M. Jégo définit comme une pratique commerciale frauduleuse toute utilisation du drapeau tricolore sur un produit vendu en France qui ne bénéficie pas d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique ou qui n’a pas fait l’objet d’un processus de certification attestant son origine française. En l’état actuel de sa rédaction, cet article reviendrait à interdire, demain, la démarche « Viandes de France » lancée et contrôlée par l’ensemble des filières de viandes françaises et par les services de l’État.
En effet, INTERBEV, la filière de la viande bovine, précise que, juridiquement, Viandes de France n’est pas une appellation d’origine, ni une indication géographique, ni un processus de certification. Pour autant, Viandes de France est soumis à un contrôle permanent réalisé par des organismes indépendants, qui est gage de qualité et de confiance.
J’aimerais, monsieur le ministre, avoir quelques éléments concernant votre position sur ce sujet. Comme beaucoup d’entre nous, je soutiens toutes les démarches valorisant le made in France. Néanmoins, je trouverais regrettable que l’on remette en cause le travail effectué sur Viandes de France.
Bien sûr, les labels et appellations constituent l’un des atouts de notre agriculture, ainsi qu’une reconnaissance de qualité. Riz, sel, taureau de Camargue, Roquefort, Comté, Piment d’Espelette, volailles du Languedoc, beurre d’Isigny : à travers les seuls noms de ces produits sont évoqués un territoire, marqueur fort d’une identité et d’une compétence.
Chacun, dans nos régions et nos départements, nous sommes fiers de citer nos produits qui révèlent un savoir-faire et une culture teintée d’art de vivre. Dans l’Hérault – j’y reviendrai –, je peux citer spontanément des dizaines de produits, du navet de Pardailhan à l’huître de Bouzigues en passant par les Pélardons que l’on déguste avec nos vins, reflets de nos territoires.
En effet notre pays s’est engagé depuis plus d’un siècle sur la voie de la qualité et de l’origine des produits agricoles et agroalimentaires. C'est un gage de protection qui permet aux producteurs et aux acteurs économiques d’arborer la diversité, la qualité et la typicité de leurs produits. C'est aussi un gage d’image et de notoriété pour notre pays, dont la gastronomie est célèbre dans le monde entier.
Insister sur ces noms de produits, les valoriser, les porter avec fierté et afficher ces chiffres de réussite démontre que la France a su relever de nombreux défis : ceux de la concurrence mondiale, de l’évolution des goûts des consommateurs et de la transformation des métiers. Cela montre aussi la détermination de nos agriculteurs et de toutes les filières, qui ont su s’adapter, produire et vendre mieux, non seulement sur les marchés intérieurs, mais aussi à l’export, en s’engageant fermement sur la voie de la qualité.
Ce sont là des enjeux et une stratégie que le Gouvernement, sous votre pilotage, monsieur le ministre, a su concrétiser l’an dernier avec la loi d’avenir agricole. Nous nous devions de nous poser les bonnes questions, pour que, demain, la France soit toujours citée pour son modèle agricole, ses agriculteurs responsables et ses industries.
Ces enjeux sont à la base du triptyque du développement durable.
Tout d'abord, il y a les enjeux sociaux : quel devenir pour les métiers de la terre et de la mer ? Quel avenir pour nos jeunes, avec tous les problèmes de transmission d’exploitations que l’on connaît ?
Ensuite, viennent les enjeux économiques : il s'agit de maintenir l’industrie agroalimentaire à sa place de deuxième employeur de l’Hexagone, de soutenir les entreprises dans leur volonté de modernisation et de favoriser les groupements pour faciliter la mutualisation.
Enfin, il y a les enjeux environnementaux : préserver la ressource en eau, le foncier face à l’artificialisation des terres et, bien sûr, la biodiversité.
Dans l’Hérault, j’aime répéter que nous devons viser une agriculture qui soit raisonnée et raisonnable, pour pouvoir être durable. De nombreux agriculteurs se sont tournés vers le bio. En termes de surfaces, le Languedoc-Roussillon est le premier vignoble en France en agriculture biologique. Parmi les exploitants, ceux qui se sont lancés depuis des années dans cette nouvelle façon de produire – certains étaient de vrais pionniers, qui ont engagé une évolution des pratiques et des mentalités – l’ont fait à double titre : dans une démarche de conscience, mais aussi de stratégie d’entreprise.
Ils se sont posé les bonnes questions : quelle terre pour demain ? Comment développer la compétitivité tout en préservant l’environnement ? Grâce à la traçabilité et à des cahiers des charges précis et exigeants, tout en s'engageant auprès des consommateurs français, ils ont gagné en termes d’image à l’international.
