la récupération des franchises et forfaits. Il m’a même affirmé que ces chiffres seraient encore plus difficiles à obtenir après les suppressions d’emploi prévues au sein des services de la sécurité sociale. Ainsi, d’un côté, on prône la simplification administrative et, de l’autre, on complexifie à outrance un système.

On ne peut indéfiniment concilier l’inconciliable, à savoir la justice sociale, qui repose sur la solidarité entre bien portants et malades, l’accès aux soins, ainsi que la volonté de faire des économies, ces dernières reposant sur un transfert de charges des malades entre eux.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales n’est pas favorable à la proposition de loi, mais, à titre personnel, je ne peux bien évidemment que vous appeler à corriger une injustice flagrante et à faire preuve de cohérence politique en adoptant le texte soumis à notre examen.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires, déposée par Mme Laurence Cohen et ses collègues, poursuit un objectif sur lequel nous sommes bien évidemment d’accord avec vous : assurer l’accès de tous aux soins.

Garantir l’accès aux soins, c’est mettre en œuvre la promesse de 1946 : « la Nation garantit à tous […] la protection de la santé ». C’est pourquoi Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a inscrit l’accès aux soins au cœur de la stratégie nationale de santé.

Garantir l’accès aux soins, c’est assurer la présence d’une offre de soins adaptée sur le territoire. Nous nous y employons, en confortant les hôpitaux isolés et en soutenant l’exercice médical dans les zones où il n’est pas assez présent, que l’on nomme « les déserts médicaux ».

Mais c’est aussi s’attaquer aux freins financiers à l’accès aux soins. Nous ne pouvons en effet accepter que des Français renoncent à se soigner pour des raisons financières.

C’est pourquoi le Gouvernement est d’accord avec vous, madame la sénatrice, quand vous rejetez l’idée d’une « responsabilisation » des patients, laquelle a inspiré la création des franchises. Il faut le dire une fois pour toutes, cette notion est à la fois fausse et choquante, car elle repose sur l’idée qu’on se ferait soigner par plaisir et non parce qu’on en a besoin.

Nous voulons au contraire lutter contre le renoncement aux soins pour des raisons financières, chacun devant pouvoir se faire soigner lorsqu’il en a besoin. Par ailleurs, renoncer ou retarder les soins, c’est souvent aggraver ses problèmes de santé, ce qui induit un coût supérieur non seulement pour sa propre santé, mais aussi pour la collectivité.

Si nous ne pouvons pas vous suivre, madame la sénatrice, …

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

… c’est pour une raison très simple. L’adoption de votre proposition de loi aurait un coût, vous l’avez souligné, de 1, 65 milliard d’euros.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Ce coût n’est malheureusement pas compatible avec les engagements pris par le Gouvernement en matière de maîtrise du rythme de croissance des dépenses d’assurance maladie, un rythme de croissance qui a été supérieur, ces dernières années, à celui de la croissance de la richesse nationale et qui sera en moyenne de 2 % pour 2015, 2016 et 2017.

Pour autant, le Gouvernement ne se résigne pas à ce que les plus modestes de nos concitoyens soient pénalisés, d’autant que les « retenues » en question sont forfaitaires, et donc indépendantes des revenus. C’est la raison pour laquelle il a décidé de supprimer les franchises à compter du 1er juillet prochain pour plus d’un million de personnes supplémentaires, plus précisément les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, grâce à une mesure adoptée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 voilà quelques mois et soutenue par le groupe CRC, madame Cohen.

L’engagement de ce gouvernement en faveur de l’accès aux soins n’est pas seulement une intention ; ce sont des actes.

C’est, tout d’abord, refuser tout transfert de charges de l’assurance maladie vers les ménages : ni déremboursement, ni franchise, ni forfait supplémentaire ! Ce choix montre déjà ses effets : la part des dépenses de soins à la charge des ménages a reculé depuis 2011, passant de 9, 2 % des dépenses de soins à cette date à 8, 8% en 2013. Certes, cette amélioration de 0, 4 % est modeste, mais elle existe !

C’est aussi étendre à de nouveaux publics la couverture maladie universelle complémentaire, ou CMU-C, et l’ACS, en relevant les plafonds de ressources de ces prestations pour que toutes les personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté aient accès à l’un de ces dispositifs. Cette mesure représente un effort financier de 200 millions d’euros, qui permettra à terme à plus de 600 000 personnes supplémentaires de bénéficier de ces dispositifs.

C’est aussi améliorer le contenu de ces aides : en revalorisant la prise en charge de l’optique et des audioprothèses pour les bénéficiaires de la CMU-C ; en relevant le montant de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante ans, pour qui le coût de la complémentaire santé est le plus élevé ; en améliorant le rapport entre tarifs et prestations des contrats ACS, au travers d’une sélection de ces contrats, qui est en cours et entrera en vigueur le 1er juillet ; et en supprimant les franchises pour les bénéficiaires de l’ACS, comme je viens de le mentionner.

C’est aussi faciliter l’accès aux droits. Nous organisons une grande campagne d’information sur l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Parallèlement, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que le Sénat examinera la semaine prochaine, prévoit de rendre automatique le renouvellement de cette aide pour les bénéficiaires du minimum vieillesse.

Mais notre action ne se limite pas à améliorer l’accès aux soins des personnes les plus démunies. Nous savons que, même pour les familles des classes moyennes, des situations difficiles peuvent exister du fait des dépassements d’honoraires. C’est pourquoi, là aussi, nous avons agi, avec un encadrement conventionnel des dépassements d’honoraires qui porte ses fruits.

On a constaté que, en 2012 puis en 2013, la part des dépenses de soins prises en charge par l’assurance maladie avait progressé de 0, 3 point et que celle qui reste à la charge des ménages avait reculé de 0, 4 point. Ce sont les premiers résultats tangibles : la charge pesant sur les ménages a diminué de plus de 700 millions d’euros. Encore faut-il souligner que ces chiffres de 2013 ne tiennent pas compte des montants investis depuis dans la réduction du reste à charge des ménages, au travers des mesures que j’ai présentées précédemment.

Nous nous situons donc dans une démarche de consolidation de la prise en charge collective du risque maladie, qui est la condition d’un accès équitable aux soins. Mais nous le faisons en utilisant nos ressources de façon plus ciblée, contrairement à la mesure plus large que vous défendez, madame la sénatrice.

Bien sûr, idéalement, nous souhaiterions supprimer ces franchises pour tout le monde. Il n’est d’ailleurs pas exclu que nous puissions le faire plus tard. Toutefois, pour permettre une telle évolution, il nous faut d’abord, par les réformes en cours, diminuer durablement les dépenses inutiles, qui existent. Je veux parler de la prescription et de la consommation de médicaments de marque plutôt que de génériques ; je pense aussi à la multiplication des actes inutiles du fait du mode de tarification. Lorsque nous aurons fait des progrès dans ces deux domaines précis, nous pourrons avancer sur la question des franchises.

Le Gouvernement est en effet résolu, mesdames, messieurs les sénateurs, à continuer à lever les freins financiers à l’accès aux soins. La semaine prochaine, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale examinera le projet de loi relatif à la santé. Ce texte comportera, vous l’avez souligné, une mesure importante, attendue par les Français et déjà appliquée dans de nombreux pays étrangers, à savoir l’extension du tiers payant, lequel n’interdit malheureusement pas le prélèvement des franchises, le système étant déjà très organisé – vous l’avez souligné. Demain, les Français n’auront plus à avancer les frais de leurs consultations médicales.

Il s’agit d’une véritable avancée dans l’accès aux soins, au bénéfice de tous les Français. Je suis particulièrement satisfaite de vous entendre ici, dans cet hémicycle, défendre le tiers payant généralisé. Je l’avoue, on entend trop peu, ces derniers temps, un tel discours. Dans de nombreuses situations concrètes, le tiers payant généralisé peut faciliter l’accès aux soins, tout autant qu’une suppression complète des franchises.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Si le Gouvernement est pleinement engagé pour atteindre l’objectif de cette proposition de loi, il ne peut malheureusement souscrire à l’option proposée et émettra donc un avis défavorable sur ce texte. Ce faisant, il ne rejette nullement l’objectif politique qui est le vôtre, mesdames Assassi et Cohen : sa décision résulte de la stratégie alternative qu’il met en place en faveur de l’accès aux soins.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi, déposée par Mme Laurence Cohen et ses collègues du groupe CRC, visant à supprimer les forfaits médicaux et franchises médicales institués les uns par la loi du 9 août 2004, les autres par la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2008.

Je peux comprendre la démarche de nos collègues, dans le cadre de la philosophie qui est la leur, sur de nombreux points, et particulièrement en matière de santé. Si nombre de nos concitoyens souscrivent à l’adage selon lequel la santé n’a pas de prix mais un coût, le groupe communiste estime, si j’ai bien compris, que le problème du coût ne doit surtout pas intervenir. C’est une logique que je respecte, d’autant qu’en ces temps où Mme la ministre de la santé veut imposer coûte que coûte le tiers payant généralisé, il est de bon aloi de surenchérir, en supprimant toute référence au problème de financement du déficit de la sécurité sociale.

Je rappelle que ces franchises et forfaits sont d’un euro par consultation, de cinquante centimes par boîte de médicament ou par acte paramédical, et de deux euros par transport sanitaire. Je souligne également qu’ils ne s’appliquent pas au cours ou au décours d’une hospitalisation, que leur montant est limité annuellement à 50 euros par assuré et qu’une grande partie des personnes considérées comme ayant de faibles revenus en sont exemptées, ainsi que les enfants jusqu’à dix-huit ans, les femmes enceintes, les ressortissants de la CMU et de la CMU-C et, depuis le 21 octobre dernier, les personnes relevant de l’ACS.

On peut toujours arguer que, pour certaines personnes ne relevant pas de ces catégories, ces franchises et forfaits représenteraient une charge insupportable et une raison de renoncer à se soigner. Il faudrait rechercher plus précisément s’il reste quelque part des personnes dans cette situation. Votre rapport, madame Cohen, n’en apporte pas la preuve.

Un autre argument utilisé par l’auteur de cette proposition de loi tient à l’efficacité considérée comme nulle des franchises instaurées sur la consommation en matière de santé. On retrouve curieusement le même argument pour ce qui concerne le tiers payant généralisé, que l’on veut imposer dans quelque temps, ce dispositif n’entraînant, selon ses défenseurs, aucune surconsommation médicamenteuse. Un tel raisonnement va cependant à contresens de toutes les études en matière de consommation, la santé n’ayant aucune raison d’échapper au constat suivant : lorsque tout est gratuit, on consomme plus.

L’une des priorités des pouvoirs publics, rappelée douloureusement par M. Moscovici, est la réduction impérative de nos déficits, en particulier celui des dépenses sociales ! Or je ne peux me convaincre que la mesure que vous proposez ira dans ce sens.

Madame Cohen, puisque vous évoquez dans votre rapport le Conseil national de la Résistance, je voudrais vous rappeler que cette contribution modérée demandée à ceux qui, sans être richissimes, ont les moyens de participer modestement à ce financement va tout à fait dans le sens de Pierre Laroque, le fondateur de la sécurité sociale, qui souhaitait que celle-ci soit aussi une éducation à la solidarité.

Sans cette culture de la solidarité, la sécurité sociale devient un guichet ouvert à prestations dont chacun profite, sans conscience du rôle que joue cette institution dans la cohésion nationale. Le principe de responsabilisation était au cœur du pacte social de 1945.

J’ajouterai, ma chère collègue, qu’il eût été peut-être plus important de soulever les difficultés créées par les déremboursements de certains médicaments que Mme la ministre des affaires sociales s’était engagée à ne pas pratiquer tant qu’elle serait aux responsabilités. Ainsi, le déremboursement des médicaments anti-arthrosiques intervenu le 1er mars, qui apportaient sinon une guérison, du moins un soulagement à moindre coût notamment aux personnes âgées, pour ne citer que cet exemple, est beaucoup plus préjudiciable à ces personnes à revenus modestes que la franchise.

La prochaine loi de santé publique nous permettra certainement de revenir sur ce choix d’une médecine étatisée qui semble se dégager des intentions du Gouvernement ; à ce moment, votre proposition ressurgira probablement.

Pour l’instant, le groupe du RDSE, à l’unanimité de ses membres, ne votera pas ce texte.

Mme Valérie Létard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a été rétrospectivement le premier round d’un débat portant sur les franchises médicales.

La position que je vais exprimer ici a donc été portée par le groupe UDI-UC, en novembre dernier.

En effet, les députés avaient inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, sur proposition gouvernementale, un article 29 bis – devenu l’article 42 de la loi – qui exonérait des participations forfaitaires et des franchises les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS.

Le même principe sous-tend la proposition de loi du groupe CRC, à la différence près que celle-ci a une visée beaucoup plus large que l’amendement gouvernemental d’alors.

À la suite de l’adoption définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 par l’Assemblée nationale, en décembre 2014, les franchises seront supprimées pour les bénéficiaires de l’ACS à partir du 1er juillet 2015.

Cette mesure a un coût. Elle doit entraîner une perte de recettes estimée par le Gouvernement à 38 millions d’euros en année pleine et à 20 millions d’euros en 2015.

Elle complète l’alignement du dispositif ACS sur celui de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, dont les bénéficiaires sont déjà exonérés des participations forfaitaires.

Comme le signalait en novembre dernier Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, avec cette disposition, « un peu plus de 6 millions de personnes seraient exonérées des participations selon des critères de revenus (5, 1 millions au titre de la CMU-C et 920 000 au titre de l’ACS) ».

Il poursuivait : « Si l’on ajoute à cela le fait que les mineurs (environ 15 millions de personnes) sont également exonérés des participations, c’est donc un tiers de la population française qui est exonérée de ces charges. Par ailleurs, du fait d’exonérations touchant certains actes pris en charge par l’assurance maternité […], 2 milliards d’actes sur les 3, 6 milliards entrant dans le champ de la franchise […] en sont exonérés. »

Quelle est donc la pertinence de maintenir des franchises dont l’assiette est devenue extrêmement mitée ? Tout le monde peut constater que ce système est devenu inéquitable.

C’est pourquoi le groupe CRC propose la suppression pure et simple des franchises et participations forfaitaires.

Pour autant, est-ce la bonne solution ? Notre groupe ne le pense pas. En réalité, autre chose de plus fondamental sous-tend cette proposition : c’est l’idée que plus le tiers payant avance, plus les franchises reculent. Le tiers payant complique la collecte des franchises.

Or, nous le savons, le Gouvernement envisage la généralisation du tiers payant dans le prochain projet de loi relatif à la santé. Ainsi, cela signifie-t-il, à terme, la suppression des franchises médicales ? Peut-être, mais cela ne doit pas se faire de la manière dont elle nous est présentée aujourd’hui, c’est-à-dire d’un trait de plume, au détour d’une proposition de loi sénatoriale.

Pourquoi ? Deux arguments peuvent être avancés.

D’une part, il s’agit d’une question de forme. Il n’est de bonne politique de suppression des franchises médicales qu’à partir du moment où l’on a préalablement généralisé le tiers payant. Il faut bien comprendre que c’est l’extension du tiers payant aux bénéficiaires de l’ACS qui a eu pour conséquence l’exonération des franchises pour ces publics. Respectons donc le parallélisme des formes par rigueur intellectuelle.

D’autre part, il existe un argument de fond, le plus fondamental. Il est question de supprimer les franchises, sans s’interroger sur leurs raisons d’être.

Nous le savons, il s’agit de responsabiliser le patient. Mais, bien sûr, cette responsabilisation ne doit pas conduire à lui faire supporter un reste à charge trop important. Il nous incombe donc de définir un juste équilibre entre responsabilisation et reste à charge.

Ainsi, la franchise médicale est intrinsèquement liée au reste à charge. Il est difficile de supprimer ce mode de responsabilisation sans réfléchir à d’autres modes de responsabilisation dans le cadre d’un tiers payant généralisé. En outre, il n’est pas possible d’éluder la question du reste à charge, qui se révèle être le véritable problème aujourd’hui.

Certains restes à charge particulièrement élevés sont dus aux dépassements d’honoraires. Ces derniers s’élèvent à 2 milliards d’euros par an sur 18 milliards d’euros d’honoraires en totalité. Les deux tiers de ces dépassements sont à la charge directe des ménages.

Ces chiffres ont fortement augmenté cette dernière décennie, malgré une légère diminution depuis deux ans. C’est sur ce sujet qu’il faut agir.

C’est pourquoi le groupe UDI-UC, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, avait déposé un amendement visant à relever à 150 % du tarif opposable le plafond de remboursement des dépassements d’honoraires par les complémentaires.

Le fait que le Gouvernement entende lutter contre les dépassements d’honoraires via son décret sur les « contrats responsables » va dans le bon sens. Néanmoins, il limitera à terme les remboursements des dépassements d’honoraires par les complémentaires santé à un seuil de 100 % du tarif de responsabilité. C’est très bas.

Ce système risque de créer une médecine à deux vitesses : les dépassements d’honoraires sont souvent supérieurs aux plafonds envisagés par le décret. Cela est régulièrement constaté chez les trois spécialités les plus sollicitées – les gynécologues, les pédiatres et les ophtalmologistes –, qui totalisent 40 % des actes.

Ainsi, alors que le but était de diminuer les honoraires, ce sont les restes à charge pour le patient qui vont s’accroître, ce qui aura pour conséquence de réduire l’accès aux soins des Français. Les plus favorisés pourront s’acquitter du reste à charge ou se doter d’une surcomplémentaire ; les autres, dont les classes moyennes, feront le terrible choix de ne plus se soigner, faute de moyens.

Ce décret créera également des disparités territoriales puisque la plupart des dépassements d’honoraires se concentrent dans les grandes métropoles et en Île-de-France.

Il est donc nécessaire de relever le plafond de remboursement des dépassements d’honoraires par les mutuelles pour réduire le reste à charge des patients. Le niveau de 150 % correspond au seuil à partir duquel les dépassements sont jugés excessifs par la convention médicale du 25 octobre 2012.

Enfin, le Sénat, par la voix de son rapporteur général, proposait en novembre dernier une réforme portant sur une évaluation plus rigoureuse du prix des médicaments, menée par la Haute Autorité de santé. Une tarification au plus juste des médicaments permettrait une optimisation des remboursements, tout en réduisant le reste à charge pour les patients.

