Intervention de Roland Courteau

Réunion du 6 juillet 2011 à 14h30
Sapeurs-pompiers volontaires — Discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, symboles forts de citoyenneté et de solidarité, les sapeurs-pompiers volontaires ont une image très positive au sein de la population. Personnellement, j’affirmerai que l’apport du volontariat est d’une importance majeure dans la sécurité civile.

Cela étant, pour nombre de Français, l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires paraît aller de soi. Mais je ne suis pas certain que ces mêmes Français prennent l’exacte mesure de la nature et de la dangerosité des missions que ces volontaires exercent, et des contraintes qu’elles impliquent.

D’emblée, je souhaite insister sur ce qu’il est convenu d’appeler la « crise des vocations », qui se manifeste par leur érosion.

Cela a été dit, les effectifs des volontaires sont en diminution régulière, alors que, dans le même temps, le rythme annuel des interventions progresse.

Oui, force est de le constater, le monde change, et les mentalités aussi.

Ainsi, comme le précise le rapport de la commission « Ambition volontariat », « les grands ressorts de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires sont, eux aussi, affectés ».

Le problème est bien connu : poids de plus en plus prégnant de la famille, judiciarisation croissante, qui peut être décourageante pour les volontaires et, donc, avoir une incidence sur le recrutement, mais aussi sur la durée de l’engagement ; enfin, dans bien des cas, difficile conciliation entre le volontariat et les exigences de l’employeur.

Ce nouveau contexte est, en effet, très préoccupant. C’est la raison pour laquelle il m’est apparu nécessaire de déposer, avec le groupe socialiste, la proposition de loi n° 356, en mars dernier, dans le but de donner, quinze ans après la loi de 1996, une impulsion nouvelle au volontariat.

En fait, si la baisse du recrutement est malheureusement réelle, la diminution de la durée moyenne des services d’un sapeur-pompier volontaire est aussi franchement inquiétante, puisqu’elle n’est plus aujourd’hui que de l’ordre de huit à neuf années.

Que peut-on y faire ? Sans doute faut-il mieux tenir compte de ce nouveau contexte, en ce qui concerne à la fois l’organisation des secours, la formation, les relations avec les employeurs, la disponibilité des volontaires et une meilleure reconnaissance à leur endroit.

Il nous importe également de réagir en vue de lutter contre l’érosion des vocations, par exemple en multipliant, par l’intermédiaire des SDIS, les campagnes de sensibilisation auprès des universités, des grandes écoles, mais aussi des établissements scolaires. « Tout commence sur les bancs de l’école », disait Romain Rolland. Pourquoi l’école n’apporterait-elle pas, elle aussi, sous une forme adaptée, sa contribution en matière de sécurité civile ?

Pourquoi ne pas mener également des campagnes d’information sur les chaînes de télévision, valorisant l’engagement des volontaires ?

Pourquoi ne pas fixer, chaque année, comme le préconise la commission « Ambition volontariat », des objectifs nationaux d’ouverture de sections de jeunes sapeurs-pompiers ?

Pourquoi ne pas mettre davantage à profit les journées d’appel de préparation à la défense pour mieux informer les jeunes sur le volontariat chez les pompiers ?

Pourquoi, enfin, ne pas créer une journée nationale de sensibilisation sur le volontariat chez les sapeurs-pompiers ?

Non, mes chers collègues, nous ne ferons pas l’économie du développement d’une vraie culture du volontariat !

Autre sujet de préoccupation : dans ce contexte d’érosion des vocations, il a bien fallu constater qu’il n’existait pas de définition législative de l’activité du sapeur-pompier volontaire. Les différentes lois restent en effet muettes à cet égard. Le sapeur-pompier volontaire n’est ni fonctionnaire ni pur bénévole, son engagement n’est ni professionnel ni associatif. Or il obéit à certaines règles, il a ses exigences propres, sa spécificité.

