Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 12 mars 2015 à 15h00
Débat sur l'avenir de l'industrie agroalimentaire

Stéphane Le Foll, ministre :

Une fois ce constat posé, que fait-on ? Nous mettons en œuvre les mêmes dispositions afin d’agir sur la compétitivité, avec le CICE, sur le soutien à l’investissement, c’est la question des abattoirs, sur l’accompagnement des restructurations douloureuses, comme nous l’avons fait avec Gad à Lampaul et à Josselin, avec une entreprise, SVA Jean Rosé, adossée à un grand groupe de distribution.

Madame la sénatrice, dans cette situation, lorsque la fermeture menace, avec le risque de voir disparaître des milliers d’emplois, on choisit des stratégies avec des repreneurs, voilà l’enjeu.

AIM a, malheureusement, rencontré également des problèmes, qui ne sont pas liés à la conjoncture, nous en sommes tous d’accord, mais à une structure un peu datée et à une gestion qui n’a pas été à la hauteur. Que devons-nous faire ?

Trois possibilités ont été envisagées, que nous avons étudiées, je le dis, en parfaite harmonie avec les collectivités territoriales, département et région, dont les couleurs politiques diffèrent. Cette bataille autour de la défense d’une industrie et de ses emplois a bien été menée en commun. Mais ces trois projets n’ont finalement pas pu aboutir.

Nous travaillons maintenant sur une reprise de l’abattoir sous forme de SCOP. Encore faut-il définir une stratégie par rapport à la production porcine normande et trouver le moyen de valoriser cette production à l’échelle du marché national.

Une réflexion a été engagée au ministère jusqu’au mois de juin : je ne laisserai pas la filière porcine sans apporter des réponses structurelles ! Que fait-on à partir des constats que nous établissons aujourd’hui. Ainsi, pourquoi, dans un marché au cadran, rencontrons-nous aujourd’hui des difficultés ? Quand il est orienté à la baisse, cela descend très bas, mais quand il faut que les prix remontent, ils ne peuvent le faire de plus de cinq centimes par adjudication.

Comment faire pour gérer cela d’une manière plus adaptée à la réalité du marché de la filière porcine ? Aujourd’hui, les pièces dont nous avons besoin sont variées : ce qui se vend, ce ne sont pas des carcasses entières, mais des produits de découpe de toutes sortes, selon les saisons, depuis les grillades de l’été et du printemps jusqu’aux morceaux spécifiques de l’hiver.

Il faut que la filière soit plus structurée. Nous y travaillons avec la Fédération nationale porcine, dont l’assemblée générale a lieu en juin à Ploërmel. J’entends bien y avancer des propositions afin de tracer, là encore, des perspectives de redressement.

Dans le même temps, nous avons introduit de la simplification au niveau de la production, en raccourcissant les délais en ce qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE. C’était un problème.

Il est inutile de prendre trois ans pour instruire un dossier s’il est possible de le faire en six mois. Ne perdons pas de temps. Nous devons à la fois être efficaces et respectueux des normes et des règles, mais ne laissons pas croire qu’il est préférable de consacrer trois ans à un dossier. Non, l’objectif est d’aller plus vite, sans remettre en cause les règles environnementales.

Des efforts stratégiques ont donc été consacrés à la filière porcine, ils continuent.

L’évocation du label « Viandes de France » me permet de répondre à la question posée par l’amendement Jégo adopté à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi « Macron ». Cette démarche est essentielle et va se prolonger. Je vous annonce ainsi que nous discutons, en particulier avec la filière porcine, pour l’étendre au-delà des viandes non transformées, vers les produits transformés, et en particulier la charcuterie. Quand la traçabilité est facile à établir, nous devons aller jusqu’au bout pour valoriser la production française. Tel est l’enjeu.

L’amendement Jégo contrarie cette stratégie, que je compte appliquer à d’autres secteurs : je vais mettre en œuvre le label « Fleurs de France » – très beau slogan : les « Fleurs de France » ! Nous avons perdu 80 % de notre production horticole, il est temps de réagir et de la mettre en valeur.

Nous travaillons également aux labels « Miels de France » et « Légumes de France », afin de permettre la valorisation de la production française, et de lui assurer des débouchés, en particulier auprès des consommateurs français qui cherchent à acheter français.

Parallèlement, je milite en faveur de l’établissement d’une stratégie européenne pour la traçabilité, à travers l’étiquetage européen sur les origines des viandes, transformées et dans les plats cuisinés en particulier. C’est un problème à gérer au niveau de l’Europe. Mais nous, nous pouvons, et nous devons, avancer. On voit bien, depuis la crise des lasagnes au cheval, que la mise en œuvre du label « Viandes de France » est un atout et nous allons continuer à mettre l’accent sur la traçabilité dans notre pays. Cela vaut donc pour plusieurs filières.