Ainsi, le groupe UDI-UC ne partage pas l’avis du groupe CRC de supprimer d’un trait de plume les franchises médicales et les participations forfaitaires. Par ailleurs, il aurait été plus opportun d’étudier cette question dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la santé, lors du débat sur la généralisation du tiers payant. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Bernard Lalande applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, les précédents orateurs ont évoqué l’essentiel du sujet ; aussi, mes propos ne pourront être que redondants. Il n’en demeure pas moins que je souhaiterais formuler quelques remarques, essentiellement d’ordre financier.

Mais auparavant, je tiens à rendre hommage au groupe CRC pour sa persévérance et sa constance dans sa démarche, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

… même si nous ne sommes pas d’accord avec les termes de cette proposition de loi. Mes chers collègues, c’est tout à fait à votre honneur.

En revanche, je serai un peu plus mesuré pour évoquer la persévérance et la constance de la majorité présidentielle. Je note simplement que, au moment où ces franchises ont été mises en place, en 2009, Mme Marisol Touraine, alors député, avait fait part de son opposition de principe à celles-ci.

À vous écouter, madame la secrétaire d’État, il semblerait que telle ne soit plus tout à fait la position du Gouvernement. En entendant vos propos, j’ai bien compris votre embarras bien significatif : il vous est difficile, dans votre exercice gouvernemental, de trouver un équilibre entre les bons sentiments que vous affichez – à plusieurs reprises, vous avez dit à nos collègues du groupe CRC que vous ne pourriez « malheureusement » pas les suivre – et le nécessaire équilibre financier de la sécurité sociale ; à un moment, les chiffres priment. Même si c’est un peu à votre corps défendant, vous êtes bien obligée de mentionner l’enjeu financier non négligeable de cette proposition de loi.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire à titre liminaire.

Gilbert Barbier a parfaitement exposé les éléments chiffrés de ces franchises. Il nous a rappelé que ces dernières étaient limitées à 50 euros par an et a dressé la liste – très importante – des personnes concernées, liste qui a encore été modifiée puisque, à compter du 1er juillet 2015, les 1 200 000 ayants droit à l’ACS bénéficieront de ces franchises.

Les enjeux, nous les connaissons donc. J’ai bien entendu les propos de notre collègue de l’UDI-UC, Élisabeth Doineau. Mais s’il est exact que l’on rencontre des problèmes avec les dépassements d’honoraires, globalement, les personnes les plus démunies voient quand même leur accès aux soins favorisé, et ce sans guère de limites.

Alors, mes chers collègues du groupe CRC, pardonnez-moi de vous provoquer un peu sur un mode humoristique : vous ne nous aviez pas habitués à proposer des textes visant à faire des cadeaux aux personnes les moins démunies ! Or c’est tout de même un peu la philosophie de votre proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

En tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, je me permettrai, madame la secrétaire d’État, de rappeler quelques chiffres dont il a été fait état lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

En 2014, le déficit cumulé du régime général et du fonds de solidarité vieillesse a atteint 15, 4 milliards d’euros, soit 2, 2 milliards d’euros de plus par rapport à ce qui avait été envisagé.

Pour 2015, il est prévu une réduction de ce déficit à 13, 2 milliards d’euros, avec des hypothèses macroéconomiques quelque peu optimistes – c’est en tout cas ma crainte –, à savoir une croissance de la masse salariale et du PIB respectivement de 2 % et de 1 %.

Même si l’environnement actuel, extrêmement favorable grâce à la baisse conjuguée de l’euro et du prix du pétrole, peut laisser envisager un retour de la croissance, comme le confirment d’ailleurs les prévisions économiques à l’échelon européen, force est de constater que, dans ce peloton des pays européens, la France est à la traîne en matière de croissance, et il n’est pas du tout évident que cette dernière atteigne 1 %.

Quant à la masse salariale, même si la Banque centrale européenne réinjecte massivement des fonds dans les finances européennes, la désinflation est toujours là. Par conséquent, miser sur une augmentation des salaires de 2 % en 2015 semble, là aussi, une hypothèse quelque peu optimiste.

Compte tenu de ces constatations – moins de salaires, moins de charges sociales –, il semble difficile d’atteindre l’objectif de 13, 2 milliards d’euros de déficit.

Bien entendu, si l’on compare cet objectif avec le 1, 5 milliard d’euros des franchises médicales, on est parfaitement conscient de faire face à un enjeu financier incontournable.

C’est pourquoi, si le groupe UMP considère que le problème mérite certes d’être posé, ce dernier l’est à son avis au plus mauvais moment, la sécurité sociale se trouvant dans une situation financière extrêmement fragile ; en outre, le Gouvernement, pour des raisons qui lui sont propres, a décidé de supprimer la C3S.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Or la proposition de nos collègues vise précisément à financer ce 1, 5 milliard d’euros par une augmentation de la C3S !

L’incohérence est évidente, surtout si l’on se réfère aux objectifs de financement de la C3S qui rapportait globalement, avant la réforme gouvernementale, 5 milliards d’euros à différents secteurs et finançait à parité le régime social des indépendants et le Fonds de solidarité vieillesse. Automatiquement et mécaniquement, lorsque la C3S sera totalement supprimée, ces financements retomberont dans le régime général de la sécurité sociale. De même, le 1, 5 milliard d’euros dont il est question dans notre débat d’aujourd’hui viendra augmenter le déficit.

J’en viens à un élément, que tous les orateurs précédents ont souligné.

Ce texte tombe au plus mauvais moment, puisque le Gouvernement est en pleine réflexion sur la généralisation du tiers payant – vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État –, disposition qui viendra prochainement en débat mais qui suscite d’ores et déjà de nombreuses résistances.

Nous nous interrogeons – et nous sommes tout à fait prêts à en discuter dans le cadre d’une réflexion constructive – sur le maintien du principe de ces franchises médicales dans le processus de mise en place du tiers payant auquel le Gouvernement semble très attaché. Des solutions existent peut-être, mais nous ne les entrevoyons pas encore. Madame la secrétaire d’État, nous serons très heureux de vous écouter sur ce sujet.

Sous le bénéfice de ces observations, les sénateurs du groupe UMP ne pourront pas suivre leurs collègues CRC sur cette proposition de loi et ne voteront donc pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRC, par la voix énergique de Mme Laurence Cohen, nous propose de supprimer la participation forfaitaire sur les consultations médicales, ainsi que les franchises.

Il s’agit, cela a été rappelé, d’un montant cumulé estimé en 2014 à 1, 65 milliard d’euros. Mme le rapporteur a l’honnêteté de reconnaître l’importance de la somme en jeu. En effet, nous devons prendre en compte le contexte dégradé des finances publiques de notre pays, de nos comptes sociaux, et il faut resituer la suppression qui nous est proposée dans le mouvement d’économies engagé par les gouvernements successifs de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls.

Comme les auteurs de la proposition de loi, le groupe socialiste est profondément attaché à ouvrir le plus possible l’accès aux soins, mais il ne pense pas que la suppression du forfait et des franchises soit le meilleur moyen pour y parvenir.

À ce propos, je rappellerai les propos de Mme Marisol Touraine, qui est déterminée à réduire les inégalités d’accès pénalisant les personnes les plus fragiles, ambition avec laquelle nous sommes tous d’accord. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le 21 octobre 2014, Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes rappelait sa position : « Malgré le contexte financier contraint qui est le nôtre […], j’ai refusé toute mesure de transfert de charge vers les patients ; il n’y a eu depuis deux ans ni forfait ni franchise. »

Je rappelle que la part des dépenses de soins restant à la charge des ménages a diminué depuis 2011, passant de 9, 2 % à cette date à 8, 8 % en 2013, soit exactement le mouvement inverse de ce qui s’était passé auparavant : le reste à charge n’avait fait qu’augmenter sous les gouvernements de droite, sans que les déficits soient pour autant réduits ; c’est pour moi la démonstration qu’il n’existe aucun lien mécanique entre les deux.

De plus, dans l’action du Gouvernement, l’efficacité est la compagne de la justice. L’une et l’autre sont bien en cohérence avec les objectifs du Gouvernement, et nous soutenons ce dernier dans sa volonté de poursuivre le désendettement des comptes sociaux sans renoncer à la solidarité, et, au contraire, en élargissant son spectre.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, notre collègue Yves Daudigny – vous l’avez cité, madame David – relevait que, comparée à d’autres pays de l’OCDE au sein desquels un coup de frein brutal sur les dépenses de santé a suivi de fortes augmentations, la France a réussi à préserver le fonctionnement de son système de santé d’à-coups majeurs. D’ailleurs, l’évolution de l’ONDAM, supérieure à celle du produit intérieur brut en valeur, dément tout constat d’austérité.

Je rappelle aussi que Mme la ministre Marisol Touraine n’a jamais endossé le concept de responsabilité du malade au travers des forfaits et franchises.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous le disons avec elle : « On ne consomme pas de soins par plaisir. »

Pour mener les deux objectifs de désendettement et de solidarité, le Gouvernement choisit une voie certes difficile, il faut le reconnaître, qui concilie le redressement progressif de nos comptes et la recherche d’une plus grande solidarité.

Les auteurs de la présente proposition de loi nous proposent de gager le manque à gagner de 1, 65 milliard d’euros sur une augmentation à due concurrence de la contribution additionnelle à la C3S.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Là, je vois pointer un désaccord de fonds entre votre position et la politique économique du Gouvernement. Je me permets de le souligner, car la suppression de la contribution additionnelle à la C3S fait partie du pacte national de responsabilité et de solidarité. C’est un engagement pris par le Gouvernement pour répondre à la demande des entreprises, dont les marges sont effectivement très faibles, de voir leurs charges diminuer. D’ailleurs, toutes les mesures qui ont été mises en œuvre à cet égard pour redresser notre compétitivité commencent à produire des effets.

Monsieur Cardoux, vous qui avez affirmé que la croissance de la France ne s’élèverait pas forcément à 1 % d’ici à la fin de l’année 2015, je vous donne rendez-vous. Vous allez certainement être agréablement surpris, parce que tous les indicateurs, notamment celui de l’investissement, sont en train de repartir à la hausse.

La C3S doit disparaître en 2017. Je rappellerai qu’elle abondait jusqu’alors le RSI, en perdition, pour compenser ses déficits. Celui-ci sera adossé au régime général ; en échange, c’est l’État qui abondera à la fois la CNAV, en alimentant le Fonds de solidarité vieillesse, et la CNAM. Ce rappel me paraît justifié, à la suite de la manifestation qui a eu lieu lundi dernier. Sur ce point, la nation, en assumant cette charge nouvelle pour les comptes sociaux, fera un effort de solidarité à l’égard de ces travailleurs indépendants.

Je veux voir dans votre proposition, madame Cohen, un appel à faire de l’accès à la santé une action prioritaire du Gouvernement. Celui-ci – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – ne reste pas l’arme au pied : au 1er juillet 2015, le Gouvernement ayant répondu à l’appel de sa majorité parlementaire, franchises et participations forfaitaires seront supprimées pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, à l’instar de ce qui a été décidé pour la CMU. Vous ne pouvez nier que la justice a motivé l’action gouvernementale.

L’accès à la santé pour tous et particulièrement pour les pauvres est un fil conducteur du projet de loi relatif à la santé qui sera examiné par nos collègues députés en principe à partir de la semaine prochaine. La généralisation du tiers payant participe aussi à cet objectif. Nous apportons tout notre soutien à Mme la ministre, qui a réaffirmé tout récemment l’attachement du Gouvernement à la généralisation du tiers payant tout en offrant des contreparties raisonnables aux médecins.

Le groupe socialiste ne déviera pas de sa ligne : mener à bien le désendettement en élargissant par ailleurs les plages de solidarité. Cette stratégie mise en œuvre depuis 2012 par le Gouvernement doit être poursuivie. Voter la proposition de loi du groupe CRC nous en écarterait dans la mesure où nous ne réduirions pas nos déficits, pas plus que nous n’élargirions les plages de solidarité. C’est une autre voie, plus globale, qu’a choisie le Gouvernement. Par conséquent, nous ne pourrons pas voter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes ont largement combattu, en 2007, la mise en place des franchises médicales.

En effet, nous étions et demeurons en désaccord avec l’argument selon lequel il faudrait responsabiliser les patients, argument qui découle du constat selon nous fallacieux que la crise des finances de la sécurité sociale serait essentiellement due à une tendance des Français à surconsommer en matière de santé.

Déjà à l’époque, nous considérions que le déficit des comptes de la sécurité sociale avait essentiellement d’autres origines.

En effet, ceux qui veulent cantonner la réflexion et l’action dans ce domaine aux questions budgétaires n’abordent pas, à notre avis, les causes réelles des difficultés financières actuelles.

Par exemple, l’augmentation du budget annuel des soins pour les maladies chroniques depuis une quinzaine d’années est à peu près équivalente au déficit de l’assurance maladie : une dizaine de milliards d’euros par an. Cela signifie que, si le taux de maladies chroniques était aujourd’hui identique à celui qui prévalait voilà quinze ans, toutes choses égales par ailleurs, le déficit annuel de l’assurance maladie serait inexistant. Une de nos priorités en matière de santé est donc de faire reculer ces maladies.

Par ailleurs, si on améliorait l’accès aux droits, on diminuerait le non-recours aux soins et on limiterait de façon drastique – des milliards d’euros sont en jeu, les chiffres l’attestent – les dépenses différées et donc aussi le déficit de l’assurance maladie. En effet, un tiers de nos concitoyens déclarent par exemple avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

En outre, le fait qu’ils retardent la prise en charge de leurs problèmes de santé provoque à terme – cela a déjà été dit – un surcoût pour l’assurance maladie, leur état de santé étant beaucoup plus dégradé que s’ils avaient été traités plus en amont.

Les franchises médicales n’ont donc absolument pas réglé le problème du déficit de l’assurance maladie.

Elles n’ont d’ailleurs pas non plus amené les Français à moins consulter, comme le démontre le rapport remis sur le sujet en 2010 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé.

De plus, comme l’ont notamment rappelé nos collègues du groupe CRC, elles ont créé une injustice, contraire au principe fondateur de la sécurité sociale qui voudrait que l’on cotise à la sécurité sociale selon ses moyens pour être aidé ensuite selon ses besoins.

Les personnes qui ont le plus besoin de l’assurance maladie, celles qui sont les plus malades sont aussi celles qui paient chaque année le plus de franchises médicales. J’en veux pour preuve le fait que 42 % des recettes provenant de ces franchises sont supportées par des patients en affection de longue durée.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe écologiste du Sénat ne s’opposeront pas à cette proposition de loi.

Nous soutenons le principe d’un retour en arrière, s’agissant d’une mesure que nous avons combattue en 2007 et en 2008. Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence qu’il y a à agir en ce sens aujourd’hui, unilatéralement, étant donné le coût que la suppression des franchises et des participations forfaitaires représenterait pour les finances sociales.

Surtout, depuis 2008, les crises économiques, environnementales et sociales se sont considérablement amplifiées, et d’autres phénomènes très graves ont surgi.

Ainsi, de un à deux millions de personnes – ce sont là des données récentes publiées au titre de l’étude du fonds CMU à la fin de 2013– ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits à la CMU complémentaire, alors qu’elles sont a priori éligibles à ce dispositif. Ces dernières ne se posent donc même pas la question des franchises : elles se posent la question d’aller chez le médecin ! §Nous retrouvons ici le problème du renoncement aux soins.

De même, pour l’aide à la complémentaire santé, environ deux millions de personnes seraient victimes de cette difficulté. De surcroît, l’on ne connaît pas le nombre, à coup sûr très élevé, des bénéficiaires potentiels de l’aide médicale d’État, l’AME, qui, eux non plus, ne parviennent pas à faire ouvrir leurs droits.

Sans accès aux droits, il n’y a pas d’accès aux soins : nous le répétons depuis un certain nombre de mois. Il y a là, nous semble-t-il, un problème ultra prioritaire à résoudre.

S’y ajoute une autre question, sur laquelle nous insisterons beaucoup au cours des débats sur le projet de loi relatif à la santé : celle du nombre très élevé de personnes victimes d’affections liées à l’environnement. La réduction des causes de ces maux n’est encore que très peu prise en compte par notre système de santé, au regard des dégâts provoqués. C’est pourtant un enjeu de recherche essentiel.

Comprenez-nous bien : nous ne disons pas que le problème des franchises médicales n’est pas important. Nous considérons simplement que, au regard des marges de manœuvre très restreintes dont dispose aujourd’hui la France, nous aurions peut-être intérêt à doser nos efforts, à les concentrer et à mobiliser notre pays, à le mettre en mouvement sur l’essentiel.

À l’heure actuelle, les questions à notre avis ultra prioritaires en matière de santé, celles auxquelles il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir, sont les suivantes : l’explosion des inégalités, l’accès insuffisant aux droits en général et la faiblesse de nos politiques de prévention et de santé environnementale. À nos yeux, c’est à ces domaines qu’il faut consacrer l’essentiel des investissements au cours des mois à venir. J’espère que la discussion du projet de loi relatif à la santé permettra d’aboutir positivement.

J’ai d’ailleurs déposé un amendement de repli visant, dans un premier temps, à exonérer des franchises et des participations forfaitaires les seules personnes souffrant d’une affection de longue durée, ou ALD. Cette disposition serait moins ambitieuse que la proposition de loi, mais elle permettrait peut-être de se concentrer sur l’injustice la plus flagrante et de faciliter le consensus. Toutefois, Mme la rapporteur m’ayant demandé de retirer mon amendement, j’accéderai à sa demande, après avoir exposé ma proposition.

Quant à notre position définitive, nous la ferons connaître à l’issue de ce débat.

Mmes Nicole Bricq et Éliane Assassi applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte économique où les classes populaires subissent particulièrement l’austérité, les renoncements aux soins progressent très fortement dans certains territoires.

En partant des réalités vécues au quotidien et rapportées par les professionnels de santé eux-mêmes, on dresse le constat suivant : en ce début de XXIe siècle, il n’est pas rare de voir des patients contraints de sélectionner, dans l’ordonnance prescrite par leur généraliste ou leur spécialiste, les seuls médicaments qui sont remboursés, quitte à mal se soigner, à s’exposer à des complications et, en définitive, à coûter plus cher à la société.