En fait, en dépit de son importance, le volontariat ne bénéficie pas d’un cadre juridique clair, précis, protecteur et attractif, qui lui permette d’en garantir la pérennité.

Comment donc préciser les missions et la nature de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires ?

Le texte que nous examinons tente de répondre à la question, tout comme d’ailleurs notre proposition de loi n° 356. Il y va de l’avenir du volontariat.

En fait, l’un de nos objectifs consiste à consacrer le principe selon lequel les sapeurs-pompiers volontaires sont des citoyens qui s’engagent librement au service de la communauté. Nicole Bonnefoy s’étant largement exprimée sur le sujet, je n’y insisterai pas davantage, rappelant simplement que leur activité est bien entendu complémentaire de celle des sapeurs-pompiers professionnels.

Des questions restent posées, notamment celles qui ont trait à la protection de la santé et de la sécurité du volontaire, mais aussi celle de la responsabilité du sapeur-pompier volontaire qui, étant retourné à son activité professionnelle au sortir d’une garde sans avoir bénéficié d’un temps de repos serait victime d’un accident du travail.

Mes chers collègues, clarifier, conforter, revaloriser le statut du sapeur-pompier volontaire est une urgente nécessité. Nous considérons, nous aussi, qu’il importe de lui apporter un certain nombre de garanties juridiques spécifiques et, en particulier, une protection contre les éventuelles poursuites pénales.

C’est l’objet de l’article 4 du présent texte. C’est aussi l’objet de l’article 3 de notre proposition de loi.

Il serait injuste, mais aussi décourageant et démobilisant pour les sapeurs-pompiers, de voir leur responsabilité pénale mise en cause dans les cas où l’urgence, le manque de moyens ou d’informations les auraient empêchés de prendre la bonne décision.

Pour répondre aux demandes les plus pressantes et enrayer l’érosion des vocations, d’autres mesures apparaissent également indispensables. Je pense à la nécessité de bien marquer la reconnaissance de la collectivité à l’égard d’hommes et de femmes dont les valeurs de don de soi et de courage ne sont plus à démontrer.

Voilà des hommes et des femmes qui, un jour, ont accepté de s’engager dans de telles missions, avec ce qu’elles impliquent de prises de risques, de contraintes et de sacrifices, alors que rien ne les y obligeait. Non seulement la collectivité ne doit pas ignorer cela, mais elle se doit absolument de manifester, sous différentes formes, sa reconnaissance.

Je n’apprécie guère cette boutade selon laquelle « on s’engagerait par vocation et on resterait pour la vacation ». C’est totalement injuste !

En revanche, je le dis résolument, cette vacation doit rester à un niveau décent.

Nous nous rejoignons sur plusieurs dispositions du présent texte, madame le rapporteur, qu’il s’agisse de la prise en compte de la durée de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires pour l’accès aux concours de la fonction publique, ou encore de la valorisation de l’expérience acquise par les sapeurs-pompiers volontaires.

Nous nous rejoignons également sur les dispositions visant à garantir aux sapeurs-pompiers volontaires la mise en œuvre et le bénéfice immédiat de leur protection sociale. C’est une mesure, parmi beaucoup d’autres, que contient notre proposition de loi.

Concernant justement l’ensemble des dispositions d’ordre social, nous nous retrouvons sur certaines mesures du présent texte, identiques à celles de notre proposition de loi, laquelle vise toutefois à aller plus loin sur plusieurs points, notamment sur la durée du service minimum permettant de bénéficier de la rente viagère. Il nous semble en effet nécessaire, quinze ans après la loi de 1996, de fournir un effort supplémentaire sur ce point précis.

Nous nous rejoignons, également, sur la disposition visant à aligner le montant de l’allocation de vétérance sur l’allocation de fidélité. C’est une bonne initiative, monsieur le secrétaire d’État, mais votre générosité aurait été bien plus appréciée si l’État s’était proposé de prendre à son compte tout ou partie de la dépense supplémentaire… À défaut de quoi le Gouvernement, une fois de plus, porte à la seule charge des collectivités un important surcoût. Faut-il rappeler que les collectivités territoriales sont financièrement asphyxiées ?

