SGEN-CFDT). - Je vous précise tout d'abord que j'exerce dans le collège de Creil à l'origine de l'affaire du foulard. Les propos du principal alors en exercice ne dépareilleraient pas aujourd'hui. Ils seraient tout à fait audibles maintenant alors qu'ils ne l'étaient pas il y a une dizaine d'années. Tous les discours que j'entends aujourd'hui disent la même chose, nous n'avons pas beaucoup avancé dans la résolution des problèmes liés à l'intégration de certaines populations migrantes au niveau scolaire.
Depuis plus de vingt ans, je travaille sur ces questions qui sont mon lot quotidien. Pour illustrer mon propos, je partirai de l'histoire d'une jeune fille d'une classe de 4e d'origine immigrée, de mère, née en France, de confession musulmane et dont le père est absent. Cette jeune fille a une attitude dévergondée tant dans sa tenue vestimentaire que dans ses propos, contrastant avec l'apparence de sa mère qui vient voilée aux réunions, et qui, je n'en doute pas, a tenté de maintenir un cadre autour de sa fille. Par deux fois exclue d'un collège public et d'une maison familiale et rurale où elle préparait en internat un CAP, cette jeune fille est arrivée cassée dans mon collège et m'a avoué apprécier de ne pas s'y faire traiter de « sale arabe ». Elle a pourtant « décroché » tant la cassure était importante, son comportement est devenu ingérable au sein de l'établissement scolaire. Durant les 18 mois que nous avons passés avec elle, nous avons essayé de réinstaller l'autorité parentale et mis en oeuvre tous les dispositifs sociaux, de suivi éducatif, psychologiques... Rien n'a fonctionné.
Bien sûr il y a la morale, bien sûr il y a le règlement intérieur, bien sûr il y a la discipline, l'autorité, la laïcité... Comment une gamine qui ne sait pas vraiment d'où elle vient et qui elle est peut-elle respecter des valeurs républicaines ? Des personnes se sont penchées sur ces questions d'intégration : Françoise Lorcerie dans son livre L'école et le défi ethnique, la psychiatre et psychanalyste Alice Cherki, l'historien Benjamin Stora... Nous devons revoir le modèle d'intégration à la française des années 50 et 60 et trancher sur les questions de mixité sociale et de mixité ethnique.
Comment va-t-on s'y prendre avec ces enfants en perte de repères ? Après les attentats, j'ai vu des gamins très perturbés auxquels nous devons apporter des réponses. Des pistes commencent à être explorées dans les établissements, notamment dans le mien. Je pense à Mme Lorcerie qui a créé le Réseau international éducation et diversité (RIED) qui travaille sur ces questions. Des formations sont nécessaires tant au niveau des directeurs d'établissement que des personnels enseignants sur la laïcité. Les enfants d'origine étrangère issus de milieux sensibles ont un travail personnel et particulier à faire, que la plupart des enfants d'origine occidentale n'ont pas. Or si l'institution scolaire ne s'empare pas de ces questions, d'autres vont s'en emparer.