Le système des franchises médicales et des participations forfaitaires a été bien décrit par Annie David et Laurence Cohen, et je n’y reviendrai donc pas. Il aboutit à ce que, parfois, des assurés sociaux voient leurs indemnités journalières amputées, parce que la sécurité sociale a récupéré en une seule fois leur montant. Dans quelle société d’insécurité vivons-nous ? Essayons un instant de nous mettre à la place des personnes en situation particulièrement précaire !

Ce système des franchises médicales et des participations forfaitaires constitue, au fond, une médecine à deux vitesses, avec un droit d’entrée symbolique pour les personnes les plus aisées et un frein à l’accès aux soins pour de nombreux malades. Au reste, l’on n’est pas riche lorsqu’on gagne le SMIC et que l’on paye les franchises médicales et les participations forfaitaires.

Plusieurs orateurs l’ont souligné : le niveau élevé du taux de renoncement aux soins pour raisons financières devrait nous interpeller, nous inciter à interroger notre système de santé et nous contraindre à évaluer sa pertinence, dans un contexte marqué par une crise économique et sociale sans précédent.

Par exemple, l’argument consistant à défendre le maintien des franchises médicales et des participations forfaitaires au nom de la responsabilisation des patients ne tient pas : ce sont les professionnels de santé qui sont prescripteurs.

Comme certains nous l’ont suggéré, nous aurions pu limiter notre texte aux patients les plus précaires, pour lesquels l’injustice des franchises médicales est particulièrement criante. Je songe notamment aux 4, 2 millions de personnes souffrant d’hypertension artérielle sévère, qui doivent désormais acquitter les franchises médicales.

Mme la rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Toutefois, nous considérons que la technique de la rustine permanente n’est pas de nature à forger une politique ambitieuse de santé publique, fondée sur la prévention et l’accès facilité aux soins.

Ainsi, nous défendons un véritable projet de société, avec la prise en charge à 100 % des dépenses de santé par notre système de sécurité sociale. Tel est notre objectif à long terme.

En effet, notre vision de la protection sociale ne se réduit pas aux affections de longue durée. Nous voulons construire un modèle d’ensemble dans lequel, comme une de nos collègues l’a déjà dit, les assurés cotisent en fonction de leurs moyens et reçoivent en fonction de leurs besoins.

Nous défendons un projet de société où la sécurité sociale prendrait en charge à 100 % les dépenses de santé des assurés sociaux. Ce projet de société, soutenu par Ambroise Croizat lors de la création de la sécurité sociale, est loin d’être une utopie.

Certains me rétorqueront peut-être que la sécurité sociale n’a jamais remboursé à 100 %. Au lendemain de la guerre, un compromis historique a effectivement été conclu, qui a laissé une place au régime mutualiste. Pour autant, notre société est aujourd’hui immensément plus riche qu’elle ne l’était à cette époque : notre pays était alors totalement dévasté et ruiné.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

De grands groupes économiques monopolisent des richesses sans précédent : les seules sociétés du CAC 40, qu’elles soient financières ou non financières, ont vu leurs profits passer, en un an, de 40 milliards d’euros à 56 milliards d’euros. Il y a de quoi donner le tournis !

On nous répète sans cesse que les caisses sont vides. Mais, à nos yeux, ce qui manque, c’est avant tout une volonté politique.

Soumettre les revenus financiers à une contribution équivalente à celle qu’acquittent les entreprises permettrait de dégager environ 77 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Prenons pour base les revenus financiers des entreprises financières et non financières. En 2010, ces derniers s’élevaient à 317 milliards d’euros : en soumettant ces revenus au taux actuel de cotisations patronales des entreprises, on pourrait dégager 41 milliards d’euros pour la maladie, 26 milliards d’euros pour les retraites et 17 milliards d’euros pour la famille. Ce système de financement nous donnerait largement de quoi assurer une couverture à 100 % des frais de santé des patients et permettrait, par là même, de limiter les effets de long terme que subit une population renonçant ou reportant des soins.

Par ailleurs, ce dispositif aurait un effet bénéfique sur le vieillissement, question essentielle que le Sénat examinera prochainement.

Pour l’heure, notre proposition de loi est beaucoup plus modeste, chacun l’admettra. Certes, elle présente un coût de 1 milliard d’euros. Mais vous constatez que l’argument financier ne tient pas, lorsqu’on examine les profits dégagés par les grands groupes du CAC 40.

Chères sénatrices, chers sénateurs de gauche, nous vous demandons simplement de voter en cohérence avec vos positions passées : votez cette proposition de loi, supprimez les franchises médicales et les participations forfaitaires instaurées par la droite. Ce serait faire un premier pas important. Ce serait surtout soutenir une mesure de justice et de progrès !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Mesdames, messieurs les sénateurs, divers points soulevés au cours de ce débat appellent quelques précisions de ma part.

Monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, vous avez évoqué le déremboursement des médicaments anti-arthrosiques. Dans les faits, le mécanisme de ce déremboursement est très simple : c’est celui qui prévaut pour toutes les évaluations de médicaments.

On le sait bien, avant sa mise sur le marché, un médicament ne peut faire l’objet que de prescriptions limitées, dans le cadre d’études. Ensuite, lorsqu’il est mis sur le marché, il est de nouveau évalué par la Haute Autorité de santé, la HAS, dès lors qu’il est prescrit assez largement. Les études menées à ce stade permettent de juger si, à grande échelle, un médicament présente ou non une réelle utilité.

Il se trouve que, selon la HAS, les traitements dont il s’agit n’ont pas l’utilité nécessaire, notamment au regard de leurs potentiels effets secondaires, qui doivent être pris en compte : tous les médicaments sont susceptibles de présenter des effets secondaires néfastes.

En l’espèce, la HAS a jugé que le service médical rendu n’était pas suffisant. C’est elle qui a décidé cette mesure. Ensuite, un arrêté de déremboursement a bien été pris, mais c’est là une procédure automatique dès lors que la Haute Autorité de santé a prononcé un jugement de cette nature.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Par ailleurs, je souhaite donner à la Haute Assemblée quelques précisions quant à l’organisation du paiement des franchises, lorsque le tiers payant sera généralisé.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

En effet, je constate que cette réforme suscite des interrogations sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.

Les uns et les autres l’ont rappelé, le flux annuel de participations forfaitaires et de franchises représente, actuellement, environ 1, 5 milliard d’euros.

Sur cette somme – je cite les chiffres de 2012 –, 600 millions d’euros ont été directement recouvrés via les règlements des assurés, hors tiers payant aux professionnels de santé. Dans ces cas, l’assurance maladie rembourse du montant de la consultation l’assuré ayant fait l’avance des frais, en retranchant le montant de la franchise ou de la participation forfaitaire.

Parallèlement, 900 millions d’euros ont été inscrits en créances sur les assurés. Que se passe-t-il en pareil cas ? Les sommes dues sont automatiquement recouvrées par les caisses d’assurance maladie sur des paiements ultérieurs correspondant à d’autres actes. Toujours en 2012, elles ont porté à 70 % sur les remboursements ultérieurs de soins de médecins, à 9 % sur les remboursements de soins dentaires, à 11 % sur les prestations en espèces et ont été recouvrées à 10 % par d’autres voies.

Que va-t-il se passer avec la généralisation du tiers payant ?

Lorsque les dispositifs de participation à la charge des assurés sont associés à la dispense d’avance de frais, ils entraînent mécaniquement l’apparition de créances de l’assurance maladie sur les assurés.

La généralisation du tiers payant en 2017 conduira de facto à supprimer la principale voie de recouvrement des participations forfaitaires et des franchises qui n’ont pas été récupérées directement lors du remboursement.

Pour sécuriser ce recouvrement, il est proposé d’introduire dans le projet de loi relatif à la santé, dont le Sénat débattra d’ici à quelques semaines, le principe d’un paiement par prélèvement bancaire après autorisation de l’assuré, et de conditionner le bénéfice du tiers payant à cette autorisation de prélèvement.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Un décret devra être pris en vue de l’application de ce dispositif. Le paiement par prélèvement bancaire, à l’image de ce que font les grands opérateurs pour optimiser le recouvrement de leurs créances, a été recommandé par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans le rapport qu’elle a consacré, en 2013, au tiers payant. Les caisses disposent d’ores et déjà des coordonnées bancaires des assurés.

Bien entendu, cette procédure nouvelle sera strictement soumise aux plafonds annuels et subordonnée, pour l’assuré, à l’acceptation de cette option, attestée par la remise d’une autorisation de prélèvement.

Ces quelques précisions étant apportées, je tiens à vous rappeler les éléments dynamiques du déficit de la sécurité sociale, que les uns et les autres ont évoqué. À cet égard, il me semble utile de mentionner quelques chiffres.

En 2007, ce déficit s’élevait à 9, 3 milliards d’euros. Il a atteint son niveau maximum en 2011, avec 20, 9 milliards d’euros. Sa résorption est désormais en bonne voie : en 2013, d’après les chiffres définitifs, il s’établissait à 15, 5 milliards d’euros. Nous ne disposons encore que d’évaluations provisoires pour 2014, mais je peux vous affirmer que l’amélioration se poursuit. Tout porte à croire qu’elle s’accentuera encore en 2015. Bien entendu, nous devons continuer nos efforts.

C’est la raison pour laquelle, en l’état actuel du déficit de la sécurité sociale, le Gouvernement ne peut être favorable à la proposition de loi. En tout état de cause, je tenais à rappeler ces chiffres importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je souhaite d’abord saluer la qualité des débats, qui nous ont permis d’aborder le fond de cette problématique. Le Gouvernement paraît d’accord avec mon groupe, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… mais il n’ira pas jusqu’à préconiser un vote favorable. Il y a là, tout de même, une fâcheuse contradiction, qui s’explique par l’entêtement du Gouvernement – nous ne cessons de le dénoncer en vain – à ne s’en prendre qu’aux dépenses.

Il existe pourtant, selon nous, et nous l’avons encore démontré aujourd’hui, d’autres moyens de faire entrer de l’argent dans les caisses de la sécurité sociale, en privilégiant de nouvelles recettes.

Madame la secrétaire d’État, vous considérez qu’il faut diminuer les dépenses inutiles. Mais de quoi s’agit-il ? Pressurer de nouveau l’hôpital public pour en extraire 3 milliards d’euros ? Si vous souhaitez réduire les dépenses inutiles, abrogez la tarification à l’acte, comme le Gouvernement s’y était engagé ! Plusieurs rapports récents du Sénat ont montré les terribles dégâts qu’elle provoque.

Vous prétendez que nous ne sommes pas dans le bon tempo, et Mme Bricq reprend vos propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous l’avez dit en substance, c’est ainsi que je l’ai compris ! Et cela correspond aux discussions que nous avons eues en commission, durant lesquelles vous vous disiez d’accord sur le fond mais émettiez néanmoins quelques réserves.

Cela étant, quel est donc le bon tempo ? Nous formulons régulièrement des propositions visant à améliorer l’accès aux soins de l’ensemble de la population – tous les exemples que nous avons avancés, et qui ont été repris par différents intervenants, indiquent que le renoncement aux soins est une réalité –, or vous les rejetez à chaque fois.

En revanche, étrangement, la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité ou du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui concernent les grandes entreprises et les grands groupes, n’a souffert d’aucun temps de latence ! L’instauration de telles mesures est possible rapidement, sans que soit exprimée de résistance !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Au contraire, il y a eu un grand temps de latence !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le problème véritable est là : l’appel à la raison que constitue notre proposition de loi n’est pas entendu. Aujourd’hui, nos concitoyens n’en peuvent plus, notamment en matière de santé. Un tel comportement porte préjudice à l’ensemble de la population !

J’ajoute que les différents exemples présentés montrent bien que les malades les plus fragiles sont ceux qui subissent de plein fouet les franchises et les forfaits. Annie David rappelait ainsi que, selon la responsable de l’association AIDES, les patients souffrant du VIH, sans complication, consacrent au moins un mois de ressources aux dépenses de santé. Comment peut-on l’accepter en 2015 ? Ce ne sont pas des rumeurs, c’est la réalité !

Chère collègue Aline Archimbaud, vous proposez d’exonérer des franchises et participations forfaitaires les malades souffrant d’affections de longue durée, ou ALD. L’ensemble de mon groupe et moi-même soutenons fortement votre proposition, mais vous l’avez bien constaté à travers les différentes interventions, nous n’avons pas la majorité dans cette enceinte. Nous avons déjà avancé une idée similaire et nous sommes prêts à la soutenir lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Défendons alors ensemble un amendement en ce sens, au moins, on ne nous reprochera pas de ne pas choisir le bon véhicule législatif ! Cela étant, comme notre proposition de loi va être rejetée aujourd'hui, votre amendement n’a donc aucune chance d’être adopté.

S’il est impossible de faire adopter des mesures ambitieuses, essayons au moins d’aider les plus fragiles !

Je regrette vraiment, madame la secrétaire d’État, que vous ne vous appuyiez pas sur ceux qui pourraient jouer un rôle moteur dans le pays pour créer un autre rapport de forces.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les II et III de l'article L 322-2 sont supprimés ;

2° L'article L. 322-4 est abrogé ;

3° À la première phrase du I de l'article L. 325-1, les mots : « à l’exception de celles mentionnées aux II et III de cet article » sont supprimés ;

4° Le second alinéa de l'article L. 432-1 est supprimé ;

5° Le premier alinéa de l'article L. 711-7 est supprimé.

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 2° de l'article L. 242-1, les mots : « à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, que ces garanties ne couvrent pas la participation mentionnée au II de l’article L. 322-2 ou la franchise annuelle prévue au III du même article » sont supprimés ;

2° L’article L. 863-6 est abrogé ;

3° Au premier alinéa de l'article L. 871-1, les mots : « à la condition que les opérations d’assurance concernées ne couvrent pas la participation forfaitaire et la franchise respectivement mentionnées au II et au III de l’article L. 322-2 du présent code et qu’elles respectent les » sont remplacés par les mots : « au respect des ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 1, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article L. 322-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et ainsi que pour les bénéficiaires reconnus atteints d'une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé ».

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Comme je l’ai dit tout à l'heure, cet amendement se justifiait par les chiffres pour l’année 2012 indiquant que 42 % du montant total des franchises était acquitté par des malades souffrant d’affections de longue durée.

Pour certaines pathologies, les pourcentages sont encore plus élevés : 59 % et 70 % des personnes atteintes respectivement de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson et 71 % des patients souffrant de mucoviscidose atteignent le plafond annuel des franchises et participations, ce qui leur coûte individuellement 100 euros par an.

Toutefois, compte tenu de l’avis défavorable exprimé par Mme la rapporteur, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je déplore le rejet de cet article, qui constituait le cœur de notre proposition de loi. Je n’en suis pas étonnée, toutefois, au vu de la position exprimée par la commission comme de la teneur de nos débats.

Je souhaite préciser en cet instant quelques éléments qui me semblent très importants pour nos concitoyens. Au cours de nos discussions, j’ai entendu dire par des orateurs siégeant sur les différentes travées de cet hémicycle que les franchises et les forfaits ne remplissaient pas leur double objectif : responsabiliser les patients et alimenter le plan Alzheimer.

La responsabilisation des patients, ainsi que Mme la secrétaire d’État l’a souligné, ne dépend pas des franchises. Lors des auditions de la commission, les représentants des syndicats, le professeur Didier Tabuteau, de Sciences-Po, Mme Joëlle Martineau, présidente de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, l’UNCCAS, et médecin urgentiste en activité, ont tous souligné qu’elle passe par d’autres canaux : la formation et l’information sur la santé, éventuellement des pénalités à l’encontre des contrevenants.

Franchises et forfaits sont inopérants sur ce point et en les défendant, on dénature totalement le socle de notre système de sécurité sociale : la solidarité entre les bien portants et les malades.

J’ajoute – personne ne l’a indiqué jusqu’à présent, me semble-t-il – que ces dispositifs sont d’autant moins efficaces que la sécurité sociale peine à récupérer la totalité de ce qu’ils pourraient lui rapporter : il manque une somme de l’ordre de 200 millions d’euros.

Ce système est complexe et inefficace, le Gouvernement partage l’objectif des auteurs de la proposition de loi, mais néanmoins ne soutient pas ce texte : quel sacré paradoxe ! Bien évidemment, nous désapprouvons cela.

De surcroît, le contexte est très grave pour les personnels de santé. Il ne s’agit pas seulement des manifestations qui vont avoir lieu contre le tiers-payant : j’ai à l’esprit le désarroi des urgentistes et des personnels hospitaliers, qui se mobilisent parce qu’ils n’en peuvent plus. En réduisant les dépenses, on met réellement en danger la santé des patients.

Au surplus, il se produit un véritable gâchis de ressources. Surveiller les dépenses ? Après la rénovation de l’hôpital Lariboisière, on s’apprête à en fermer toute une aile. Alors que la maternité de l’hôpital Bégin est neuve, on se prépare à la supprimer. La maternité des Lilas, qui est le symbole d’une démarche de mise au monde des enfants et de l’attention portée aux familles, dont le personnel et les patientes se battent depuis quatre ans et auxquels on a tant promis, est encore menacée de fermeture. Je ne comprends pas !

C’est dans ce contexte-là que vous refusez l’acte politique fort de mettre un terme à cette logique mortifère pour la santé en abrogeant une mesure injuste et inefficace. J’en conçois un grand regret !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Le débat qu’ouvre Laurence Cohen sur les problèmes de santé en général dépasse un peu le champ de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui.

Je souhaite pour ma part relever deux points importants.

Le premier concerne la question, souvent évoquée, du taux élevé de non-recours aux soins. Certes, un certain nombre de Français assurés renoncent aux soins, mais il faut tout de même préciser les secteurs concernés. Ce renoncement porte essentiellement sur les soins dentaires, ophtalmologiques et otologiques. Il serait intéressant de déterminer dans quelle proportion les soins médicaux proprement dits sont touchés. Il n’est toutefois pas certain que cela soit possible : on ne se fie qu’à des déclarations affirmant le renoncement à des soins, mais il s’agit en général de ceux que je viens d’évoquer.

Le second point que j’aimerais aborder, madame la secrétaire d'État, vise une question un peu technique, celle des déremboursements.

