Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 12 mars 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005 bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap »

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRC d’avoir demandé la tenue de ce débat, qui porte sur un sujet essentiel.

L’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a constitué un tournant symbolique. Cette loi a changé le regard de notre pays sur le handicap. Fini, la logique d’assistanat ! La loi garantissait l’égalité de tous les citoyens et mettait en avant la nécessité d’accompagner les personnes handicapées dans leur quotidien, afin qu’elles puissent avoir un parcours de vie comme tout un chacun.

Droit à l’éducation pour tous les enfants, accès aux droits fondamentaux reconnu et simplifié, grâce par exemple à la création des maisons départementales des personnes handicapées, mise en place de l’accessibilité universelle à l’échéance de dix ans : les avancées prévues dans le texte étaient porteuses d’espoir pour les millions de personnes en situation de handicap de notre pays.

Dix ans après, cela a déjà été dit, si des progrès ont été enregistrés, force est de constater l’existence d’un important retard. Les personnes handicapées sont les premières à faire cet amer constat : selon un sondage effectué par l’IFOP au début de l’année, près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis dix ans ; près d’un quart des personnes interrogées juge même qu’il s’est dégradé !

Dix ans après son adoption, il faut donc bien reconnaître que les objectifs fixés par la loi de 2005 sont encore loin d’être atteints. En tant que parlementaires, nous devons mesurer la gravité de la situation. Le fait qu’une loi votée voilà dix ans ne soit que très partiellement appliquée est de nature à troubler les repères républicains dans notre pays et à aggraver la méfiance de certains de nos concitoyens à l’égard de la politique en général. Il nous faut réagir !

Le retard est immense. Pour le rattraper, nous avons autorisé en juillet 2014 le Gouvernement à légiférer par ordonnances. La mise en place des agendas d’accessibilité programmée était, sur le principe, un bon moyen d’inciter à la réalisation effective des travaux de mise en accessibilité. Pourtant, les associations nous alertent, souvent avec colère, sur le contenu de ces ordonnances, qui est loin d’être satisfaisant.

La mise en accessibilité ne peut pas être vue comme une contrainte. Elle ne peut pas être perçue comme une charge financière qui empêcherait la réalisation d’autres investissements. Elle impose bien sûr de faire des choix, des arbitrages, de définir des priorités, mais elle doit être vue comme un bénéfice pour tous et comme un investissement allant de soi. La notion de « difficulté financière », servant à justifier des dérogations, « renouvelables si nécessaire », au dépôt d’Ad’AP, doit être maniée avec prudence et clairement définie. Il faut veiller à ce que les travaux de mise en accessibilité ne passent pas systématiquement après d’autres investissements qui seraient jugés plus importants.

Comment la promotion de l’égalité de tous les citoyens ne serait-elle pas la priorité dans notre république ? L’État, le Gouvernement, les pouvoirs publics, les administrations, mais aussi les acteurs économiques et sociaux en général doivent s’engager.

L’État, en particulier, doit montrer l’exemple. Pourtant, la France est régulièrement montrée du doigt pour non-respect des droits de ses citoyens en situation de handicap. Ainsi, en février, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, un prisonnier handicapé ayant été traité d’une façon jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a encore une fois épinglé la France en raison de l’insuffisante scolarisation des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes : 20 000 d’entre eux ne seraient pas scolarisés en milieu ordinaire, alors que cela est vivement recommandé, dès lors qu’un accompagnement adéquat est assuré.

Le droit à l’éducation, pourtant inscrit dans la loi de 2005, est d’autant plus mis à mal que l’accessibilité des établissements scolaires n’est souvent pas assurée : comment est-il possible qu’un quart des écoles construites après 2008 ne soient pas accessibles, comme l’indique une étude récente de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ? Comment est-il possible que la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne soient souvent pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils devraient l’être depuis plusieurs années ? Comment se fait-il que l’évolution du statut professionnel des auxiliaires de vie scolaire progresse si difficilement ?

Les effets de cette situation sont désastreux : tout cela contribue au fait que les personnes handicapées soient moins diplômées que la moyenne, 51 % d’entre elles n’ayant aucun diplôme ou seulement le BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Leur taux de chômage est de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et il ne cesse de croître dramatiquement depuis plusieurs années : il a ainsi augmenté de plus de 75 % en cinq ans.

La loi de 2005 reconnaissait enfin le principe d’égal accès aux droits fondamentaux. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, sur lequel il y aurait pourtant aussi beaucoup à dire.

Pourquoi, par exemple, ne pas harmoniser les plafonds de la CMU-complémentaire et de l’allocation aux adultes handicapés ? L’écart n’est que de 80 euros. La situation est paradoxale : plus une personne est handicapée, plus elle a besoin de soins constants, plus le montant de l’AAH est élevé ; mais alors, les revenus deviennent souvent supérieurs au plafond fixé pour l’octroi la CMU-C. Comment expliquer cela aux personnes concernées ?

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion, au cours des mois à venir, de rattraper notre retard grâce à deux vecteurs législatifs : d’une part, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que nous examinerons la semaine prochaine ; d’autre part, le projet de loi relatif à la santé, dont nous discuterons dans quelques mois. Utilisons-les pour faire avancer un certain nombre de nos propositions. L’égalité ne doit pas, ne peut pas être sans cesse remise à plus tard.

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