Nous devons également nous mobiliser sur la question des fruits et des légumes à l’école. J’apprends que nous disposons de 12 millions d’euros de crédits européens pour donner des fruits à l’école mais que nous n’en utilisons que 1 million d’euros ! De temps en temps, il faut vraiment secouer la boutique ! Alors que certaines productions de fruits et légumes font face à des difficultés, nous abandonnons 10 millions d’euros destinés, au surplus, à les distribuer aux écoles. Cela ne me paraît franchement pas responsable ! Nous sommes en train de régler ce problème, et je veux que cela soit fait avant le début de la saison des fruits et des légumes.

L’export : quel beau sujet ! Quand je suis arrivé au ministère, j’ai constaté que Ubifrance, Sopexa, l’AFIT agissaient, que tout le monde s’en mêlait, chacun avec sa petite boutique pour exporter, qui en Thaïlande, qui en Corée, qui en Chine… Si vous allez à Shanghai, vous verrez que les Français sont représentés ! La filière porcine, la filière bovine, les légumes, la charcuterie, tout ce que vous voulez ! Tout le monde a son petit truc.

Il est temps de mettre un peu d’ordre ! Quand je dis cela, c’est le ministre qui parle, mais ce n’est pas si facile de le faire ! Pour ce qui concerne la responsabilité du ministre, on a avancé. Mais il y a tout de même des manières de traiter et de gérer les choses. Si tout était un peu plus coordonné, c’est sûr et certain, ce serait plus efficace et cela coûterait moins cher. Pour notre part, nous avons fait ce qui était de notre responsabilité.

En effet, on a mis en place un comité export au sein de l’administration, qui fonctionne bien. Celui-ci nous a permis d’ouvrir des marchés. Il travaille aujourd’hui en particulier sur la viande bovine en Algérie, en Turquie, au Maroc, sur l’ensemble des marchés disponibles. C’est un enjeu fort.

Ce comité a également permis des ouvertures importantes ; je pense, pour la Chine, à la charcuterie, au travers d’abattoirs et de coopératives bretonnes. Ainsi, une grande coopérative des Côtes-d’Armor a aujourd'hui son agrément. Mais, je le dis au passage, si les négociations peuvent prendre fin très vite en Chine, il faut beaucoup de temps pour les faire aboutir. En l’occurrence, la négociation remonte au voyage du Président de la République en 2013 pour aboutir à un agrément en 2015. Les relations de confiance mutuelle exigent un travail continu. Nous avons beaucoup œuvré en la matière parce qu’il est très important d’ouvrir ces marchés à l’exportation.

Mieux accompagner les entreprises : il faut à la fois élaborer une stratégie pour ce qui concerne les TPE et les PME et fournir un accompagnement personnalisé.

Plus de 120 PME exportatrices ont été repérées. Nous les soutenons au travers d’une politique et d’une diplomatie économiques s’appuyant sur des attachés pour les affaires agricoles et agroalimentaires dans chacune des ambassades.

À ce titre, j’indique que je viens de nommer une attachée dans différents pays stratégiques pour la France, notamment dans la grande Afrique de l’Ouest, qui représente des enjeux importants. Dans le cadre du Quai d’Orsay, mais aussi avec les moyens du ministère de l’agriculture, on essaie donc de développer une diplomatie en la matière.

Rationaliser les outils publics d’accompagnement à l’export : le travail est en cours. Il a avancé, avec la création de Business France. Voilà qui est fait. Ce matin, lors des débats que nous avons eus sur les plans d’avenir, nous avons parlé de la disponibilité de Business France pour soutenir les entreprises et les PME à l’exportation et les aider à préparer les montages financiers.

Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser le fameux débat entre Ubifrance et Sopexa. Il s’agit de mettre en œuvre une stratégie unique lors des grands salons internationaux, afin d’éviter que de multiples opérateurs ne viennent chacun parler de la France : il vaut mieux en parler une seule fois et de manière très claire, plutôt que d’avoir plusieurs intervenants, car cela peut conduire à une certaine cacophonie. Imaginez une dizaine de Français devant un Chinois : l’un lui parlera de l’ouest de la France, un autre du sud, un autre encore du nord ; l’un fait de la charcuterie, l’autre des légumes. Il est temps de s’organiser pour parler de la France, et c’est ce que nous sommes en train de faire. C’est très important pour favoriser les implantations et assurer un suivi des entreprises.

En effet, une entreprise qui a obtenu un débouché peut, deux ans après, faute de suivi, quitter le pays concerné et le marché est alors perdu.

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