Comme l’a rappelé Jean-Noël Cardoux, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, s’était engagée à ne pas dérembourser de médicaments.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Sauf les médicaments inutiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Or certains médicaments anti-arthrosiques ne seront plus remboursés à partir du 1er mars prochain.

Madame la secrétaire d'État, contrairement à ce que vous avez indiqué, la Haute Autorité de santé ne décide pas du déremboursement, elle le propose éventuellement. Il revient au ministre chargé de la santé de prendre cette décision.

Or nombre de nos anciens ont recours aux médicaments susvisés, dont l’apport thérapeutique est non pas forcément nul, mais faible. Il s’agit là d’un sujet important.

Concernant les effets nocifs de ces médicaments anti-arthrosiques, que dire, madame la secrétaire d'État – ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre ! – des médicaments de substitution qui seront naturellement utilisés, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui entraînent des complications beaucoup plus importantes ?

Je tenais à faire cette petite mise au point.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je tiens simplement à préciser à Aline Archimbaud que la commission n’a pas eu à se prononcer sur son amendement n° 1 car notre collègue a accepté à ma demande de le retirer. Quant à moi, j’y suis favorable : avec mon groupe, nous partageons la proposition concernant les affections de longue durée, mais nous estimons que le présent texte n’est pas le bon véhicule législatif. C’est pourquoi nous vous suggérons, ma chère collègue, de présenter un amendement similaire dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D’ailleurs, comme vous avez pu le constater, même sur cette proposition, le Gouvernement n’était pas d’accord. Tout cela ne nous laisse pas une grande marge de manœuvre…

Je tenais à rappeler ce contexte.

À la deuxième phrase de l’article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, les mots : « est de 0, 03 % » sont remplacés par les mots : « ne peut excéder 0, 07 % ».

L'article 2 n'est pas adopté.

Les conséquences financières de la présente loi pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par un relèvement du taux de la contribution additionnelle, prévue à l’article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, à la contribution de solidarité à la charge des sociétés prévue à l’article L. 651-1 du même code.

L'article 3 n'est pas adopté.

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que, si l’article 4 connaît le même sort que les trois articles précédents, qui n’ont pas été adoptés, les explications de vote sur l’article 4 vaudront en fait explications de vote sur l’ensemble, dans la mesure où il n’y aura pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Pour des raisons de cohérence avec les priorités que nous avons proposé de retenir et que nous soumettrons de nouveau au Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à la santé, le groupe écologique s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Comme je l’ai déjà souligné, nous estimons qu’il importe de mettre très fortement l’accent sur des mesures visant à ouvrir des droits aux millions de personnes qui, aujourd'hui, ne vont pas chez le médecin. Il y a là, nous semble-t-il, un devoir de solidarité absolument prioritaire. Certes, je l’ai souvent dit, mais je le répète encore, car la situation est alarmante.

Par ailleurs, le deuxième domaine prioritaire auquel il nous paraît aujourd'hui essentiel de consacrer des moyens publics concerne la santé environnementale. Certaines maladies chroniques ont, pour partie, des causes environnementales. Hier encore, des chercheurs ont indiqué que la recherche publique en matière de santé environnementale est à l’heure actuelle très peu développée. En la matière, il convient également de se mobiliser fortement.

Comme il n’est pas possible de tout demander en même temps, nous souhaitions mettre en avant ces priorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nos discussions ont été importantes.

Sur ces questions, il convient d’avoir des débats de fond, comme celui qui est organisé dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou au travers de propositions de loi telles que celle que nous avons présentée, qui touchent au cœur de notre système de protection sociale.

Quoi qu’il en soit, nous qui avons une sensibilité de gauche ressentons un grand désarroi, car nous ne parvenons pas à faire adopter les mesures de nature à porter un coup d’arrêt à la politique d’austérité menée par le Gouvernement. Cet état de fait nous conduit à nous interroger sur les valeurs que nous portons : qu’est-ce qui fait la différence ? Qu’est-ce qu’une politique vraiment de gauche, notamment en matière de santé publique ?

On ne peut pas, d’un côté, défendre des mesurettes – certes, elles sont dignes d’intérêt, mais elles ne vont pas au bout des choses –, soutenues par le Gouvernement, et, de l’autre, ne pas adopter ce genre de proposition...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le tiers payant généralisé n’est pas une mesurette !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce n’est pas encore fait !

Au demeurant, je n’avais pas cela à l’esprit : je visais simplement l’ouverture des droits à certaines catégories de personnes.

On favorise toujours ceux qui ont le plus au détriment de ceux qui ont le moins, les plus fragiles. Je pousse peut-être ici un coup de colère, mais j’estime que, à un moment donné, chacun doit prendre ses responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le Gouvernement les prend et les assume certes ! Mais je m’interroge sur la façon dont la politique de santé est aujourd'hui conduite, car elle nuit profondément aux soins prodigués à tous sur l’ensemble du territoire.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Au-delà de l’importance du débat que nous avons eu, je ne peux pas laisser qualifier le tiers payant généralisé de « mesurette ».

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Il s’agit d’une mesure majeure pour l’accès aux soins de l’ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Toutes les autres mesures que j’ai énumérées dans mon propos liminaire visent aussi les plus fragiles d’entre nous. L’ensemble des dispositions que nous avons déjà prises concernent bel et bien l’accès aux soins des plus démunis ; je pense notamment à la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, et à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Ce sont non pas des mesurettes, mais des mesures extrêmement importantes !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Et la loi HPST ? La tarification à l’activité ? Les franchises ?

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

C’est vrai, le Gouvernement a pour principe de ne pas dépenser l’argent qu’il n’a pas.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Il prend ses responsabilités, il fait des choix, qu’il assume parfaitement.

En effet, si nous voulons que l’ensemble de nos concitoyens aient les moyens de se faire soigner correctement et que notre système de protection sociale soit pérennisé, il faut relancer l’économie de notre pays. Pour ce faire, il faut remettre en route la machine économique, non pas pour que les grandes entreprises aient de l’argent, mais tout simplement pour que chacun dans notre pays puisse avoir un emploi. C’est aussi pour l’ensemble des populations les plus démunies que nous agissons ainsi.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Lorsque ces conditions seront réunies, nous pourrons effectivement redistribuer de façon plus évidente et réfléchir alors à la suppression totale des franchises médicales. Tout cela se fait dans la responsabilité, et tel est le choix que nous faisons aujourd'hui, et nous l’assumons.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

L'article 4 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, les quatre articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires n’est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Evelyne Yonnet membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Claude Dilain, décédé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation d’un sénateur comme membre suppléant du conseil d’administration de l’Agence française d’expertise technique internationale.

La commission des affaires étrangères a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, conformément à l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap », organisé à la demande du groupe CRC.

La parole est à Dominique Watrin, orateur du groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion des dix ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le groupe CRC a proposé l’organisation d’un débat, afin de dresser le bilan de ce texte.

Je me félicite de la tenue de ce débat, car il me semble que le sujet du handicap est trop souvent négligé.

Ce débat est important parce qu’il renvoie aux valeurs de notre République, à notre capacité à incarner ces valeurs par des actes, ce qui implique de garantir la liberté de circuler, d’être maître de sa vie. Cela implique aussi l’égalité réelle de tous les citoyens en matière d’accès aux soins, d’éducation, de formation, de travail, notamment, et ce malgré les déficiences physiques ou psychiques. Cela implique, enfin, d’être fraternel et solidaire, de créer un vivre ensemble dans lequel toutes et tous, malades, bienpour l’autre peut aussi l’être pour soi-même.

Mes chers collègues, vous noterez que j’ai employé les termes « personnes en situation de handicap ». Cette expression n’a pas été choisie au hasard. En effet, elle englobe une réalité : au-delà de la déficience physique ou mentale, c’est l’environnementqui créée la situation de handicap. J’en veux pour preuve tout simplement une mère ou un père avec une poussette bloqués en bas d’un escalier à cause d’un ascenseur en panne. En l’espèce, c’est bien l’environnement qui crée la situation de blocage, de handicap.

L’une des carences de la loi de 2005 est justement de ne pasl’interaction entre incapacités et barrières diverses.

Cespouvons et devons agir.

Or, pour l’instant et malgré des progrès non négligeables, des millions de nos concitoyens voient leurs droits bafoués. À cet égard, je citerai quelques chiffres, car, derrière les discours, il y a la réalité : 6 millions de personnes, c'est-à-dire la moitié de l’agglomération parisienne, sontne parle même pas de l’ascenseur social…

À ces concitoyens s’ajoutent 5, 4 millions de personnes en situation de handicap auditif, dont la communication est altérée, parce que n’avons pas les réflexes adéquats, tel le recours à l’écrit, ou parce que les supports audiovisuels restent encore trop peu traduits dans la langue des signes. Sans oublier les 1, 7 million de personnes en situation de handicap visuel. Une meilleure accessibilité, combinée à l’engagement de chacun d’entre nous, leur permettrait d’être autonomes dans leurs déplacements. Essayons d’imaginer, par exemple, l’immense difficulté à laquelle est confronté un malvoyant dans la gare de Lyon un jour de grand départ !

S’ajoutent encore 2, 4 millions de personnes handicapées mentales, avec lesquelles, de nouveau, nous ne savons pas ou trop peu interagir.

Enfin, au-delà des handicaps liés à l’altération de certaines fonctions, la situation de handicap concerne aussi, comme je l’ai dit précédemment, les 2 millions de personnes qui chaque année se déplacent avec une poussette, les 805 000 femmes enceintes pour lesquelles la station debout peut être difficile, ou encore les personnes âgées – ne l’oublions pas, 9 % de la population ont plus de soixante-quinze ans. L’ensemble de ces personnes ne doivent pas être oubliées, ni mises au second plan en termes de politiques publiques.

La loi de 2005 constituait un réel espoir, après trente ans de néant. Comme l’indiquait Michelle Demessine lors de la discussion du projet de loi, le sentiment général était, pourtant, à la déception. Il était question de concrétiser le vivre ensemble, mais, au final, le texte adopté, même s’il comportait certaines avancées, prévoyait des moyens financiers et humains insuffisants.

Cela a conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui : l’accessibilité n’est que partielle sur notre territoire, les aides humaines et techniques font défaut, les places en institutions spécialisées sont en nombre insuffisant, ce qui oblige des milliers d’adultes handicapés à rejoindre la Belgique.

Pour faire le point de manière plus précise, j’aimerais établir le bilan de cette loi sur chacun des grands thèmes qu’elle abordait, en m’attardant sur certains sujets mis en lumière par l’actualité.

La loi du 11 février 2005 prévoyait de créer des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Dirigées par les conseils généraux, elles centralisent l’information à destination des personnes handicapées, ainsi que l’octroi de ressources. Elles sont ainsi responsables du versement de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, de la prestation de compensation du handicap, la PCH, créée par la loi de 2005, ou encore de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH. Les MDPH gèrent également le fonds de compensation, utilisé pour fournir des prestations extralégales, souvent pour financer des restes à charge.

Dès 2005, nous pointions du doigt un risque de conflit d’intérêts, le conseil général étant à la fois juge et partie : juge parce qu’il participe à l’évaluation des besoins de demandeurs de prestations, partie parce qu’il finance lesdites prestations. Nos craintes ont été confirmées, notamment par l’Association des paralysés de France, qui dénonce l’ingérence de certains conseils généraux.

Au-delà de cette question, les MDPH sont aujourd’hui saturées : le nombre des bénéficiaires potentiels des services de ces établissements a considérablement augmenté, du fait notamment des progrès médicaux ou de l’allongement de la durée de vie. Ainsi, en Moselle, 36 % des personnes ayant un droit ouvert auprès de la MDPH sont âgées de plus de 60 ans.

L’augmentation du nombre de dossiers à traiter pèse sur les délais, qui peuvent aller jusqu’à six mois, y compris dans les situations d’urgence, pour l’obtention d’aides humaines ou techniques, souvent vitales. Elle pèse également sur les conditions d’accueil dans les MDPH : celui-ci devient de plus en plus administratif et déshumanisé, alors que les MDPH se voulaient des lieux d’écoute et d’échange. En outre, les décisions concernant l’octroi de la PCH sont prises à la chaîne par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, souvent sans même rencontrer les intéressés. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais savoir ce que vous comptez faire pour apporter aux MDPH des assurances quant à leur maintien et à l’amélioration de leur fonctionnement.

La loi de 2005 a donc créé la PCH, c’est-à-dire un droit à compensation, qui est lié non pas au revenu de la personne handicapée, mais à ses besoins et à son projet de vie. Son montant est calculé à partir d’une grille forfaitaire. Ainsi, une personne handicapée ayant droit à six heures d’aide humaine par jour au maximum se voit attribuer un montant de prestation correspondant au paiement de ces heures. Or, les prestataires peuvent pratiquer des tarifs différents de ce que prévoit le barème de la MDPH : la personne handicapée ne pourra alors bénéficier du nombre d’heures d’aide humaine dont elle a besoin, à moins qu’elle ne finance le solde sur ses ressources propres. Les associations constatent ainsi l’existence d’un reste à charge élevé, auquel s’ajoutent d’ailleurs l’achat de médicaments peu ou pas remboursés et le paiement de franchises et de participations forfaitaires.

Sur le plan des ressources, la loi de 2005 permettait notamment le cumul de l’AAH avec un revenu d’activité, tandis que les associations défendaient l’idée de la mise en place d’un revenu d’existence équivalent au SMIC. Nous en sommes loin aujourd’hui : sur les 8, 6 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 987 euros par mois, 2 millions sont en situation de handicap ou d’invalidité. Le montant moyen de l’AAH, principale source de revenu pour les personnes en situation de handicap ne pouvant pas travailler, s’élevait à 693 euros en 2014.

La loi du 11 février 2005 traitait également de la scolarisation des enfants en situation de handicap et de l’accès à l’enseignement professionnel et supérieur. Elle privilégiait une scolarisation en milieu ordinaire, mais prévoyait aussi le développement de structures spécialisées.

En termes quantitatifs, le bilan est positif : le nombre d’élèves scolarisés en classes ordinaires a augmenté d’un tiers, et le nombre d’étudiants en situation de handicap a doublé.

Pour autant, beaucoup reste à faire en termes de qualité d’accueil et d’accompagnement des enfants en situation de handicap. Ainsi, la loi prévoyait la transformation des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, en accompagnants d’élèves en situation de handicap, ou AESH. Il s’agissait d’en finir avec la précarité des contrats d’AVS et de garantir une meilleure qualification des accompagnants. Or, sur ce point, faute de moyens financiers, les contrats d’AVS peinent à se transformer en contrats d’AESH.

De plus, le Défenseur des droits et l’Association des paralysés de France pointent un défaut d’accompagnement dans les activités périscolaires et extrascolaires, accentué par la réforme des rythmes scolaires. Il oblige trop souvent les parents d’enfants en situation de handicap à renoncer à leur activité professionnelle.

La dernière réforme des rythmes scolaires a renforcé et sanctuarisé le temps périscolaire. Nous ne pouvons que nous féliciter de la prise de conscience par le Gouvernement du besoin d’émancipation culturelle et intellectuelle de nos enfants. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui l’accueil des enfants souffrant de handicap est fortement compromis, voire impossible, par manque de formation des animateurs et, surtout, manque de personnel spécialisé au sein des structures d’accueil. Pourtant, des recommandations – non suivies pour l’heure d’effet – ont été formulées par le Défenseur des droits afin de pallier ces manquements de l’État.

En outre, des dispositions du code de l’éducation, sanctuarisant par exemple le temps périscolaire et le droit à l’éducation pour tous, sonnent bien creux au regard de la réalité à laquelle sont confrontés de nombreux enfants souffrant de handicap, leurs familles, mais aussi les personnels enseignants, bien souvent insuffisamment formés. Je tenais à souligner cette difficulté nouvelle liée au temps périscolaire, apparue depuis la promulgation de la loi de 2005.

Par ailleurs, et j’insiste sur ce point, de trop nombreux bâtiments d’enseignement restent inaccessibles aux personnes en situation de handicap, notamment ceux des établissements d’enseignement supérieur.

Je souhaite également profiter de ce débat pour attirer l’attention sur un point précis, qui montre bien les efforts qu’il nous reste encore à faire.

Savez-vous, madame la secrétaire d’État, qu’un élève dispensé de cours de langues au titre d’un handicap de la parole sera tout de même soumis à l’examen dans la discipline concernée ?

L’article 1er du décret du 11 décembre 2014 stipule en effet de manière étonnante que « les dispenses d’enseignement ne créent pas le droit à bénéficier d’une dispense des épreuves d’examens et concours correspondantes ». Allez y comprendre quelque chose ! C’est là un exemple significatif du parcours du combattant que représente la scolarité pour un jeune en situation de handicap.

En termes d’emploi des personnes handicapées, le constat est similaire : la loi de 2005 renforce les sanctions pour les entreprises n’embauchant pas de personnes en situation de handicap, mais ne prévoit rien en matière de qualité de l’emploi, de formation, de non-discrimination, d’adaptation des postes, etc. C’est ainsi que, selon le Défenseur des droits, l’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations liées au handicap. Quant au taux de chômage des personnes en situation de handicap, il est deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population.

Il est urgent d’agir pour mettre fin à toutes ces discriminations et permettre aux milliers d’élèves en situation de handicap qui vont sortir de nos écoles et universités d’obtenir un emploi.

Ce sujet me préoccupe d’autant plus que le projet de loi dit « Macron » permettra aux entreprises de s’exonérer, au moins partiellement, de cette obligation d’emploi de personnes handicapées, en proposant des stages de « découverte d’un métier » non rémunérés ou en ayant recours à des travailleurs indépendants handicapés, non salariés.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d'État

C’est une demande des associations !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Annie David reviendra sur ce point dans la suite du débat.

L’accessibilité est le dernier point sur lequel je souhaite insister, car il trouve un écho dans l’actualité récente.

Déjà en 2005, nous dénoncions un calendrier trop large, pour des personnes qui attendaient depuis trente ans d’être enfin reconnues par la République comme des citoyens et des citoyennes à part entière, disposant du même accès aux droits que les autres. Cette volonté de pouvoir accéder aux bâtiments administratifs, aux écoles, aux établissements de soins, aux lieux de divertissements ou de pratique sportive et culturelle est tout à fait légitime. Il s’agit d’un droit fondamental.

