Intervention de André Gattolin

Réunion du 12 mars 2015 à 15h00
Débat sur l'avenir de l'industrie agroalimentaire

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Le secteur laitier est également en crise. La situation est en passe de s’aggraver lourdement avec la suppression des quotas au 1er avril prochain, laquelle ne relève malheureusement pas du canular.

L’organisation européenne des producteurs laitiers, le European Milk Board, enjoint les décideurs européens à mettre en place un « programme de responsabilisation face au marché », pour contrer une éventuelle catastrophe.

Ce programme obligerait les producteurs augmentant leur production en dépit d’une saturation du marché à payer une taxe, tandis qu’il accorderait une prime à ceux qui réduiraient leur production. Ce système de régulation pourrait éviter une surproduction massive du marché dans un contexte baissier.

De même, la fin du système de négociation du prix par l’ensemble des acteurs de la filière, sans qu’il soit remplacé par un autre mécanisme, a pour effet d’étrangler les producteurs : une augmentation des marges des distributeurs est observée à leur détriment, ce qui n’est d’ailleurs pas un problème propre au seul marché du lait.

Nous avons la chance, en France, de posséder un outil productif de très grande qualité, des savoir-faire reconnus dans le monde entier, une culture alimentaire et culinaire classée au patrimoine immatériel de l’humanité. Nous devons être à la hauteur de notre réputation et chercher inlassablement la qualité de nos productions, plutôt que les volumes de production ou la baisse des coûts.

Notre agriculture, qui est à la base de notre industrie agroalimentaire, est en pleine mutation. Nous devons accompagner une telle transformation. C’est d’ailleurs le sens de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, défendue par vous-même, monsieur le ministre, et adoptée en octobre dernier. Nous sommes aujourd'hui à un tournant économique, écologique et climatique : les choix que nous opérons en ce moment sont lourds de conséquences, positives comme négatives.

Globalement, le fond de mon propos tient en quatre mots : indépendance, relocalisation, agroécologie et gouvernance alimentaire.

Si l’indépendance est aussi importante, c’est parce que, malgré la puissance de notre agriculture, nous ne sommes absolument pas autosuffisants sur le plan alimentaire. Pour citer un seul exemple, un million d’hectares de terres en Amérique latine servent à faire pousser du soja destiné uniquement à nourrir les élevages intensifs de Bretagne !

J’en viens à la relocalisation. Aujourd’hui comme hier, un pot de yaourt peut effectuer 5 000 kilomètres en camion avant d’arriver sur notre table. J’ignorais que la Normandie était aussi éloignée de Paris ! Les circuits courts, l’agriculture bio, les fermes de proximité, sont bien plus intensives en emploi et bien plus respectueuses de l’environnement que la monoculture.

Vous avez contribué à populariser le terme d’agroécologie, monsieur le ministre, et nous vous en remercions.

Jusqu’à présent, nous avons préféré mettre des chimistes dans les champs. Toutefois, ce sont les agronomes qui nous permettront de restaurer les sols, pour qu’ils deviennent riches et vivants, en diminuant drastiquement la quantité d’intrants chimiques que nous épandons. Il faudra aussi réfléchir à la manière de rémunérer les services écosystémiques rendus par les sols et l’agriculture en général, afin d’accélérer la transition indispensable que nous appelons de nos vœux.

Nous devons suivre le nouveau modèle agricole promu par la réforme de la PAC, dont l’objectif est d’aider d’abord les exploitations de taille petite et moyenne. Les « fermes usines » sont donc à bannir.

Je renouvelle ici la requête formulée dans cet hémicycle à deux reprises par mon collègue Joël Labbé, qui vous a demandé, monsieur le ministre, un chiffrage financier précis du coût des externalités négatives de l’agriculture industrielle classique et des bénéfices que nous retirons des externalités positives d’une agriculture reposant sur les principes de l’agroécologie.

Enfin, je veux souligner la nécessité d’une véritable gouvernance alimentaire mondiale. Nous ne pouvons plus continuer de tolérer la spéculation financière sur les denrées alimentaires ; nous ne pouvons plus tolérer que certains pays soient dépossédés de leurs terres, celles-ci étant vendues au plus offrant, à défaut d’être exploitées par leurs habitants.

Monsieur le ministre, pour conclure, j’évoquerai la décision que vous avez prise de réduire de 25 % les aides au maintien en agriculture biologique pour 2014.

Parce qu’elle fait le choix de ne pas dégrader notre environnement commun, l’agriculture biologique est plus soumise aux aléas de production que l’agriculture chimique. Si les aides de long terme à l’agriculture biologique sont elles-mêmes soumises à des aléas, le soutien à cette filière, dont se prévaut le Gouvernement, perd tout son sens.

Votre ministère évoque dans la presse des « contingences techniques ». Il est crucial, monsieur le ministre, d’apporter une réponse politique. Les quelques millions d’euros qui font défaut ne doivent pas peser sur cette filière d’avenir qui est fragile. Les écologistes comptent sur vous !

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