Nous le savons tous dans cet hémicycle pour l’observer dans nos départements respectifs, ces emplois sont liés à des territoires spécifiques. J’ajoute que, sans les activités agroalimentaires associées à l’agriculture, un certain nombre de régions seraient presque privées d’industrie. Cette filière n’en est que plus importante. Non seulement elle regroupe un grand nombre d’emplois, mais ces derniers sont très territorialisés. Voilà pourquoi nous devons veiller à préserver la capacité des entreprises concernées à pérenniser leur activité, à assurer leur développement et à financer leurs investissements.
À travers cette industrie, c’est son image que la France diffuse, en Europe et dans le monde. De surcroît, l’agroalimentaire est, pour nous, une source d’attractivité, ne serait-ce que pour le tourisme que notre pays polarise. Dans toutes les régions touristiques, chacun a sans doute à l’esprit ce que représentent la restauration et donc la production agroalimentaire française. Il faut comprendre au sens large l’enjeu dont il s’agit, sous un angle industriel mais aussi de manière culturelle, en lien avec la gastronomie.
Je l’ai souligné en ouvrant mon propos : ce débat est important en ce sens qu’il vise à définir de grandes stratégies.
Le ministère de l’agriculture suit cette double stratégie, que je viens de mentionner et qui, selon moi, est à même de faire l’unanimité : favoriser l’exportation tout en réduisant notre dépendance et nos importations si c’est possible – je vais tenter de vous prouver que tel est le cas.
Certains orateurs ont rappelé que l’agroalimentaire bénéficiait précédemment d’un ministre délégué, qui, c’est vrai, s’est révélé être un acteur important. À présent, j’assume cette responsabilité avec un jeune délégué interministériel, nommé par le Président de la République. Je l’ai dit, l’administration de mon ministère va être réorganisée, en particulier la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, la DGPAAT. Il convient d’y intégrer les enjeux de l’agroalimentaire, que ce soit en termes de pilotage politique ou sur le plan administratif. À mon sens, c’est un signal fort de l’attachement que la France voue, et que je voue moi-même à la transformation des produits agricoles.
Je suis ministre non seulement de l’agriculture mais aussi de l’agroalimentaire : aucun produit agricole n’est consommé sans avoir été transformé. §Les degrés de transformation peuvent être plus ou moins élevés. On distingue à ce titre la première, la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième transformation. Quoi qu’il en soit, nous consommons des produits transformés – je ne cesse de le répéter ! – ou transportés. Les aliments ne sont pas consommés sans qu’une action soit opérée, ne serait-ce que par la récolte de la production.
Le premier enjeu, c’est la modernisation et la compétitivité. Il a été évoqué au cours de cette discussion et vaut dans les deux sens, pour notre capacité à exporter et à éviter les importations.
En la matière, je rappelle que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, comme le pacte de responsabilité, lequel permet des allégements de charges patronales sur les bas salaires, sont des dispositifs essentiels dans un secteur qui emploie beaucoup de main-d’œuvre, notamment de personnes rémunérées aux alentours du SMIC. C’est précisément la cible du CICE.
Gardons en tête les montants dont il s’agit, car il faut bien mesurer l’ampleur de l’effort accompli.
Entre 2012, époque à laquelle ces dispositifs n’étaient pas encore en vigueur, et 2015, 771 millions d’euros d’allégements supplémentaires ont été accordés à l’industrie agroalimentaire. Entre 2012 et 2017, nous ambitionnons de porter cette somme à 1, 1 milliard d’euros. Voilà l’effort qui est fait, pour une industrie qui – certains l’ont rappelé – avait besoin de retrouver de la compétitivité. Le pacte de responsabilité s’applique parfaitement à l’industrie agroalimentaire et contribue à l’amélioration de sa compétitivité.
