Intervention de André Reichardt

Réunion du 19 mars 2015 à 9h30
Exercice des mandats locaux — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite des propos de mon collègue Jean-Jacques Hyest, je confirme que le groupe UMP votera le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire. Non qu’il nous donne le sentiment d’offrir le véritable statut de l’élu tel qu’il avait été évoqué et promis lors des états généraux de la démocratie territoriale, mais il constitue une pierre de plus dans l’édifice qui s’est construit au fil du temps au sein du code général des collectivités territoriales en vue de renforcer l’attractivité du mandat local et d’en faciliter l’exercice.

Initialement, la proposition de loi déposée conjointement, en novembre 2012, par Jacqueline Gourault, alors présidente de la délégation aux collectivités territoriales, et Jean-Pierre Sueur, alors président de la commission des lois, visait essentiellement à venir en aide aux élus locaux sur deux points : le régime indemnitaire, d’une part, la sécurisation des parcours professionnels, d’autre part.

Après deux lectures du texte par chaque assemblée, plusieurs points de convergence se sont dégagés, qu’il s’agisse du régime indemnitaire des élus locaux, de leur accès aux prestations familiales, des garanties qui leur sont accordées dans l’exercice d’une activité professionnelle, du remboursement des frais exposés dans l’accomplissement des fonctions électives ou des conditions de réinsertion professionnelle et de la formation de ces mêmes élus.

Comme l’a souligné Bernard Saugey, il subsistait principalement trois points de désaccord : d’abord, la définition de la prise illégale d’intérêts, pour laquelle le Sénat a déjà marqué un intérêt tout particulier à trois reprises, ainsi que Jean-Jacques Hyest vient de le rappeler ; ensuite, les modalités de financement de l’allocation différentielle de fin de mandat ; enfin, certaines modalités d’application du droit individuel à la formation, ainsi que le taux de la cotisation destinée à cette formation.

Sur chacun de ces points, un accord a été trouvé en commission mixte paritaire. À l’issue de cette discussion générale, je ne souhaite pas y revenir, d’autant que Jean-Jacques Hyest a déjà fait part de nos vues sur ces sujets, et notamment sur la question, finalement évacuée – et c’est bien dommage –, de la clarification du champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts.

Pour ma part, je reviendrai simplement sur la charte de l’élu, pour exprimer une nouvelle fois mon hostilité à son endroit. Il n’est, à mon sens, nul besoin de rappeler à l’élu local qu’il doit « assurer ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité », qu’il vise le « seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt personnel ». Lorsque, en outre, cette charte va jusqu’à rappeler à l’élu qu’il s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat à d’autres fins, alors que tout manquement à cet égard relève manifestement du code pénal, on sous-entend quasiment que les élus territoriaux sont des délinquants en puissance, ce qui, mes chers collègues, est absolument inacceptable, comme l’a dit M. Collombat.

Désormais, les exécutifs locaux devront donner lecture de cette charte lors de la première réunion de l’assemblée qu’ils dirigent, puis en remettre une copie aux membres de l’organe délibérant. Permettez-moi de dire, mes chers collègues, que cette lecture pour le moins scolaire des obligations des élus territoriaux s’avère bien peu respectueuse de ces derniers. Elle est, de surcroît, foncièrement inopportune et même superfétatoire puisqu’elle intervient alors que les nouveaux élus, qui auraient pu, les cas échéant, avoir l’intention de contrevenir à la loi, sont d’ores et déjà élus : il est donc trop tard pour les avertir qu’ils ne doivent pas mal se comporter, etc.

Comme l’avait signalé notre collègue Antoine Lefèvre, « lorsque l’on met implicitement en doute l’impartialité, la diligence, la dignité, la probité et l’intégrité des élus locaux, c’est en fait la République qu’on affaiblit ». Sur ce plan, je fais totalement miennes les paroles de M. Collombat.

Le Sénat avait pourtant entièrement réécrit l’article 1er B, afin de clarifier le contenu de la charte et, surtout, de supprimer les mentions qui étaient redondantes avec les obligations légales auxquelles sont soumis les élus. Hélas ! en CMP, il a été décidé de retenir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, même si elle a été simplifiée, et même si la référence au principe de libre administration des collectivités territoriales a heureusement été confirmée, notamment par la réécriture de la première phrase.

Pour autant, quelle que soit ma déception à cet égard, y a-t-il lieu de « jeter le bébé avec l’eau du bain » et de voter contre le texte au motif qu’il contient un article qui ne plaît pas, qu’il ne va pas assez loin sur d’autres articles, ou encore qu’il ne constitue pas le Grand Soir qui nous donnerait le statut complet de l’élu que nous appelons tous de nos vœux ?

Je ne le pense pas : d’abord, parce que ce texte apporte des garanties nouvelles aux élus, comme l’ont rappelé les intervenants précédents, notamment Jean-Pierre Sueur ; ensuite, parce qu’il a donné lieu à un véritable travail parlementaire, conclu par une CMP positive.

Mes chers collègues, au moment où certains s’interrogent sur l’intérêt du bicamérisme, il y a des occasions à ne pas manquer pour montrer en quoi le travail des deux chambres peut enrichir un texte en discussion : c’est le cas aujourd’hui, et je voulais le relever.

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