Pourtant, du fait de la pression des lobbies, d’une austérité budgétaire sans précédent pour les collectivités locales et, surtout, faute de volonté politique, le calendrier fixé en 2005 n’a pas été respecté. Si des progrès ont été faits, l’accessibilité n’est pas une réalité en France au 1er janvier 2015. De surcroît, au lieu d’accélérer le processus, d’accentuer la pression, l’ordonnance du 26 septembre accorde des délais supplémentaires pour la mise en accessibilité, et surtout prévoit un nombre si élevé de dérogations qu’elle entérine de fait un retour en arrière.

J’ai parlé de volonté politique : il s’agit, à mon sens, principalement de cela, de notre capacité à rendre prioritaire la mise en accessibilité, malgré les contraintes budgétaires, à faire en sorte que la question du handicap soit prise en compte par l’ensemble des acteurs, guidés par une logique de solidarité, mais aussi par le fait que la mise en accessibilité profite à toutes et tous, et contribue à un meilleur vivre-ensemble.

Ainsi, au lieu de nous contenter de répondre, souvent a minima, aux exigences de la loi en matière d’accessibilité, nous pourrions imaginer le territoire de demain, revoir notre manière de vivre ensemble, innover sur le plan technologique et urbanistique.

L’égalité de traitement des personnes en situation de handicap sur l’ensemble du territoire devrait être garantie par la loi de 2005. Nous en sommes loin. De fortes inégalités existent, liées à la diversité des priorités et des moyens locaux. Les délais de réponse varient par exemple considérablement selon les départements, de même que l’évaluation des besoins, la prise en compte des projets de vie, les niveaux de financement des heures d’aide à domicile, ainsi que l’interprétation des règles. Est-il acceptable que les fonds départementaux de compensation varient autant à situation équivalente ?

Cette inégalité de traitement signe un échec patent. Il faut absolument agir pour établir l’égalité de traitement sur le territoire français.

Pour cela, une volonté politique et une prise en compte globale de la question du handicap et de l’autonomie sont nécessaires.

Madame la secrétaire d’État, je le dis d’emblée, la question du handicap est au cœur de notre société. L’ampleur de la crise économique et sociale constitue un obstacle supplémentaire à l’intégration des personnes en situation de handicap, à l’école, au travail, dans tous les lieux et moments de la vie.

Il faut donc manifester encore plus de courage pour affronter les difficultés, pour accompagner ceux qui font face à des défis que la solidarité et l’esprit de justice sociale peuvent permettre de relever. Je suis persuadé que ce débat, ouvert sur l’initiative du groupe CRC, nous y aidera.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, seulement 15 % des personnes handicapées le sont de naissance ou le deviennent avant l’âge de 16 ans. Qui parmi nous peut se prétendre à l’abri d’un coup du sort ? Faut-il être personnellement affecté pour changer de regard ?

« Nous sommes tous handicapés », clame Theodore Zeldin, historien et sociologue britannique. « Nous sommes tous handicapés, parce que chacun d’entre nous a ses faiblesses, et celui qui n’en a pas conscience est le plus handicapé de tous ! »

Le vote de la loi du 11 février 2005 signa une avancée législative considérable, notamment en matière d’accessibilité, thème que j’aborderai en premier lieu. J’évoquerai ensuite quatre autres points clefs de cette loi, à savoir la création des maisons départementales des personnes handicapées, le droit à compensation des conséquences du handicap, l’accès à la scolarisation et l’insertion professionnelle.

Qu’est-ce que l’accessibilité ? En France, il faut croire que c’est un rêve…

Je citerai Philippe Croizon, amputé des quatre membres, qui œuvre aux côtés de l’Association des paralysés de France : « Je rêve que la personne en situation de handicap dise : Je vais au cinéma, je vais faire mes courses, je vais prendre le métro, je travaille grâce aux compétences acquises pendant toute ma formation scolaire. »

Selon l’INSEE, son rêve est partagé par 9, 6 millions de personnes. Vous avez bien entendu, mes chers collègues : pour près de 10 millions de nos compatriotes, la ville est un parcours d’obstacles. Ce chiffre, incroyable, excède bien sûr largement celui de la population qui circule en fauteuil roulant, comme l’a rappelé Dominique Watrin.

Il y a dix ans, Jacques Chirac faisait voter la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite « loi Handicap ». L’adoption de cette loi traduisait la volonté des pouvoirs publics de généraliser l’accessibilité dans tous les domaines de la vie sociale – éducation, emploi, cadre bâti, transports… –, cela dans un délai de dix ans.

Et voilà que le gouvernement socialiste veut oublier les échéances de la loi de 2005 ! Cette loi donnait dix ans pour réaliser les aménagements nécessaires afin de rendre accessibles les établissements recevant du public, d’une part, et les transports publics, d’autre part, les dates butoirs étant fixées, respectivement, au 1er janvier 2015 et au 13 février 2015.

Sentant qu’il ne pourrait jamais tenir les engagements de ses prédécesseurs, le Gouvernement a approuvé, lors du conseil des ministres du 25 septembre 2014, un projet d’ordonnance visant à redéfinir les modalités de mise en œuvre du volet « accessibilité » de la loi. Ainsi est né l’agenda d’accessibilité programmée, nouveau dispositif d’échéanciers de réalisation des travaux de mise en conformité par les acteurs publics et privés.

Voilà exactement un an, Philippe Croizon lançait une campagne et une pétition pour que le Gouvernement se ressaisisse, avec pour mot d’ordre : « Accessibilité : la liberté d’aller et de venir ne peut pas attendre 10 ans de plus ! » En effet, l’ordonnance permet d’octroyer de nouveaux délais de trois ans, de six ans ou même de neuf ans, selon les cas de figure !

Au début du mois de février dernier, des centaines de personnes en fauteuil roulant ont manifesté dans les rues d’une trentaine de villes de France. On lisait, sur leurs pancartes : « liberté, égalité, accessibilité » ou encore : « accéder, c’est exister ».

C’est le temps du bilan. En matière d’accessibilité, l’application de la loi du 11 février 2005 est un échec, je dirais même une indignité nationale, constatée dans une parfaite indifférence.

La loi du 11 février 2005 visait à faire de l’accessibilité une arme contre l’exclusion et la discrimination. Ce sera pour plus tard : demain, toujours demain.

Les chiffres sont affolants : une école primaire publique sur deux, six lignes de bus sur dix ou, tenez-vous bien, plus de 80 % des établissements recevant du public ne sont pas aux normes en matière d’accessibilité.

Dans ce domaine, mes chers collègues, le bilan est calamiteux. Il est plutôt décevant sur les quatre autres points que je vais maintenant évoquer.

Premièrement, les maisons départementales des personnes handicapées, créées par la loi de 2005, sont de nouveaux interlocuteurs de proximité ayant vocation à simplifier les démarches administratives. Elles doivent faire face à une explosion du nombre des demandeurs. Or le rapport de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, nous apprend que ces structures sont « agiles, mais fragiles ». De plus, les fonds départementaux de compensation souffrent de l’imprévisibilité de leurs ressources financières.

Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé un amendement gouvernemental au projet de loi relatif à la santé qui tendra à prévoir « une obligation d’orientation permanente des personnes » au sein des MDPH. Pouvez-vous clarifier la teneur de ce dispositif ?

Deuxièmement, la reconnaissance d’un droit à compensation des conséquences du handicap constitue un autre volet important de la loi de 2005. Les bénéficiaires de la PCH ont ainsi obtenu en moyenne sept heures d’aide humaine par jour, contre deux heures en moyenne précédemment. Toutefois, la PCH demeure insuffisante au regard des objectifs initiaux. Elle ne couvre pas les dépenses à hauteur des besoins réels et elle n’a jamais été étendue aux personnes devenues handicapées après l’âge de 60 ans, en contradiction avec ce que prévoyait la loi. Eu égard à la dégradation des finances départementales, comment assumer cette charge de manière pérenne ?

Troisièmement, l’accès à la scolarisation en milieu ordinaire représentait une belle promesse de la République faite au monde du handicap. Le nombre des assistants de vie scolaire a doublé en dix ans, mais reste très insuffisant. De plus, ces personnels sont souvent démunis face au handicap de l’enfant, par manque de spécialisation.

Si 42 % des jeunes entreprennent des études supérieures, seulement 9 % des élèves handicapés y parviennent. Ce trop faible niveau de qualification constitue le principal obstacle à leur insertion professionnelle.

En matière d’insertion professionnelle, précisément, si la loi de 2005 a permis des améliorations, les résultats sont loin d’être satisfaisants, le taux de chômage des personnes handicapées s’établissant à 22 %, soit le double de celui des valides. La loi de 2005 était-elle le bon véhicule législatif pour dynamiser l’insertion professionnelle ? La question se pose.

En conclusion, au-delà de la loi, c’est la société tout entière qui doit accepter le handicap. L’État ne fera jamais disparaître le handicap, ni la différence, la difformité, la souffrance, qui doivent être acceptés comme des réalités sociales, intégrés dans la « normalité », le quotidien de la vie, de l’école, des loisirs ou du monde du travail.

Tétraplégique depuis une quinzaine d’années à la suite d’une chute de cheval, Édouard Braine, ancien consul général à Londres, a pu mesurer l’écart qui séparait la France du Royaume-Uni :

« Depuis Londres, j’avais estimé notre retard sur les Britanniques à trente-cinq ans. Ce délai est celui qui sépare l’adoption de la loi principale sur le sujet votée par le parlement de Westminster, en 1970, tandis que la loi française date de 2005.

« Mon estimation était hélas optimiste, car, si les obligations d’accessibilité prévues dans notre loi étaient remises en cause, notre handicap par rapport aux Anglais dépasserait alors cinquante ans. […]

« Le mythe de la prise en charge intégrale, même dans une optique charitable, est une piste beaucoup moins efficace que l’approche pragmatique des Anglo-Saxons et de nos voisins en Europe. L’État providence […] est moins efficace qu’une société solidaire, où chacun peut trouver sa place, gagner sa vie et prouver son utilité. Les zandikapés ont moins besoin d’un ministère […] que d’une reconnaissance de leur normalité. »

Sinon, « les espoirs, nés de la prise de conscience collective révélée à l’automne 2011 par le succès du film Intouchables, inspiré du livre de Philippe Pozzo di Borgo, seraient alors réduits à néant ».

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est, de l’avis de tous, une grande loi. Elle a permis de changer notre regard, les mentalités et notre réflexion sur un sujet trop longtemps négligé et elle a engagé de grandes avancées pour tous les citoyens en situation de handicap permanente ou temporaire. Le rapport d’information élaboré en 2012 par nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré au nom de la commission pour le contrôle de l’application des lois l’a souligné.

La dépense publique pour la prise en charge des situations de handicap a connu entre 2005 et 2010 une croissance forte, de l’ordre de 22 %. Des avancées significatives ont été réalisées.

On peut notamment citer la scolarisation des enfants porteurs de handicap, qui concernait en 2010 plus de 200 000 élèves, soit 32 % de plus qu’en 2005. Le nombre d’AVS a doublé entre 2007 et 2010, pour représenter 23 261 équivalents temps plein travaillé, de même que les moyens consacrés à l’accompagnement de ces élèves, passés de 160, 3 millions d'euros à 342, 5 millions d'euros.

Je citerai encore la sécurisation des parcours des travailleurs en situation de handicap, la revalorisation de 25 % de l’AAH entre 2008 et 2012, l’amélioration de l’accès à la culture – télévision, audiodescription… –, les 51 450 places disponibles en établissements et services, la création d’un guichet unique pour les services aux personnes en situation de handicap avec la mise en place du dispositif des maisons départementales des personnes handicapées, le lancement du plan autisme et celui du plan handicap visuel, la création d’un observatoire et d’un comité.

C’est dire l’ampleur de la tâche qu’il a fallu accomplir. Tous ces progrès ont été permis par l’action du gouvernement précédent, dont cette loi symbolise la détermination.

Cependant, le rapport d’information de nos collègues a relevé des retards, sur le terrain, dans la mise en accessibilité du cadre bâti, des transports et de l’environnement des personnes en situation de handicap.

La loi avait en effet fixé deux dates butoirs pour que l’accessibilité devienne totalement effective : le 1er janvier 2015 pour les établissements publics et privés recevant du public ; le 13 février 2015 pour les transports publics. C’est à la suite de la remise, en mars 2013, des conclusions de la mission effectuée par notre collègue Claire-Lise Campion que le Gouvernement a déposé un projet de loi l’habilitant à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. Force est de constater que l’objectif d’une accessibilité universelle au 1er janvier 2015 était trop ambitieux.

Ainsi, le présent gouvernement a pris une ordonnance visant à adapter l’échéance fixée par la loi Handicap, au travers de la création des agendas d’accessibilité programmée, qui ouvrent de nouveaux délais de trois à neuf ans pour la mise aux normes et prévoient des sanctions en cas de non-engagement des travaux.

En tant que maire, je suis très concerné par la mesure. La mise en place de ces agendas apparaît comme une solution pragmatique et raisonnable. Cela met un peu de souplesse dans un dispositif indispensable, mais dont la mise en œuvre coûte cher.

Il faut souligner que, jusqu’à présent, les collectivités ont fait de leur mieux, malgré la crise qui a frappé le pays dès la mi-2008 et qui les a elles aussi touchées. Par exemple, une enquête en date du 1er juillet 2012 indique que 85 % de la population est couverte par un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, ou PAVE, adopté ou en cours d’élaboration. Ces plans concernent l’ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement du territoire communal.

La mise en place de ces agendas est une mesure raisonnable, car aujourd’hui les collectivités doivent supporter une réduction drastique et sans précédent des dotations de l’État. Le Gouvernement a en effet décidé de diminuer de 11 milliards d'euros les aides aux collectivités territoriales sur les trois années à venir. Il faut en outre rappeler que, selon une étude réalisée en 2010 par la Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés, la Fédération française du bâtiment et Dexia, la réalisation des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public représenterait un investissement de 17 milliards d’euros pour les collectivités.

Dans le détail, la facture est, sans surprise, plus élevée pour les communes où se concentre le plus grand nombre d’établissements recevant du public : elle atteint 1, 98 milliard d’euros pour les communes de moins de 3 000 habitants et 8, 33 milliards d’euros pour celles de plus de 3 000 habitants. L’étude évalue le budget moyen de la mise en accessibilité d’un établissement recevant du public à 11 000 euros pour les communes de moins de 3 000 habitants et à 73 000 euros pour celles de plus de 3 000 habitants. Le coût moyen par établissement recevant du public monte à 170 000 euros pour les départements et à 226 000 euros pour les régions.

La mise en place de ces agendas est une mesure raisonnable, car il faut se donner le temps de trouver les ressources nécessaires pour assurer la mise en œuvre d’un tel plan dans une situation budgétaire complexe, sans faire supporter la charge, une fois de plus, aux contribuables, alors même que les communes doivent faire face, avec des ressources et des dotations toujours plus rognées, à des dépenses supplémentaires, liées à la réforme des rythmes scolaires, à l’instruction des documents d’urbanisme, et j’en passe.

Bien sûr, nous sommes très attachés à cette loi d’une importance primordiale dont nous sommes les initiateurs et nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité de respecter l’agenda d’accessibilité programmée, assorti d’un dispositif de suivi et de sanctions. Le processus devra être irréversible et nous veillerons à son application.

Ces mises aux normes sont essentielles pour le bien-vivre des personnes en situation de handicap et pour l’avenir de la société tout entière, confrontée au vieillissement de la population. Nous comprenons la colère des associations représentatives et nous tenons à saluer le rôle crucial qu’elles ont joué dans l’élaboration de cet édifice unique qu’est la loi du 11 février 2005.

En conclusion, je souhaiterais savoir quelles mesures financières et quel dispositif budgétaire, au-delà des ressources provenant de l’application des sanctions financières, le Gouvernement compte adopter pour assurer la mise en œuvre de l’accessibilité universelle dans les délais impartis.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI -UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, trente ans après le texte fondateur de 1975, la loi du 11 février 2005 a incontestablement fait avancer la cause et la situation des personnes handicapées. Cette belle loi a à la fois affirmé de grands principes et posé des jalons pour la mise en œuvre d’une politique forte en faveur des personnes handicapées. Pour la première fois, elle a donné une définition du handicap qui intègre toutes les formes de déficience : physique, sensorielle, mentale, cognitive, psychique. Elle dépasse l’approche médicale et souligne l’importance de l’environnement dans la constitution du handicap.

C’est une loi ambitieuse, car elle visait, au travers d’une approche transversale, à couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées, et ce quel que soit leur âge : compensation du handicap, scolarisation, formation et emploi, accessibilité. Son entrée en vigueur a enclenché une dynamique inédite et des efforts incontestables ont été déployés.

Les mentalités ont évolué. Le regard de notre société se modifie lentement, trop lentement. La différence fait moins peur et le handicap est davantage perçu comme un facteur de progrès et de lien social.

Cependant, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux et la déception est grande parmi les personnes handicapées. À l’occasion de chaque rencontre ou échange, des personnes me disent que les choses ne vont pas assez vite, que cela fait quarante ans qu’elles attendent, qu’elles n’ont plus confiance. Je reçois des courriers qui relatent des difficultés inadmissibles ou décrivent le parcours du combattant accompli au quotidien afin de trouver une solution pour la prise en charge ou l’accueil d’un proche. Je comprends le sentiment d’usure des familles. Cette situation est intolérable, et notre responsabilité est engagée.

Mais je sais aussi le travail qui a été mené depuis 2012 et la volonté politique du Gouvernement de faire avancer les choses, dont témoigne sa forte mobilisation, compensant le manque d’engagement politique observé sous le précédent quinquennat.

J’aborderai successivement les thèmes de l’accessibilité, du travail et de la formation, de la santé.

La loi du 11 février 2005 a introduit le concept d’accessibilité universelle pour désigner le processus visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter l’exercice par une personne de ses activités quotidiennes. Toutefois, même si de réels progrès ont été accomplis, force est de constater que l’objectif n’avait pas été atteint à l’échéance du 1er janvier 2015.