Il fallait faire ce choix, à une condition près : que le CICE, dont bénéficient en particulier les PME, ne soit pas absorbé dans des négociations commerciales destinées, en définitive, à réduire les prix. §Je m’en assure dès que j’en ai l’occasion. Lors des négociations commerciales menées au début de cette année, j’ai systématiquement formulé ce rappel. Au titre du pacte de responsabilité, la nation mobilise un total de 32 milliards d’euros. Si cet effort se traduit par une simple baisse des prix sans conforter la compétitivité et les capacités d’autofinancement du secteur, notre pays ne pourra pas le poursuivre longtemps. Chacun doit assumer ces responsabilités.
Soyons, tous ensemble, extrêmement attentifs à ces questions, chaque fois que de telles négociations sont menées. Je le répète, chaque acteur a sa responsabilité, y compris les organisations patronales. Lorsque des pourparlers ont lieu entre la grande distribution et les industries au sein d’une instance comme le MEDEF, chacun doit garder cet impératif à l’esprit. Le ministre n’est pas censé devoir rappeler, en permanence, l’importance de l’enjeu : l’État ne mobilisera pas 32 milliards d’euros tous les ans ! Cette somme doit donc servir à la compétitivité, à l’autofinancement et aux capacités d’investissement pour l’avenir.
La Banque publique d’investissement, ou BPIFrance, est également mobilisée en faveur de ce secteur. Au reste, Guillaume Garot avait veillé à ce que cette instance consacre une ligne budgétaire spécifique aux entreprises de l’agroalimentaire. Le nombre d’entreprises soutenues a crû de 50 % entre 2011 et 2014, et le montant des prêts accordés a augmenté de 40 %. C’est un progrès. Il faut encore améliorer ces résultats. La France a besoin de ces investissements.
En outre, lors de mon arrivée au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, j’avais constaté, avec Guillaume Garot, la faiblesse des investissements consacrés à cette industrie. Or, lorsque les investissements s’affaissent en capacité comme en rentabilité, la compétitivité décline. Il s’agit donc d’une perspective majeure pour ce secteur.
Vous le constatez, la compétitivité s’améliore, grâce au CICE et au pacte de responsabilité. Les capacités de financement et d’investissement existent. Encore faut-il être capable de déployer une stratégie à moyen et long termes. C’est, me semble-t-il, ce qui a fait défaut par le passé.
À mon sens, au-delà du débat politique portant sur ce qui a été fait ou non, il faut avant tout savoir où l’on veut aller. Voilà pourquoi les plans de la nouvelle France industrielle ont toute leur importance. Rien n’est pire que de rester statique : c’est loin d’être la meilleure manière de déterminer sa direction, de choisir un chemin, d’engager des financements et des investissements. Il faut tracer des perspectives.
Je le répète, c’est ce que fait le Gouvernement dans le cadre des plans de la nouvelle France industrielle. Heureuse coïncidence, je me suis rendu ce matin même au ministère de l’économie. Emmanuel Macron et moi-même avons fait le point sur trois plans en cours de discussion, que je vais vous détailler en présentant un certain nombre de chiffres relatifs aux financements et aux accompagnements de l’État.
Tout d’abord, nous avons examiné le plan textile. Je le dis à cette tribune : il est frappant de constater que cette industrie, il y a peu encore jugée obsolète et en voie de disparition, est en train de renaître et de se fixer, grâce aux textiles intelligents, des objectifs extrêmement ambitieux et innovants. Ces projets vont rendre à cette industrie sa place historique, qu’elle avait perdue et qu’elle doit reconquérir.
Ensuite, nous avons détaillé le plan relatif à la forêt. La filière bois est essentielle et nous lui avons consacré, dans cet hémicycle, d’importants débats au titre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Enfin, nous nous sommes penchés sur le plan relatif à l’alimentation de demain, aux industries agroalimentaires. Il se décline en cinq volets qui ont été mentionnés et sur lesquels je reviens à mon tour.
Premièrement, – c’est, pour moi, un objectif prioritaire – nous devons investir dans les abattoirs pour améliorer leur productivité. Ces investissements sont essentiels. Madame Gatel, vous l’avez souligné avec raison, pour rendre cette filière attractive, il faut tenir compte d’un certain nombre de critères, en particulier de la pénibilité.