Intervention de Marie-Christine Labourdette

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 mars 2015 à 11h15
Audition de M. Jacques Sallois président de la commission scientifique nationale des collections cnsc sur le rapport de cette commission au parlement

Marie-Christine Labourdette, directrice du service des musées de France :

Je précise d'emblée que mon service assure le secrétariat général de la commission dans un esprit de parfaite neutralité afin qu'elle puisse fonctionner librement et rendre ses avis en totale indépendance.

Nous conduisons une réflexion, au bénéfice des musées, sur l'application des exceptions au principe d'inaliénabilité des collections publiques, consacré par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France et figurant depuis à l'article L. 451-5 du code du patrimoine. L'annexe 6 du rapport détaille la démarche suivie dans les procédures de déclassement et de sortie du domaine public. Nous nous appuyons sur la contribution de la commission scientifique nationale des collections pour déterminer la perte d'intérêt public qui pourrait justifier un déclassement. Il appartient à la commission de se prononcer sur l'intérêt scientifique de l'objet puis de dire s'il est susceptible de perdre sa valeur d'intérêt général.

L'intérêt public d'un objet est déterminé d'abord par le projet scientifique et culturel que le musée met en oeuvre. Que fait-on d'un objet qui apparaît redondant au sein d'un musée ? La perte d'intérêt pour un musée ne signifie pas nécessairement une perte d'intérêt général pour l'objet en soi. La réflexion stimulante qui est menée sur l'articulation entre l'intérêt général et l'intérêt muséal des collections doit nous conduire à une meilleure affectation des dépôts et à mieux préciser les évolutions des transferts de propriété de collections. Le transfert des collections est devenu un sujet prioritaire, notamment dans le cadre du récolement décennal, afin de mieux identifier, de mieux faire vivre et de mieux valoriser les collections.

Le déclassement ne peut intervenir que lorsque toutes les autres solutions ont été écartées comme non pertinentes. La compétence de la commission scientifique nationale des collections doit s'articuler avec celle de l'instance de gestion nationale des musées, la direction des musées de France.

Certains objets peuvent être désignés comme déclassés de fait, en raison de leur destruction involontaire par exemple, sans pourtant avoir perdu leur intérêt public. Il existe d'autres cas dans lesquels l'exigence de protection du patrimoine est en conflit avec d'autres dispositions juridiques, telles que celles sur les restes humains comme nous l'a démontré la restitution des têtes maories, ou encore les règles applicables aux biens spoliés. La situation des biens classés ou identifiés comme MNR ne pose pas de difficulté. En revanche, nous devons être vigilants pour les biens qui apparaissent comme spoliés mais qui ne font pas partie des collections nationales, ou qui proviennent d'un trafic illicite ayant donné lieu à des inscriptions ou des acquisitions problématiques.

Si le déclassement doit rester exceptionnel puisque que la perte d'intérêt général a peu de chance d'être constatée, il faut être attentif à la question des provenances et des procédures d'acquisition des collections publiques. Il nous faut être particulièrement vigilant sur le risque de spoliation ou de trafic illicite dans l'histoire du bien. La question morale publique doit ainsi être pleinement intégrée par l'ensemble des équipes scientifiques des musées. Il s'agit là d'éléments susceptibles de faire évoluer la doctrine au sein d'un secteur attaché au principe d'inaliénabilité et de constance des collections.

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