La sensibilisation et la mobilisation des acteurs n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu. L’application de la loi n’a pas été assez accompagnée et soutenue politiquement, comme Isabelle Debré et moi-même l’avons relevé dans le rapport, remis le 4 juillet 2012, que nous avons rédigé au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Une fois ce constat posé, la forte volonté politique du gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est mise en branle, avec le pragmatisme pour mot d’ordre. À l’issue d’une concertation nationale inédite – plus de 140 heures d’échanges et d’écoute –, il a été décidé de mettre en place des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, et une nouvelle réglementation tenant compte des retours d’expérience, afin de mettre un terme à de nombreuses incohérences. Nous reviendrons, à l’occasion de la ratification de l’ordonnance, sur ces éléments, mais je tiens à réaffirmer ici qu’il ne s’agit aucunement d’un recul.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault faisait le constat dès son entrée en fonction, en 2012, que nous étions dans une impasse. Il n’était pas concevable de laisser la question se régler devant les tribunaux, en prenant ainsi le risque de devoir revenir sur l’objectif de la loi. Des tentatives en ce sens sont à déplorer, et nous ne devons pas les oublier. Cette réforme évite un retour en arrière. Elle nous inscrit dans un temps encadré, contrôlé. Nous ne renonçons à rien, nous donnons un délai pour atteindre l’objectif.

En ce qui concerne le travail et la formation, la loi de 2005 opère un changement de paradigme sur la question de l’emploi des personnes handicapées : traditionnellement appréhendée à partir de l’incapacité de la personne, elle est désormais envisagée à partir de l’évaluation des capacités de celle-ci.

S’inscrivant dans la continuité de la loi du 10 juillet 1987, la loi Handicap maintient pour tous les employeurs, privés et publics, de vingt salariés ou plus, l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la proportion de 6 % de l’effectif total, tout en leur permettant de satisfaire à cette exigence selon diverses modalités. Surtout, elle étend aux employeurs publics le dispositif de contribution annuelle financière destiné à compenser le non-respect de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, en créant le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP. La loi charge par ailleurs les maisons départementales des personnes handicapées d’évaluer l’employabilité des personnes concernées et de les orienter vers le marché du travail.

Dix ans après, les progrès sont perfectibles et trop lents. Certes, le taux d’emploi des personnes handicapées est proche de l’objectif visé. À titre d’exemple, la fonction publique territoriale est la plus vertueuse, devant la fonction publique hospitalière et la fonction publique d’État, leurs taux d’emploi de personnes handicapées s’établissant respectivement à 5, 97 %, à 5, 34 % et à près de 4 %.

Il n’en demeure pas moins que les chiffres sont en dessous de la réalité. Les salariés hésitent en effet à déclarer leur handicap, craignant que cela ne constitue un obstacle pour leur carrière.

Le fait est cependant que l’emploi des personnes handicapées a subi de plein fouet les effets de la crise économique depuis 2008. Le taux de chômage de ces personnes est deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population.

Si je salue l’accord signé pour trois ans au début de février 2015 entre l’État, Pôle emploi et Cap emploi, avec le soutien de l’AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, et du FIPHFP, je redis que le chemin restant à parcourir est long.

Derrière la question du chômage se cache celle de la formation. Le faible niveau de qualification des personnes handicapées est un obstacle à l’obtention d’un emploi. Dans ce domaine, l’espoir de voir s’infléchir la tendance est réel, compte tenu de la progression constatée de la scolarisation des enfants et des jeunes en situation de handicap.

Je dirai enfin quelques mots sur l’accès aux soins, qui est un droit fondamental, à l’égard duquel nous ne sommes pas tous égaux. Chacun s’accordera sur l’impérieuse nécessité de remédier aux inégalités, mais il est une fraction de la population pour qui se rendre chez le médecin de son choix relève du parcours du combattant. Les personnes porteuses de handicaps figurent indéniablement parmi celles qui rencontrent le plus de difficultés en matière d’accès aux soins et sont, partant, le plus victimes de ces inégalités, du fait à la fois de leur handicap, évidemment, d’un manque de formation des professionnels de santé, lesquels n’ont pas été préparés à accueillir et à prendre en charge les personnes handicapées dans leurs spécificités, et enfin du manque d’accessibilité des locaux, sujet trop peu souvent évoqué en matière d’entrave à l’accès aux soins.

Si l’égal accès aux soins est un enjeu de santé publique majeur pour l’ensemble des Français, des solutions devant être trouvées sous peine de rompre la promesse d’égalité républicaine, cette question se révèle bien plus saillante encore lorsqu’on l’envisage au travers du prisme du handicap.

À cet égard, je salue la signature par plus de trente organisations de la charte « Romain Jacob » pour l’accès aux soins des personnes en situation de handicap. Le Gouvernement, par la voix de Mme Neuville, a annoncé le dépôt d’amendements au projet de loi relatif à la santé tendant à permettre que les personnes porteuses de handicap puissent être prises en charge dans les meilleures conditions possible.

Mes chers collègues, nous ne manquerons pas, j’en suis sûre, de soutenir ces propositions. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons la responsabilité de faire vivre la loi du 11 février 2005. Œuvrons dans un esprit de solidarité pour que notre société permette à chacun de vivre avec ses singularités.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRC d’avoir demandé la tenue de ce débat, qui porte sur un sujet essentiel.

L’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a constitué un tournant symbolique. Cette loi a changé le regard de notre pays sur le handicap. Fini, la logique d’assistanat ! La loi garantissait l’égalité de tous les citoyens et mettait en avant la nécessité d’accompagner les personnes handicapées dans leur quotidien, afin qu’elles puissent avoir un parcours de vie comme tout un chacun.

Droit à l’éducation pour tous les enfants, accès aux droits fondamentaux reconnu et simplifié, grâce par exemple à la création des maisons départementales des personnes handicapées, mise en place de l’accessibilité universelle à l’échéance de dix ans : les avancées prévues dans le texte étaient porteuses d’espoir pour les millions de personnes en situation de handicap de notre pays.

Dix ans après, cela a déjà été dit, si des progrès ont été enregistrés, force est de constater l’existence d’un important retard. Les personnes handicapées sont les premières à faire cet amer constat : selon un sondage effectué par l’IFOP au début de l’année, près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis dix ans ; près d’un quart des personnes interrogées juge même qu’il s’est dégradé !

Dix ans après son adoption, il faut donc bien reconnaître que les objectifs fixés par la loi de 2005 sont encore loin d’être atteints. En tant que parlementaires, nous devons mesurer la gravité de la situation. Le fait qu’une loi votée voilà dix ans ne soit que très partiellement appliquée est de nature à troubler les repères républicains dans notre pays et à aggraver la méfiance de certains de nos concitoyens à l’égard de la politique en général. Il nous faut réagir !

Le retard est immense. Pour le rattraper, nous avons autorisé en juillet 2014 le Gouvernement à légiférer par ordonnances. La mise en place des agendas d’accessibilité programmée était, sur le principe, un bon moyen d’inciter à la réalisation effective des travaux de mise en accessibilité. Pourtant, les associations nous alertent, souvent avec colère, sur le contenu de ces ordonnances, qui est loin d’être satisfaisant.

La mise en accessibilité ne peut pas être vue comme une contrainte. Elle ne peut pas être perçue comme une charge financière qui empêcherait la réalisation d’autres investissements. Elle impose bien sûr de faire des choix, des arbitrages, de définir des priorités, mais elle doit être vue comme un bénéfice pour tous et comme un investissement allant de soi. La notion de « difficulté financière », servant à justifier des dérogations, « renouvelables si nécessaire », au dépôt d’Ad’AP, doit être maniée avec prudence et clairement définie. Il faut veiller à ce que les travaux de mise en accessibilité ne passent pas systématiquement après d’autres investissements qui seraient jugés plus importants.

Comment la promotion de l’égalité de tous les citoyens ne serait-elle pas la priorité dans notre république ? L’État, le Gouvernement, les pouvoirs publics, les administrations, mais aussi les acteurs économiques et sociaux en général doivent s’engager.

L’État, en particulier, doit montrer l’exemple. Pourtant, la France est régulièrement montrée du doigt pour non-respect des droits de ses citoyens en situation de handicap. Ainsi, en février, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, un prisonnier handicapé ayant été traité d’une façon jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a encore une fois épinglé la France en raison de l’insuffisante scolarisation des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes : 20 000 d’entre eux ne seraient pas scolarisés en milieu ordinaire, alors que cela est vivement recommandé, dès lors qu’un accompagnement adéquat est assuré.

Le droit à l’éducation, pourtant inscrit dans la loi de 2005, est d’autant plus mis à mal que l’accessibilité des établissements scolaires n’est souvent pas assurée : comment est-il possible qu’un quart des écoles construites après 2008 ne soient pas accessibles, comme l’indique une étude récente de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ? Comment est-il possible que la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne soient souvent pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils devraient l’être depuis plusieurs années ? Comment se fait-il que l’évolution du statut professionnel des auxiliaires de vie scolaire progresse si difficilement ?

Les effets de cette situation sont désastreux : tout cela contribue au fait que les personnes handicapées soient moins diplômées que la moyenne, 51 % d’entre elles n’ayant aucun diplôme ou seulement le BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Leur taux de chômage est de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et il ne cesse de croître dramatiquement depuis plusieurs années : il a ainsi augmenté de plus de 75 % en cinq ans.

La loi de 2005 reconnaissait enfin le principe d’égal accès aux droits fondamentaux. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, sur lequel il y aurait pourtant aussi beaucoup à dire.

Pourquoi, par exemple, ne pas harmoniser les plafonds de la CMU-complémentaire et de l’allocation aux adultes handicapés ? L’écart n’est que de 80 euros. La situation est paradoxale : plus une personne est handicapée, plus elle a besoin de soins constants, plus le montant de l’AAH est élevé ; mais alors, les revenus deviennent souvent supérieurs au plafond fixé pour l’octroi la CMU-C. Comment expliquer cela aux personnes concernées ?

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion, au cours des mois à venir, de rattraper notre retard grâce à deux vecteurs législatifs : d’une part, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que nous examinerons la semaine prochaine ; d’autre part, le projet de loi relatif à la santé, dont nous discuterons dans quelques mois. Utilisons-les pour faire avancer un certain nombre de nos propositions. L’égalité ne doit pas, ne peut pas être sans cesse remise à plus tard.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Dominique Watrin a présenté l’analyse globale du groupe CRC sur les effets de la loi du 11 février 2005 sur la situation des personnes en situation de handicap. Comme lui, je constate que des pas en avant ont été accomplis.

Pour autant, le chemin qu’il reste à parcourir pour que le handicap ne soit plus un obstacle à la reconnaissance pleine et entière de la citoyenneté est immense. Ce chemin est d’autant plus rude que la loi de 2005 péchait par manque de financement et que la politique actuelle de réduction des dépenses publiques, en particulier les ponctions drastiques sur les budgets des collectivités territoriales, porte atteinte aux plus défavorisés, aux plus fragiles, dont les personnes en situation de handicap.

En six minutes, je n’aurai le temps d’aborder que deux points : l’accès à l’emploi et la scolarisation.

En matière d’accès à l’emploi, le bilan des dix années passées est mauvais, puisque les salariés en situation de handicap rencontrent des difficultés spécifiques sur le marché de l’emploi : 22 % d’entre eux sont au chômage, soit un taux double de celui de l’ensemble de la population.

Comment ne pas faire nôtre cette déclaration d’une grande association : « Aujourd’hui, de nombreuses personnes en situation de handicap se trouvent en situation de précarité grandissante avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté. […] Elles ne veulent plus demeurer des citoyens de seconde zone. » Ce constat critique, mais lucide, montre bien à quelles difficultés sociales et financières considérables sont confrontées les personnes en situation de handicap et leurs familles.

L’accès à l’emploi est donc l’une des clefs de l’amélioration de cette situation toujours très difficile. La loi est pourtant claire : l’effectif total de tout employeur du secteur privé, de tout établissement public de vingt salariés ou plus doit compter au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Or le taux réel s’établit bien en deçà de cette obligation légale, puisqu’il est de 3, 1 % dans le secteur privé et de 4, 6 % dans le secteur public. En effet, une autre faiblesse de la loi de 2005 était le manque de mesures de coercition en matière d’emploi des personnes en situation de handicap.

Au-delà de ces chiffres, insuffisants, se pose la question des conditions d’emploi, des statuts et des rémunérations proposés aux salariés handicapés. Sur ce point, l’heure n’est pas aux progrès, puisque le projet de loi Macron accroît les marges de manœuvre des employeurs pour se soustraire à leur obligation d’emploi de personnes handicapées.

Ainsi, l’article 93 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit que l’employeur pourra s’acquitter partiellement de cette obligation en accueillant des personnes en situation de handicap pour des périodes de « mise en situation » en milieu professionnel, la personne handicapée n’étant pas rémunérée par l’entreprise. L’article 93 bis, quant à lui, résultant de l’adoption d’un amendement présenté discrètement par M. Macron dans la nuit de samedi 14 février, dispose que les stages de découverte des métiers concernant les élèves de la cinquième à la terminale permettront eux aussi aux employeurs de s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Nous aurons dans quelques semaines un débat fort sur ce texte, notamment sur ces dispositions encore peu connues, qui me paraissent tout à fait scandaleuses : comment accepter que soient mis sur le même plan un stage scolaire d’observation et un emploi !

Ces remarques m’amènent à faire le point sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.

L’intégration dans le milieu scolaire de ces enfants constituait l’un des grands enjeux de la loi de 2005. À la rentrée de 2014, 258 710 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés, soit une augmentation moyenne de leur effectif de 6, 3 % par an depuis 2005, supérieure à la moyenne générale.

Une augmentation d’un tiers en dix ans du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés constitue un fait positif, mais dans quelles conditions cette scolarisation s’opère-t-elle ? Beaucoup d’observateurs soulignent que, trop souvent, il s’agit d’une scolarité a minima.

La réforme engagée pour améliorer le statut des assistants de vie scolaire n’a pas été menée à son terme. La précarité de ce statut, l’insuffisance de la formation, les difficultés de recrutement ne rendent pas la situation pleinement satisfaisante aujourd’hui, tant s’en faut. Là encore, la loi de 2005 a créé un droit sans prévoir de financement. Il est temps d’engager un programme ambitieux de formation des adultes, AVS et enseignants, adaptée aux différents types de handicaps, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

En outre, les classes recevant en inclusion des enfants en situation de handicap ne devraient pas dépasser vingt élèves. Sinon, l’inclusion reste un leurre !

S’agissant des projets personnalisés de scolarisation, l’équipe éducative est rarement mobilisée en permanence : on se contente trop souvent d’une réunion en début et en fin d’année pour valider les propositions d’orientation. De plus, l’équipe éducative est souvent trop administrative.

Pour permettre une scolarisation réussie, il faut également renforcer le lien entre l’éducation nationale et les MDPH, lieux de centralisation de l’information à destination des personnes en situation de handicap. Ces dernières ont un rôle central à jouer dans le suivi de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Elles peuvent orienter parents et enfants, leur indiquer à qui s’adresser pour telle ou telle question liée à la scolarisation. Elles présentent l’avantage de suivre la personne en situation de handicap à tous les âges de sa vie et pourraient être mobilisées pour préparer le passage de l’école à la vie active. Toutefois, de grandes incertitudes planent aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, sur l’avenir des MDPH : peut-être pourrez-vous nous rassurer ?

Si les efforts en matière de scolarisation sont réels et efficaces, la question de l’avenir des jeunes en situation de handicap, passé l’âge de 16 ans, reste posée. À ce titre, l’absence de réflexion sur la professionnalisation dans le cadre des classes ULIS – unités localisées pour l’inclusion scolaire – est regrettable. À mon sens, le développement de classes ULIS « pro » en lycée devrait être envisagé, de même qu’un renforcement de l’encadrement dans les SEGPA, les sections d’enseignement général et professionnel adapté. Cela permettrait à des enfants pouvant envisager ce type de scolarité d’être mieux accueillis et de construire leur avenir.

Je tenais à aborder ces deux sujets, très liés, qui constituent, avec celui de l’accessibilité, des volets de la loi de 2005 sur lesquels d’importants efforts restent à faire. Le bilan de l’application de cette loi ambitieuse n’est pas négatif. Elle a ouvert des chemins, permis une première reconnaissance. Il faut aujourd’hui empêcher que le poids des contraintes économiques, l’austérité n’entraînent de profonds reculs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

« Une société […] se juge notamment à l’attention qu’elle porte aux plus fragiles et à la place qu’elle réserve […] aux personnes qui souffrent d’un handicap. » C’est en ces termes que le Président de la République Jacques Chirac engageait, dès 2002, la réforme de la loi de 1975, qui ne répondait plus aux attentes et aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles. Il s’agissait de renforcer notre cohésion nationale par davantage de justice et d’attention aux plus vulnérables.

La loi du 11 février 2005 a marqué un indéniable tournant pour notre société et constitué une nouvelle étape dans la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap. Je voudrais rappeler ici le travail important fourni par Paul Blanc, qui fut le rapporteur de ce texte au Sénat.

Qualifiée à l’époque d’« historique », la loi du 11 février 2005 a incontestablement permis de changer le regard de la société sur les personnes handicapées. D’importants progrès ont été réalisés en la matière. Je pense notamment à la création de la prestation de compensation du handicap, qui permet de prendre en charge les coûts liés au handicap dans la vie quotidienne. En dix ans, le budget consacré à la PCH a doublé, pour s’établir à 1, 5 milliard d’euros. Certes, l’attribution reste inégale et des améliorations doivent être apportées, mais je sais, madame la secrétaire d’État, que vous souhaitez ouvrir un chantier en vue d’assurer une meilleure prise en compte des besoins en matière d’aide pour la vie domestique et une plus grande équité. C’est une bonne chose, et nous examinerons vos propositions avec attention.

La création des maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques pour l’accès aux droits et aux prestations, doit également être saluée. Elle a permis de mettre fin au parcours semé d’embûches que devaient suivre jusqu’alors les personnes handicapées et leurs familles. Pour autant, si la mise en place de ces lieux uniques d’accueil, d’information, d’orientation et d’évaluation des personnes handicapées constitue une véritable avancée, beaucoup s’accordent à dénoncer l’existence d’inégalités d’un département à l’autre.

Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé lors d’un colloque organisé par la fondation Chirac le 5 février dernier, « les MDPH sont aujourd’hui beaucoup trop absorbées par leurs tâches administratives au détriment du suivi individualisé des personnes ». Il est en effet essentiel que les MDPH puissent recentrer leur activité sur l’accompagnement des personnes dans la réalisation de leur projet de vie. En mai dernier, l’Association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées a rédigé plusieurs propositions de simplification des démarches visant à alléger leur charge de travail. Quelle suite entendez-vous donner à ces propositions ?

La loi de 2005 a également donné une véritable impulsion à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. À la rentrée de 2014, on comptait ainsi près de 260 000 élèves handicapés scolarisés dans les établissements ordinaires, contre 150 000 en 2005. Ce bilan, insuffisant peut-être, mais tout de même globalement positif, est aussi à nuancer au regard des difficultés persistantes rencontrées par certains élèves handicapés. C’est du moins ce qui ressort d’une enquête menée par le Défenseur des droits, ainsi que d’un récent rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui s’inquiète que 20 000 enfants handicapés ne soient pas scolarisés dans notre pays et encourage la France à poursuivre ses efforts afin de garantir à tous les enfants une instruction appropriée. Cela passe évidemment par l’embauche d’assistants de vie scolaire, mais aussi par une meilleure formation des enseignants au handicap.

J’en viens à la question de l’accessibilité. Cela a été maintes fois exprimé dans cet hémicycle : le délai de dix ans prévu dans la loi de 2005 était particulièrement ambitieux, mais assez peu réaliste. Lors de l’examen de la loi de 2005 par notre assemblée, j’avais d’ailleurs alerté la ministre de l’époque sur le coût considérable de cette réforme, notamment pour les collectivités locales.

Par ailleurs, comme l’a parfaitement rappelé Claire-Lise Campion dans son rapport intitulé « Réussir 2015 », la mauvaise appréciation des délais nécessaires à la réalisation des travaux, la complexité des règles et l’absence d’évaluation des coûts expliquent que l’adoption de la loi de 2005 n’ait pas été suffisamment suivie d’effet. Je comprends que les personnes handicapées, pour lesquelles le délai de dix ans était déjà très long, ne puissent se satisfaire du report de la mise en accessibilité. Pour autant, cette réforme nécessite des dépenses nouvelles auxquelles les collectivités, il faut en être conscient, ne peuvent pas faire face. Avec des budgets de plus en plus contraints, il est difficile, notamment pour les petites communes, de se mettre en conformité avec la loi.

Dans ces conditions, même si je n’apprécie pas particulièrement le recours aux ordonnances, la loi que nous avons votée l’an dernier permettra, je l’espère, d’atteindre cet objectif d’accessibilité pour tous. En effet, comme l’avait rappelé notre ancien collègue Robert Tropéano, la qualité d’une société s’apprécie notamment à sa capacité à accueillir les différences et à permettre à toute personne handicapée d’être un acteur de la vie de la cité.

Mme Catherine Procaccia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, selon l’INSEE, quelque 9, 6 millions de personnes sont en situation de handicap au sens large, de façon permanente ou conjoncturelle.

La politique en faveur des personnes handicapées mobilise des moyens financiers importants : près de 38 milliards d’euros en 2013, dont 14, 2 milliards d’euros provenant de l’État, 15, 8 milliards d’euros de la sécurité sociale, 1 milliard d’euros de la CNSA, 6, 3 milliards d’euros des départements, hors transferts de la CNSA, et 0, 4 milliard d’euros de l’AGEFIPH.

Malgré les très fortes tensions qui pèsent, depuis 2008, sur les finances publiques, les dépenses en matière de handicap ont non seulement pu être préservées, mais ont augmenté de 32, 4 % entre 2005 et 2010, une grande partie de cette augmentation ayant été supportée par les départements.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a représenté une belle avancée sociale, particulièrement pour les plus dépendants. Elle a promu l’ambition d’une société plus accueillante, d’une société de l’inclusion, prenant en compte la personne, son projet de vie et ses besoins, ainsi que ses droits individuels, condition nécessaire à l’exercice d’une citoyenneté pleine et entière.

La loi de 1975 n’était plus adaptée. Il fallait sortir de l’assistanat, de la compassion, du cantonnement dans l’aide sociale.

La loi de 2005 affirme que doit être garanti à toute personne – y compris celle qui « ne peut exprimer seule ses besoins » – « l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens », c’est-à-dire les soins, le dépistage, la prévention, la formation scolaire et professionnelle, l’emploi, le logement, les déplacements, le tourisme, la culture, etc. C’est le principe de l’accessibilité universelle qui est invoqué, ouvrant l’accès à tout pour tous sans restriction.

Cependant, sa mise en œuvre s’est faite dans la précipitation. Une grande partie des décrets publiés en décembre 2005 étaient applicables dès le 1er janvier 2006. Les conseils généraux se souviennent des locaux à trouver, des logiciels à harmoniser, des commissions exécutives à installer en une semaine, des personnels – libres de rester ou non – à remplacer et des bénéficiaires rendus exigeants par les grandes déclarations nationales.

Les bilans montrent la réactivité des départements et le rapport de 2012 des sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré souligne les avancées majeures permises par la loi de 2005, tout en relevant que les résultats demeurent en deçà des espoirs initialement soulevés. Il est à noter que treize décrets resteraient encore à publier à ce jour – dix ans après !

Je m’attacherai à évoquer la compensation du handicap et la scolarisation des enfants handicapés.

La loi du 11 février 2005 a introduit le droit à compensation.

La prestation de compensation du handicap, versée par le conseil général – avec une participation de plus en plus faible de la CNSA, qui ne représente plus qu’un tiers de la charge –, finance des aides humaines, techniques et animalières, l’aménagement du logement ou d’un véhicule, ainsi que des charges spécifiques ou exceptionnelles.

Les conseils généraux ont versé la prestation de compensation du handicap à 170 000 personnes en 2014, contre 89 000 en 2006.

La PCH ne remplit pas toujours l’intégralité de sa vocation. Elle ne prend pas en compte, par exemple, l’intervention humaine de soutien aux jeunes parents handicapés et à leurs enfants. Certains départements prennent toutefois cette aide en charge.

La création du guichet unique des maisons départementales des personnes handicapées constitue un réel progrès. Une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins spécifiques et les souhaits de la personne, ce qui signifie qu’à pathologie et déficience équivalentes, la réponse apportée peut être différente.

Les MDPH ont vocation à réduire les délais d’instruction des demandes, mais l’on constate encore des lenteurs et des fonctionnements disparates selon les départements en raison d’« embolies » liées à l’augmentation du nombre des sollicitations, mais également à des lourdeurs administratives, à la transformation du droit à être reçu en obligation de recevoir… Le choc de simplification et d’efficacité administrative n’a pas forcément été au rendez-vous, et les départements ont été contraints de mettre à disposition beaucoup plus de personnel que prévu : en Ille-et-Vilaine, par exemple, nous sommes passés de trente-cinq équivalents temps plein à soixante et un.

L’association des directeurs de MDPH a formulé des propositions d’allégement des procédures, comme l’a souligné M. Barbier à l’instant. Nous souhaitons que ces propositions soient examinées avec beaucoup d’attention.

Vous avez prévu, madame la secrétaire d’État, de recentrer les MDPH sur leur mission d’accompagnement global des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Je crois que ce sera une bonne chose.

Le fonctionnement de la MDPH repose plus que jamais sur une mobilisation importante de la collectivité départementale, tant sur le plan des ressources humaines que sur celui des moyens financiers. Certains départements ont été contraints de se désengager des fonds départementaux de compensation du handicap, facultatifs certes, mais néanmoins utiles.

Un autre point fort de la loi de 2005 était l’obligation, pour le service public de l’éducation, d’accueillir les enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Elle a eu pour conséquence une progression très sensible du nombre des enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire : 258 710 étaient inscrits dans le premier et le second degré à la rentrée de 2014, contre 151 500 en 2005.

Ce bilan positif est toutefois à nuancer. La loi de 2005 prévoyait une étroite association des parents à la décision d’orientation de leur enfant, mais l’affectation des enfants ne coule pas de source dans de nombreux établissements, en raison d’un manque d’assistants de vie scolaire. Bien qu’en dix ans le nombre d’AVS ait plus que doublé – on en compte aujourd’hui 69 000 –, leur statut, même consolidé, demeure précaire.

Les AVS ne reçoivent pas de formation véritable sur les différentes familles de handicaps, l’approche des personnes en situation de handicap, les outils à utiliser et les méthodes à développer ; ils bénéficient tout juste d’une sensibilisation, d’une adaptation à l’emploi sur une durée de soixante heures.

L’intégration scolaire soulève quelques interrogations eu égard à ses limites : un élève qui a besoin en permanence d’un AVS à ses côtés tire-t-il un véritable profit de son intégration dans le milieu scolaire ordinaire ? Le maintien à tout prix dans un cursus ordinaire peut s’avérer, à terme, contreproductif. Il en est de même de certains adolescents maintenus en classes ULIS de lycée jusqu’à l’âge de 16 ans et qui en sortent sans solution et sans place dans le milieu spécialisé. Ces jeunes sont parfois renvoyés dans leur famille et l’un des deux parents doit alors s’arrêter de travailler. Comment introduire l’enseignement spécialisé comme une orientation adaptée, socialement acceptable pour l’enfant et ses parents ? Telle est la question qui se pose.

Que dire des surcoûts insupportables liés aux assurances exigées par les banques pour tout emprunt contracté par un handicapé voulant créer son entreprise ?

La loi du 11 février 2005 a eu le mérite de sortir la question du handicap du domaine exclusif de la santé et d’ouvrir une réflexion sur ce qu’est le handicap et sur les secteurs d’activité concernés : aménagement du territoire, scolarisation des enfants handicapés, insertion professionnelle. Assortie d’objectifs ambitieux, sa mise en œuvre se heurte à de réelles limites. Tout n’a pu être mis en place à ce jour ; il reste encore beaucoup à faire.

Nous savons pouvoir compter, madame la secrétaire d’État, sur votre engagement et votre détermination pour que le vivre-ensemble soit une réalité vécue par tous les membres d’une même société.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap », inscrit à l’ordre du jour du Sénat à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, que je remercie de cette initiative, rejoint pleinement l’actualité, puisque nous avons célébré voilà peu les dix ans de cette grande loi.

Avant de répondre à l’ensemble de vos questions et d’apporter un éclairage le plus complet possible sur le sujet, il me semble légitime de rappeler le rôle fondamental joué par le Président Chirac dans la genèse de la loi du 11 février 2005. C’est lui en effet qui, dès 2002, alors qu’il avait fait du handicap l’une des grandes causes prioritaires de son quinquennat, a engagé une réforme de la loi de 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

De la concertation organisée à cette fin est né le texte relatif à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L’objectif était de rompre résolument avec une vision compassionnelle des personnes en situation de handicap, en changeant les représentations et le regard posé sur le handicap par la société.

Malgré les réserves que j’ai pu entendre formuler sur le bilan de l’application de la loi, force est de reconnaître qu’il y a un avant et un après 2005 dans la manière d’appréhender le handicap dans notre pays. Si la notion de handicap suppose toujours une altération, elle est désormais appréhendée au travers des difficultés et des conséquences qui en résultent pour la vie en société des personnes handicapées, de façon à les compenser. En découle la création d’un droit à la compensation par le biais de la solidarité nationale.

Ce droit à la compensation se traduit concrètement, pour les personnes concernées, par la possibilité de bénéficier de la prestation de compensation du handicap, laquelle a pour objet la couverture de besoins aussi divers que les aides humaines, les aides techniques ou encore l’aménagement du logement.

En proclamant le principe d’accessibilité universelle, c’est-à-dire le droit accordé à toutes et à tous d’accéder à tout, la loi de 2005 ouvre également l’espace public dans sa totalité aux personnes handicapées, et ce quel que soit leur handicap – sensoriel, moteur, mental ou psychique. Cela implique de faire entrer les personnes dans les dispositifs de droit commun, en faisant en sorte que l’ensemble des politiques publiques intègrent la dimension du handicap dans leurs préoccupations : santé, éducation, emploi, équipement, aménagement, transports, culture, etc.

Enfin, la création des maisons départementales des personnes handicapées, créant un « guichet unique », marque un changement significatif dans le paysage institutionnel.

Depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 est intervenue, début 2010, la ratification par la France de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006. Cette convention a pour objectif de promouvoir et de protéger les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres citoyens.

Son application nous engage à adopter, concernant les politiques du handicap, une logique d’inclusion accompagnée, qui s’inscrit dans le droit fil de l’esprit de la loi du 11 février 2005.

Cela implique d’adopter une « approche intégrée du handicap dans les politiques publiques », ce que fait la circulaire du Premier ministre rendant obligatoire, pour l’élaboration de chaque projet de loi présenté devant le Parlement, la prise en compte de dispositions relatives aux personnes en situation de handicap.

Tels sont les éléments de contexte que je souhaitais rappeler avant de me livrer, dans un premier temps, à un exercice de synthèse afin de dresser un bilan de la mise en application de la loi du 11 février 2005, exercice pour lequel l’excellent rapport consacré au sujet et publié le 4 juillet 2012 par Claire-Lise Campion et Isabelle Debré demeure une référence. Dans un second temps, j’aborderai les toutes dernières perspectives du Gouvernement en matière de politique du handicap.

La loi de 2005 a incontestablement donné une nouvelle impulsion à la politique du handicap, qui mobilise des moyens financiers importants : près de 38 milliards d’euros en 2013, soit une augmentation de 32, 4 % en euros constants sur la période 2005-2010.

Rappelons que, depuis 2005, sous l’effet notamment de la reconnaissance du handicap psychique, le nombre des allocataires de l’AAH s’est fortement accru, pour franchir le million en octobre 2014. Aujourd’hui, la dotation inscrite pour 2015 dépasse 8, 5 milliards d’euros. Parallèlement, le montant de l’AAH a été revalorisé de 25 % entre 2008 et 2012.

La prestation de compensation du handicap, créée par la loi de 2005, a connu une montée en charge importante. En 2014, 164 000 personnes en bénéficiaient, pour un montant de 1, 5 milliard d’euros. Les montants versés – 800 euros mensuels en moyenne – correspondent au double de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de décroître, en raison notamment de la faculté ouverte à ces derniers par la loi de 2005 d’opter pour la PCH.

Un effort sans précédent a été consenti en faveur de la création de places en établissements et services, avec un programme pluriannuel pour la période 2008-2012 qui se prolongera en fait jusqu’en 2017. Ce plan prévoyait la création de 41 450 places, auxquelles s’ajoutent 10 000 places en établissements et services d’aide par le travail, soit plus de 12 250 places supplémentaires pour les enfants et plus de 29 200 pour les adultes. En 2015, 4 500 places seront encore créées, et près de 6 000 en 2016 et 2017.

Enfin, le plan autisme 2013-2017 a prévu la création de 3 400 places, dont 1 900 places pour les enfants et 1 500 pour les adultes.

Je veux rappeler le nombre total de places dans les établissements médicosociaux en France : tous types de handicaps et d’établissements ou services confondus, 157 751 places sont disponibles pour les enfants et 334 536 pour les adultes.

L’évolution de l’effort financier a donc été particulièrement importante, sous l’effet d’une volonté politique continue.

Le bilan de la mise en œuvre du principe d’« accessibilité universelle » est bien entendu plus nuancé, comme vous l’avez tous souligné. Ce principe gravé dans le marbre par la loi du 11 février 2005 concernait non seulement l’accessibilité physique, mais aussi tout type d’inclusion dans la société.

En matière d’accessibilité physique, la loi de 2005 se bornait à fixer au 1er janvier 2015 la date butoir à laquelle tout devait devenir accessible à tous les handicapés.

Or, nous le savons, avec 30 % seulement d’établissements recevant du public mis en accessibilité, ce rendez-vous a été manqué. C’est tout le mérite de la sénatrice Claire-Lise Campion que d’avoir proposé le dispositif des agendas d’accessibilité programmée, permettant de maintenir intacte l’ambition, tout en reportant les échéances pour rendre possibles les réalisations concrètes.

Nous évoquerons largement ces questions lorsque les dispositions de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées seront soumises au Parlement pour ratification. Bien entendu, cette ordonnance pourra faire l’objet d’améliorations à cette occasion.

Le principe d’« accessibilité universelle » a été fécond dans plusieurs autres domaines, en permettant une inclusion croissante des personnes handicapées dans la société. En matière de scolarisation, la mise en œuvre de la loi de 2005 a permis de doubler en dix ans le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, qui s’élève aujourd’hui à 260 000.

Les efforts entrepris par le ministère de l’éducation nationale sont axés sur la formation des professionnels, le recrutement et la professionnalisation des accompagnants d’élèves en situation de handicap, mais aussi sur l’amélioration de l’individualisation de l’accompagnement en prévoyant une meilleure coordination entre l’éducation nationale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH.

Je veux enfin rappeler que, dans le cadre du troisième plan autisme 2013-2017, vingt-neuf unités d’enseignement pour les enfants atteints de troubles autistiques ont été ouvertes à la rentrée 2014-2015, soit une par académie. L’ouverture de soixante et onze nouvelles unités est programmée et budgétée pour les rentrées de 2015 et de 2016. Au terme du plan, cent unités d’enseignement pour les enfants atteints de troubles autistiques auront été créées.

Le principe d’accessibilité inscrit dans la loi du 11 février 2005 s’est aussi décliné dans le monde du travail.

C’est la loi du 10 juillet 1987 qui a prévu que les entreprises d’au moins vingt salariés aient l’obligation d’employer des travailleurs reconnus par l’administration comme handicapés, dans une proportion au minimum égale à 6 % de leurs effectifs, sous peine d’être assujetties à une contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, organisme paritaire créé par cette même loi.

La loi du 11 février 2005 a donné une nouvelle impulsion à cette politique en confiant aux MDPH le soin d’accompagner, avec le service public de l’emploi, les personnes handicapées pour mieux les aider à intégrer le marché du travail, et en renforçant les sanctions financières pour les établissements. En outre, elle a étendu l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés au service public et créé le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, mis en place le 1er janvier 2006.

