Intervention de Patrick Fournié

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de direction et d'inspection de l'éducation nationale

Patrick Fournié, président d'Indépendance et direction-Force ouvrière (Id-FO :

Id-FO est la deuxième organisation de personnels de direction de l'éducation nationale. Elle représente 20 % des personnels de direction.

Notre fédération FO et notre syndicat ont été quelque peu surpris quand, dans les paroles prononcées aussitôt après les événements dramatiques du mois de janvier, l'école et ses personnels ont été les premiers mis en cause. Nous avons le sentiment que les personnels de direction et des établissements scolaires n'ont pas démérité dans la lutte contre l'extrémisme et dans leur mission de transmission des repères républicains. Il y a danger à placer systématiquement l'école en première ligne, à créer des attentes qu'elle ne pourra pas satisfaire à court ou moyen terme. L'école ne peut pas tout même si elle peut faire beaucoup.

À la suite de ces attentats, nous avons apprécié de voir figurer sur le portail Internet du ministère de l'éducation nationale Eduscol un certain nombre de documents pour aider les personnels enseignants à répondre aux questions, souvent évacuées des salles de classe, relatives à ces repères républicains : le rappel de la loi, des textes législatifs... Il y a là des éléments de langage, clairs et simples.

Quand on parle de repères républicains, on entend parfois perte de repères républicains. Nous sommes plutôt dans une situation de concurrence de repères, avec des valeurs aujourd'hui médiatisées, portées par d'autres institutions qui en diminuent le poids et la force de transmission au sein de notre institution scolaire. Il y a là matière à réflexion, cette concurrence des repères traduit aussi un affaiblissement du poids de la parole publique et de l'image de l'État. Quand on voit la situation dégradée de l'emploi dans les quartiers difficiles, on comprend que la République peine à faire entendre sa voix et à susciter l'adhésion des jeunes dans les classes. Oui au rappel des textes, mais rappeler pour rappeler n'a aucune utilité si l'on ne s'en tient qu'à des discours creux. Les enseignants peuvent rappeler les valeurs républicaines au travers des disciplines enseignées. Nous pensons avec force que l'enseignement de la langue et ses premiers apprentissages sont impératifs pour que des rappels aux valeurs républicaines puissent s'ancrer dans les esprits et produire leurs effets.

Au vu des résultats à la sortie de l'école primaire et du collège, on ne peut qu'être surpris du nombre, trop élevé, d'élèves qui ne maîtrisent pas la langue, ce qui leur interdit de rentrer dans ce récit national que l'on voudrait faire passer au travers des repères républicains. En tant que personnels de direction, nous sommes inquiets du nombre de jeunes qui échappent à l'institution scolaire, à l'école, à ses valeurs, à ses transmissions de savoirs. Cette situation concerne des populations en grande difficulté mais aussi des populations plus aisées et plus favorisées. Les enseignants ont de moins en moins de prise sur un certain nombre d'élèves.

Oui à l'acquis de repères républicains, mais n'oublions pas que d'autres réformes sont nécessaires, notamment sur la question de la mixité sociale dans les établissements scolaires, compte tenu des différentes formes de ségrégations qu'ils connaissent aujourd'hui, géographiques, économiques ou ethniques. Avec uniquement de simples rappels aux textes ou encore la rénovation de l'enseignement civique, dispose-t-on réellement des éléments essentiels pour agir ? Nous pouvons agir dans nos établissements scolaires, en débattant avec les collégiens, avec les lycéens, avec les délégués, sur le règlement intérieur, sur le climat scolaire..., mais nous ne pouvons pas tout résoudre. C'était la position de notre fédération à propos de la loi sur la refondation de l'école. Elle a créé l'illusion que l'école pouvait refonder la République, mais elle ne le peut pas.

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