Encore une fois, sur un sujet important, l’État ne prend pas ses responsabilités.

Sur bien des points, et c’était l’un de nos principaux objectifs, nous invitions le Gouvernement, par l’intermédiaire de notre proposition de loi, à prendre ses responsabilités au travers, notamment, d’une majoration à due concurrence de la dotation générale de fonctionnement. Vous auriez pu vous en inspirer !

Quoi qu’il en soit, nous devons veiller à renforcer l’attractivité de l’engagement, à élargir le vivier de recrutement et à fidéliser plus longtemps les volontaires. Pour cela, gardons-nous de les décourager ou de les démotiver !

Pour ce qui est de la formation, il faut, d’une part, que celle-ci soit de qualité, en vertu de l’exigence majeure de sécurité, mais aussi d’efficacité, et, d’autre part, qu’elle soit cohérente avec la formation des sapeurs-pompiers professionnels.

Par ailleurs, les contraintes qui sont imposées aux sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de ces formations ajoutent au sentiment de découragement quand ils constatent qu’il n’est tenu presque aucun compte des compétences déjà acquises. Veillons donc à ce que certaines contraintes ne pèsent pas exagérément et inutilement sur la vie personnelle des volontaires.

Nous nous rejoignons aussi sur l’extension aux formations « sapeurs-pompiers volontaires » des dispositions du code du travail relatives à la formation continue.

Toujours dans l’objectif de développer le volontariat, nous étions favorables à des dispositions visant à exonérer de charges sociales les employeurs qui accordent des autorisations d’absence aux sapeurs-pompiers volontaires.

Il est patent que l’embauche d’un sapeur-pompier volontaire peut parfois être considérée par l’employeur comme une contrainte librement consentie, laquelle pouvait donc trouver une juste compensation dans l’exonération des charges sociales. C’était aussi l’un des objectifs de notre proposition de loi.

Cette mesure ne figure pas dans le texte présenté aujourd’hui ; c’est profondément regrettable.

Cela dit, nous verrons bien si les propositions faites par le Gouvernement seront de nature à nous rassurer sur ce sujet. Je pense à l’application simplifiée de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, et à la promotion du label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers volontaires ».

Enfin, l’article 22 bis, nouveau, part d’une très bonne intention puisqu’il tend à diminuer la participation financière au SDIS des communes et EPCI qui favorisent l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Une question se pose cependant : qui compensera le manque à gagner ? L’État ou le département ?

Avant de conclure, je souhaite indiquer qu’il faudra bien, aussi, prendre prochainement des initiatives visant à améliorer le budget des SDIS, en prévoyant d’autres sources de financement.

Ainsi, les sociétés d’assurance pourraient être mises à contribution puisque, grâce aux services d’incendie et de secours, les sinistres sont considérablement limités, de même que le nombre et la gravité des hospitalisations.

Les sociétés autoroutières pourraient aussi être davantage sollicitées, alors qu’elles ne le sont que très insuffisamment actuellement. Et il existe encore d’autres pistes...

Il était important de donner un nouveau souffle au dispositif en vigueur. Certes, le présent texte comporte des avancées. Mais, je le répète, nous aurions aimé que l’État assume financièrement ses responsabilités. Telle était la finalité de notre proposition de loi, qui visait aussi à conforter le volontariat et les conditions de son exercice, sans jamais cesser de le faire reposer sur les grandes valeurs citoyennes que sont le don de soi, le dévouement, l’altruisme, l’acceptation des risques.

La nation se devait de marquer sa gratitude envers celles et ceux qui la servent, parfois même au péril de leur vie. L’État devrait logiquement assumer ses responsabilités. Visiblement, sur le plan financier, tel ne sera pas le cas et la charge du service d’incendie et de secours incombera, une fois de plus, aux collectivités.

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