En effet, les goûts et les habitudes d’achat ont évolué, avec en toile de fond des préoccupations de santé, d’art de vivre et de « bien consommer ». Les exemples concrets sur mon territoire comme sur les vôtres, monsieur le ministre, sont tellement nombreux qu’il est impossible d’en dresser des listes exhaustives. Ils concernent la biodiversité, les circuits courts et les démarches qualité.
À Clermont-l’Hérault, notre huilerie coopérative s’est engagée dans la labellisation AOC de son huile d’olive, alors que nos taureaux de Camargue ont déjà obtenu ce label, tout comme une soupe de poisson à Sète. Cela souligne les partenariats engagés sur l’ensemble de la chaîne : du producteur jusqu’au distributeur, pour arriver chez le consommateur.
Agrilocal est également un exemple fort de la valorisation des circuits courts – j’en ai déjà parlé dans cet hémicycle. Née dans la Drôme, cette plateforme concrétise le slogan « du producteur au consommateur ». Et ça marche ! Aujourd’hui, ce sont plus de 3 000 producteurs et artisans qui vendent directement via cet outil dans toute la France. Je me félicite de la déclinaison nationale de la généralisation des circuits courts que vous avez opérée, monsieur le ministre.
Le 2 décembre 2014, un guide pratique pour favoriser l’approvisionnement local et de qualité en restauration collective a été diffusé aux élus de la France entière. Il offre aux donneurs d’ordre les outils juridiques permettant d’accorder toute leur place aux produits locaux, dans le respect du code des marchés publics.
Plus largement, en Languedoc-Roussillon, plus de 20 % des exploitants agricoles vendent en circuit court – les chiffres atteignent même 56 % pour les producteurs de miel et 46 % pour les producteurs de légumes. C’est dire l’intérêt des agriculteurs pour ce moyen de diversification de leurs revenus.
La biodiversité, l’agriculture raisonnée et bien sûr l’agriculture biologique, relayées ensuite via des circuits de proximité, sont autant de réponses qui conjuguent l’éthique, le respect de la terre et les préoccupations sociales et humaines.
L’agroalimentaire français peut donc compter sur l’engagement et l’audace de ses agriculteurs et de ses chefs d’entreprise. Le Gouvernement soutient ces démarches d’avenir. Ainsi, le 30 janvier 2015, vous avez annoncé, monsieur le ministre, le lancement d’une version 2 du plan Écophyto, avec notamment un objectif de réduction de 25 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2020 et de 50 % d’ici à 2025.
Le plan précédent visait une réduction de 50 % des pesticides en dix ans. Or aucune tendance à la baisse n’a pu être observée depuis son lancement en 2008, même si une « révolution culturelle est en marche ».
Afin de mettre en œuvre le projet agroécologique porté par la majorité, le nouveau plan se structure autour de six axes : agir aujourd’hui et faire évoluer les pratiques ; améliorer les connaissances et les outils pour demain et encourager la recherche et l’innovation ; évaluer et maîtriser les risques et les impacts ; inscrire le plan dans une logique de territoires et de filières ; accélérer la transition vers le zéro phyto dans les jardins et espaces à vocation publique ; communiquer et renforcer le suivi du plan.
Pour conclure, j’ajouterai que nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de soutenir nos agriculteurs sur la voie de l’excellence, en leur proposant quelques pistes d’amélioration : clarifier les labellisations pour une meilleure compréhension et lisibilité des consommateurs ; simplifier les procédures et raccourcir les délais d’obtention d’un label ; inciter à une relation de qualité entre les producteurs et les distributeurs pour améliorer les marges dans un juste équilibre pour chacun. C’est important, car il y va de la survie de certaines exploitations.
L’innovation est un facteur clef de la compétitivité de notre industrie. La filière agroalimentaire est constituée à 98 % de PME et TPE, qui consacrent moins de 1, 8 % de leur valeur ajoutée à la recherche et au développement. C’est peut-être là que réside notre faiblesse.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement avait de grandes ambitions en la matière : le contrat de filière alimentaire, signé en juin 2013, prévoyait en effet que le programme d’investissements d’avenir, ou PIA, permette de soutenir les projets de modernisation – mécanisation, robotisation et utilisation du numérique – des entreprises alimentaires ayant pour objectifs d’améliorer leur productivité. Au moment où le Président de la République annonce un rechargement du PIA, que pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, sur ce sujet ?
La filière agroalimentaire doit s’inscrire dans la logique d’un aliment bien-être et durable, d’un emballage intelligent et d’une usine du futur. Les perspectives de développement passeront par la capacité à s’insérer parfaitement dans l’internationalisation des échanges, ainsi qu’à remplir les exigences liées à la sécurité, à la qualité et à l’environnement.