Par la suite, les efforts ont porté sur le renforcement du pilotage de la politique d’emploi des travailleurs handicapés, avec la signature de conventions partenariales entre les acteurs du service public de l’emploi, l’État, l’AGEFIPH et le FIPHFP, afin notamment d’assurer un suivi territorial et de faire converger l’action de tous les acteurs.

Par ailleurs, pour renforcer le contenu qualitatif des accords sur l’emploi des travailleurs handicapés, le décret du 20 novembre 2014 rend obligatoires les plans de maintien dans l’emploi au sein des accords agréés au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

En matière de formation, la loi du 5 mars 2014 contient des dispositions qui profitent à tous, et particulièrement aux personnes handicapées : le compte personnel de formation, l’entretien professionnel organisé dès le retour après un arrêt maladie, le conseil en évolution professionnelle, les périodes de mise en situation professionnelle. Cette loi prévoit en outre que les personnes handicapées bénéficient de dispositions spécifiques, notamment de la possibilité de se former pendant un arrêt de travail et de l’amélioration de leur protection sociale pendant les formations. Enfin, les régions sont désormais compétentes en matière d’accès à la formation et de qualification professionnelle des personnes handicapées.

Concernant le travail en milieu protégé, depuis 2005, le nombre des entreprises adaptées a augmenté constamment, passant de 614 en 2008 à 702 en 2013. Le budget consacré par l’État à ces entreprises s’élevait à 290 millions d'euros en 2013, auxquels s’ajoutaient 40 millions d'euros de subventions spécifiques destinées à contribuer au fonctionnement des structures. Quant au travail complètement « protégé », c'est-à-dire en établissements et services d’aide par le travail, il s’est également développé : au 31 décembre 2013, on comptait 1 349 ESAT accueillant près de 120 000 personnes à temps complet ou partiel, contre 103 000 en 2006.

Toutefois, avec 420 000 demandeurs d’emploi handicapés et un taux de chômage des personnes handicapées deux fois supérieur à celui des personnes valides, il faut reconnaître que le bilan de la loi du 11 février 2005 en matière d’emploi doit être particulièrement nuancé.

Je veux redire que, dans le secteur privé, le nombre d’accords d’entreprise agréés reste inférieur à 300 et ne concerne qu’à peine plus de 10 % des entreprises assujetties. Nous progressons vers l’objectif de 6 % de travailleurs handicapés assigné aux entreprises et aux employeurs publics, sans pour autant que la donne change substantiellement.

En matière d’accès aux soins, force est de constater que des inégalités importantes subsistent. Nous ne partons pourtant pas de rien pour les réduire : les nombreuses initiatives qui ont déjà été prises démontrent que, dans le domaine de la santé bucco-dentaire, par exemple, des réponses coordonnées entre la ville, l’hôpital et le secteur médicosocial existent. En 2008, l’audition publique de très nombreux experts et représentants associatifs organisée par la Haute autorité en santé, la HAS, a permis de mieux comprendre les obstacles rencontrés par les personnes handicapées et de les lever. Je vous présenterai les nouvelles mesures dans la suite de mon propos.

Créées par la loi de 2005, les MDPH constituent des lieux uniques où se concentrent les compétences en matière d’accueil, d’orientation, d’information, d’évaluation et de suivi des réponses proposées. Malgré toutes les difficultés que vous avez soulignées, la création de ce guichet unique a tout de même marqué la fin, pour les personnes handicapées et leurs familles, de ce que Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont qualifié, dans leur rapport, de « parcours du combattant ». Après une très forte montée en charge, les MDPH sont aujourd'hui, comme vous l’avez tous relevé, beaucoup trop absorbées par leurs tâches administratives, au détriment du suivi individualisé des personnes.

En réponse à certaines de vos questions, je préciserai que, en moyenne, on compte cinquante-cinq agents à temps plein par MDPH. J’ajoute, à l’intention de ceux qui estiment qu’il pourrait exister des conflits d’intérêts, pour les conseils généraux, à l’égard des MDPH, que ces dernières sont des groupements d’intérêt public, ce qui signifie que les associations et les services de l’État participent à leur gouvernance au côté des conseils généraux.

Le bilan contrasté de l’application de la loi de 2005 que je viens de dresser rapidement ne saurait remettre en cause la modernité de ce texte. Les perspectives que je vais maintenant tracer s’inspirent très largement de ses principes fondateurs.

La Conférence nationale du handicap de décembre 2014 a été l’occasion, pour le Président de la République, de fixer trois objectifs principaux : construire une société inclusive plus ouverte aux personnes en situation de handicap ; concevoir des réponses et des prises en charge adaptées à la situation de chacun ; simplifier la vie quotidienne.

Dans l’esprit de la loi de 2005 et conformément à la mise en œuvre progressive de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, le Gouvernement souhaite mettre en place une société plus inclusive, c’est-à-dire une société où l’on fait de la place aux personnes handicapées. Il ne s’agit ni de faire preuve de compassion – ce serait infâmant –, ni de se référer à une impossible intégration. Se rapprocher d’un objectif d’inclusion accompagnée consiste pour le Gouvernement à prendre en compte les personnes handicapées dans les politiques de droit commun, tout en prévoyant les aménagements qui leur sont nécessaires.

En matière de scolarisation, nous conduisons une politique résolue pour « déprécariser » et professionnaliser les auxiliaires de vie scolaire, ou accompagnants d’élèves en situation de handicap, comme on les appelle désormais. À terme, 28 000 AVS seront employés en contrat de travail à durée indéterminée ; 5 000 d’entre eux ont vu leur CDD transformé en CDI à la rentrée 2014-2015.

Afin d’assurer cette professionnalisation, un diplôme d’État est en cours d’élaboration par mes services. Sa création sera effective dès la rentrée de 2015. Il s’adressera notamment aux AVS employés en contrat aidé, qui ont besoin de se professionnaliser pour accéder à un CDD, puis à un CDI. Je rappelle qu’un AVS doit être employé depuis six ans en CDD pour pouvoir prétendre à un CDI.

Quelles sont les autres perspectives en matière d’inclusion scolaire ? La première est la relocalisation en milieu scolaire ordinaire d’unités d’enseignement actuellement implantées dans des établissements médicosociaux, sur le modèle des unités d’enseignement en maternelle pour les enfants atteints de troubles autistiques. Le Président de la République a annoncé qu’au moins cent unités d’enseignement seraient ainsi relocalisées à la rentrée de 2015. L’objectif est simple : il s’agit de permettre aux élèves en situation de handicap d’être scolarisés au milieu des autres enfants, même s’ils bénéficieront évidemment d’un accompagnement spécifique et d’enseignants spécialement formés. En effet, la meilleure façon de faire changer les regards, c’est de mélanger les élèves en situation de handicap avec les autres dès la maternelle, en classe, à la cantine, pendant les récréations.

Le Président de la République a également indiqué que la qualité des apprentissages des enfants sourds sera renforcée par une meilleure prise en compte de leur choix linguistique et par une formation adéquate, dès septembre 2015, des enseignants spécialisés en langue des signes française et en langage parlé complété.

En outre, chaque projet d’école devra désormais comporter un volet sur l’accueil et les stratégies d’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Je précise enfin, puisque certaines inquiétudes relatives au temps périscolaire se sont exprimées, que, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, l’effort des collectivités pour intégrer les enfants handicapés aux activités périscolaires sera soutenu dès la rentrée 2015-2016 par l’éducation nationale, avec les concours financiers de la Caisse nationale des allocations familiales.

Quant aux universités, dans trois ans, elles seront toutes dotées de schémas directeurs d’accessibilité.

En matière d’accessibilité et d’adaptation des logements, la liste des aménagements du domicile ouvrant droit à un crédit d’impôt sera mise à jour, afin de mieux répondre aux besoins actuels, notamment le recours à la domotique.

En outre, dans le cadre de la charte qui sera signée avec l’Union sociale pour l’habitat, les modalités de la programmation des adaptations de logement et du suivi de celles-ci seront précisées.

Conformément à ce que prévoit le rapport annexé au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, la loi de finances initiale pour 2015 a prolongé le crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses d’installation ou de remplacement d’équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées.

En ce qui concerne les achats publics, des critères d’accessibilité seront pris en compte dans le cadre de la transposition de la directive européenne relative aux marchés publics, qui interviendra l’année prochaine.

L’accessibilité concerne également de nombreux autres domaines. Le Gouvernement se préoccupe en particulier de faciliter l’accès des personnes handicapées aux livres et à la culture. Le projet de loi relatif à la liberté de création proposera une nouvelle définition des publics bénéficiaires de l’exception du droit d’auteur – cette mesure est largement réclamée par les associations de personnes en situation de handicap –, afin d’élargir l’offre disponible et de créer les conditions d’un développement de l’offre de publications adaptées. Le projet de loi organisera également le dépôt systématique des fichiers des manuels scolaires, ce qui permettra de répondre plus rapidement aux besoins des élèves en situation de handicap.

Concernant l’offre audiovisuelle, une charte pour l’amélioration de la qualité de la traduction en langue des signes française a été signée avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel en janvier dernier. Il reste à ouvrir deux chantiers complexes, notamment avec les chaînes de télévision : l’audiodescription pour la télévision connectée et la mise en place d’une solution de diffusion en langue des signes française à la demande.

Un volet nous tient particulièrement à cœur : celui de l’accessibilité numérique. Il s’agit de ne pas prendre, en la matière, le retard que nous avons pris, au cours des dix dernières années, en matière d’accessibilité du bâti.

Le numérique permet l’accès à l’information et, plus largement, à la citoyenneté. Le Président de la République a donc fixé comme objectif la mise en accessibilité des élections à partir de la présidentielle de 2017, ce qui implique notamment d’organiser la diffusion adaptée de la propagande électorale. C’est la raison pour laquelle nous venons de finaliser la révision de la mise à jour technique du référentiel général d’accessibilité pour les administrations, qui permet d’organiser et d’encadrer la mise en accessibilité des sites internet publics. À l’issue de cette première étape, il conviendra bien sûr d’étendre la mise en accessibilité aux sites internet privés.

Le numérique, c’est également la promesse d’un meilleur accès à la consommation. C’est le sens de la convention que nous sommes en train de mettre au point avec la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance, la FEVAD. C’est aussi dans le cadre de l’accessibilité numérique qu’intervient l’expérimentation du centre relais téléphonique décidée lors du comité interministériel de 2013. Le Gouvernement déterminera prochainement dans quels délais et sous quelles conditions l’accessibilité téléphonique pourra être garantie pour les personnes malentendantes. Vous l’aurez compris, le Gouvernement tient à éviter de prendre du retard en matière d’accessibilité numérique.

En ce qui concerne la consommation, l’Institut national de la consommation, l’INC, signera prochainement avec l’État une convention visant à améliorer l’information des personnes handicapées sur les produits de consommation. En outre, d’ici à janvier 2016, l’INC élaborera une liste de produits, notamment électroménagers, préalablement testés et référencés comme conformes aux règles en matière d’accessibilité.

J’aborderai maintenant la question de l’emploi. L’accompagnement des travailleurs handicapés vers l’emploi et dans leur évolution professionnelle sera renforcé, notamment par le développement des passerelles entre emploi en milieu protégé et emploi en milieu ordinaire. J’ai demandé à l’AGEFIPH et au FIPHFP de travailler ensemble pour faire évoluer leurs prestations, en particulier en direction des personnes en situation de handicap psychique, lesquelles doivent bénéficier d’un accompagnement adapté et non ponctuel. De son côté, l’État lancera des travaux pour rendre plus incitatif le cadre des accords signés par les entreprises en matière d’accueil des travailleurs handicapés. Enfin, rappelons que le Président de la République a fixé un objectif de triplement du nombre des accords d’entreprise agréés d’ici à trois ans.

Afin d’encourager les travailleurs handicapés qui ont le projet de devenir travailleurs indépendants, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit de permettre la prise en compte des prestations des travailleurs indépendants handicapés au titre de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées par les entreprises de plus de vingt salariés. Adoptée par les députés, cette mesure sera bientôt soumise à votre examen.

Comme l’ont demandé les associations, un dispositif identique sera adapté aux spécificités du parcours de découverte des métiers des collégiens et des lycéens en situation de handicap, afin de conforter tout ce qui permet aux entreprises et aux jeunes handicapés de se rencontrer et, surtout, de permettre à ces derniers de se projeter dans l’avenir.

Dans cet esprit, toujours pour les jeunes, le service civique sera facilité grâce à des aménagements de poste financés par l’AGEFIPH – ce n’était pas le cas jusqu’à présent –, ainsi que par le FIPHFP, et étendu jusqu’à l’âge de 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

Dans la fonction publique, des adaptations importantes sont prévues pour rendre les concours d’encadrement et d’encadrement supérieur accessibles dans le cadre d’une sélection adaptée et pour soumettre à l’obligation d’emploi certaines autorités administratives indépendantes qui ne l’étaient pas jusque-là, mais aussi la Cour des comptes et le Conseil d’État.

Concernant la santé et l’accès aux soins, l’approche globale de la stratégie nationale de santé vise à coordonner prévention, soins, prise en charge médico-sociale et insertion sociale, ce qui répond parfaitement aux besoins des personnes handicapées.

La feuille de route du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, adoptée à l’issue de la Conférence nationale du handicap, et que vous pouvez consulter sur le site internet du ministère, comprend plusieurs mesures particulièrement volontaristes qui seront inscrites dans le projet de loi de santé. J’en cite quelques-unes : amélioration de l’accueil des personnes handicapées dans le cadre de l’exercice regroupé des professionnels de santé en maison de santé pluri-professionnelles et en centre de santé ; encouragement au déploiement de consultations spécialisées à l’hôpital dès 2015 ; intégration des conditions de prise en charge des personnes handicapées dans la procédure de certification des établissements, puisque, curieusement, ces conditions n’étaient pas prises en compte jusqu’à présent.

Bien sûr, nous ne pouvons qu’encourager la signature de la charte Romain Jacob, que Mme Claire-Lise Campion a évoquée.

L’effet conjugué de la réforme de la tarification des établissements et des services accueillant des personnes handicapées, lancée en novembre 2014, et du chantier de la refondation de l’aide à domicile permettront d’aménager l’offre dans une logique d’inclusion accompagnée.

Les établissements médico-sociaux devront, quant à eux, intégrer dans leur fonctionnement des actions de prévention et d’éducation à la santé, ce qui n’est actuellement pas toujours fait.

Je veux enfin mettre l’accent sur la mission confiée à Marie-Sophie Desaulle afin de mettre en œuvre les préconisations du rapport de Denis Piveteau intitulé « Zéro sans solution ». La mise en place progressive d’un accompagnement permanent des personnes est prévue à partir de septembre 2015, sa généralisation étant envisagée pour la fin de l’année 2017.

Un amendement au projet de loi de santé sera déposé prévoyant une obligation d’orientation permanente des personnes par les MDPH : il s’agira, idéalement, d’accompagner les personnes vers la solution la plus adaptée, en évitant de les laisser sans solution pendant la durée d’attente, situation que l’on constate malheureusement souvent.

J’en viens aux mesures concrètes de simplification pour les MDPH. Elles sont indispensables non seulement pour faciliter l’accès aux droits des personnes, mais aussi pour libérer du temps au personnel des MDPH.

Avant la fin du premier semestre de 2015, sur décision motivée des MDPH, la durée d’attribution de l’allocation pour adultes handicapés pour les personnes atteintes d’un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %, c’est-à-dire l’AAH 2, pourra être étendue à cinq ans, contre deux ans actuellement. À court terme, il est aussi prévu d’allonger de trois à six mois la durée de validité du certificat médical servant de justificatif aux demandes d’AAH.

Enfin, d’autres chantiers importants sont sur le point d’aboutir : la simplification des modalités de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ; l’évolution des modalités d’utilisation de la PCH afin d’en permettre l’usage mutualisé pour ceux qui le souhaitent ; la création d’une « carte mobilité inclusion », pour remplacer à terme les deux cartes « de stationnement » et « de priorité ».

S’agissant de la PCH, qui représente, cela a été dit, une dépense totale de 1, 5 milliard d’euros pour un peu plus de 160 000 bénéficiaires, j’ai demandé à la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – une évaluation de ce dispositif, qui, bien qu’existant depuis 2006, n’a jamais été évalué sur le plan national ; or il existe des disparités. Ce travail est en cours et je ne manquerai pas de vous en communiquer les conclusions quand elles seront prêtes.

Néanmoins, je suis en mesure de vous livrer quelques éléments, notamment sur la limite d’âge : actuellement, la règle est que l’on peut obtenir la PCH jusqu’à l’âge de 75 ans si le handicap a été reconnu avant l’âge de 60 ans. Sur cette question, un rapport du Gouvernement sera rendu dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, conformément au souhait qu’ont exprimé plusieurs parlementaires.

Sachez également qu’un amendement sera déposé visant à permettre aux départements de mettre en place un tiers payant pour les aides techniques, ce qui évitera aux personnes d’avancer des sommes parfois importantes.

Enfin, une question ayant été posée concernant les aides financières à l’accessibilité, je vous informe que nous avons déjà signé avec la Caisse des dépôts et consignations et BPI-France une convention portant sur l’octroi de prêts bonifiés tant aux collectivités locales qu’aux entreprises pour leur permettre de réaliser les aménagements nécessaires.

Vous me permettrez de regretter, pour conclure, que le format et la durée des débats d’initiative parlementaire ne me permettent pas de répondre aussi exhaustivement que je le souhaiterais aux questions qui m’ont été posées. Cependant, l’inscription prochaine à l’ordre du jour du projet de loi de ratification de l’ordonnance sur l’accessibilité me permettra d’apporter des précisions supplémentaires sur ce sujet.

Par ailleurs, la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue conformément à la loi, doit donner lieu à la remise prochaine d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur tous les thèmes de la politique que nous menons en la matière. Ce sera pour le Sénat une autre occasion de recueillir des précisions sur cette politique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous avez tous fait le constat, le chemin est encore long pour aboutir à une société où tout le monde aura sa place et pourra vivre comme il le souhaite, quel que soit son handicap. Croyez bien cependant que notre volonté est intacte. De nombreuses améliorations concrètes sont en cours – et c’est bien ce qui nous importe : que la vie quotidienne des personnes en situation de handicap se trouve concrètement améliorée –, qui vont nous permettre d’approcher l’idéal d’accessibilité universelle. Comme le disait Jaurès : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap. »

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.